Les skieurs ne sont pas bien préparés physiquement et vont trop vite. La mode du carving entraine une forte augmentation des déchirures ligamentaires.
En 2010, les hélicoptères de la REGA ont transporté à l’hôpital 1518 victimes d’accidents de sports d’hiver, contre 920 pour les accidents de la route! Certes, les accidents routiers sont nettement plus meurtriers. Mais la comparaison montre bien que, malgré les campagnes de prévention, les skieurs prennent beaucoup de risques sur les pistes. Les statistiques s’envolent. Toujours selon la REGA, le nombre de cas (45’000) a été 10% plus élevé durant la saison 2009-2010 que pendant l’hiver 2008-2009.
Paradoxalement, les facteurs responsables de cette évolution sont l’amélioration du matériel et l’aménagement de pistes plus larges et moins bosselées, suivant la demande de skieurs de plus en plus séduits par le carving. On a ainsi créé de véritables boulevards, sur lesquels les amateurs «sous-estiment leur vitesse et surestiment leurs capacités», comme le dit Arnaud Colard, directeur de l’Ecole de ski de Verbier. Les responsables des remontées mécaniques des stations tiennent cependant à tordre le cou à une idée reçue: les collisions ne représentent «que» 5% des accidents. De plus, la cohabitation avec les snowboarders se passe plutôt bien. Il y a peu d’accidents impliquant une collision avec des skieurs.
Généralement, les deux catégories de sportifs se blessent eux-mêmes. D’où l’importance d’une prévention axée sur la préparation physique. L’assurance accidents fédérale SUVA est particulièrement active sur ce front. Elle édite notamment un DVD guidant la préparation physique des skieurs avant le début de la saison. Et sur les pistes, elle mène une action globale sous l’appellation très suisse de Check the Risk. Les skieurs y sont surtout invités «à tester leur vitesse et à mesurer les risques qu’ils prennent», affirme Jean-Luc Abt, responsable des campagnes de prévention à la SUVA.
Ces tests rendent les usagers conscients qu’ils skient beaucoup plus vite qu’ils ne le pensaient: «Certains atteignent facilement 60 km/h», constate Jacques Richon, chirurgien et médecin-répondant à Air Glaciers. Quant aux blessures, relève le médecin, leur nature a beaucoup évolué en fonction du matériel. Les fractures sont nettement moins fréquentes. Mais avec le développement du carving, on a assisté à une forte augmentation des déchirures ligamentaires aux genoux. Ces blessures sont apparemment bénignes et le patient est vite remis. «Mais sur le long terme, les conséquences sont lourdes, avec des arthroses nécessitant parfois la pose de prothèses. La vitesse entraîne aussi des cas graves de traumatismes crâniens, un phénomène heureusement endigué par le port du casque, de plus en plus fréquent, surtout pour les enfants.» Les snowboarders prennent en gros les mêmes risques, mais avec davantage de cas de contusions et d’écrasement.
Outre la préparation physique, le réglage des skis joue un rôle primordial pour éviter des accidents, affirme Arthur Clivaz, directeur du domaine skiable de Crans-Montana. Il met en cause le service minimaliste des grandes surfaces: «Il vaut mieux faire contrôler son matériel par un professionnel, qui réglera les fixations selon le poids, la taille et le sexe.»
Des précautions, certes. Mais la dramatisation du phénomène par la SUVA agace un peu dans les stations: «Leurs campagnes font penser que tous les skieurs sont des assassins en puissance», se plaint Arthur Clivaz. Ces critiques étonnent Jean-Luc Abt: «En fait, les stations nous demandent avec insistance d’être présents sur les pistes et les skieurs sont très demandeurs d’informations sur leur manière de skier», répond-il. Mais l’ivresse de la transgression semble plus forte.
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La prévention selon Nicolas Mathieu, physiothérapeute du sport et chargé de cours à la HES-SO Valais Wallis Santé-Social.
Peut-on effectuer une prévention efficace des accidents de ski?
S’il est difficile de prévenir les collisions, le skieur peut anticiper les blessures liées à une surcharge, à la fatigue, à un manque de coordination ou encore un manque de force, que ce soit la force maximale mais aussi la force-endurance.
Qu’entend-on par force-endurance?
C’est le fait d’exercer une activité avec le même groupe musculaire pendant une durée de temps importante: le ski sollicite, par exemple, longtemps le groupe musculaire de la partie antérieure de la cuisse et la musculature paravertébrale.
Quels sont les moyens de prévention que toute personne peut appliquer?
Il faut se préparer physiquement en avant saison, avec des exercices qui travaillent les capacités cardiorespiratoires, la coordination et la tonification. Il faut aussi s’échauffer avant de se lancer sur les pistes.
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Une version de cet article est parue dans la revue Hémisphères.
