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L’apprentissage peut-il encore mener au sommet?

De nombreux CEO suisses sont passés par une formation professionnelle. Mais est-ce encore possible de gravir les échelons avec simple certificat de capacités? Avis de spécialistes.

Ah, la belle époque! Lorsqu’on pouvait débuter sa carrière comme simple apprenti et arriver aux sommets uniquement grâce à sa force de travail. L’ancien conseiller d’Etat genevois Gérard Ramseyer a même publié cette année un livre sur ce sujet («L’Arpète», éd. Slatkine) dans lequel il raconte son expérience nostalgique de «dernier conseiller d’Etat genevois à avoir fait un apprentissage».

N’est-il plus possible en Suisse d’arriver au top avec un simple CFC? Les nombreux CEO qui sont passés par la formation duale tendraient à démontrer le contraire: Sergio Ermotti, CEO par intérim d’UBS (ainsi que son prédécesseur Oswald Grübel), Monika Walser, CEO de Freitag, ou encore Daniel Rossellat (lire leurs portraits ci-dessous), pour ne citer qu’eux.

Pourtant, les spécialistes sont formels: sauf exception rare, il n’est plus possible d’arriver au top avec un apprentissage. «Un chasseur de tête va rarement s’intéresser à un cadre qui n’a qu’un CFC, raconte Eva von Rohr, directrice du cabinet de conseil en carrière Von Rohr. Les métiers et les tâches se sont complexifiés et des connaissances académiques sont désormais indispensables dès qu’on atteint un certain niveau. Par contre, il est tout à fait possible de commencer sa vie professionnelle par un apprentissage et de compléter ses connaissances avec un diplôme universitaire par la suite.» Grégoire Evéquoz, directeur général de l’Office pour l’orientation et la formation professionnelle à Genève, va même plus loin: «Un diplôme de base ne constitue plus une clé pour arriver au sommet. C’est uniquement la formation continue qui permet d’y arriver.»

En gros, peu importe si on débute son parcours par un apprentissage ou par un bachelor, c’est en se formant et en s’adaptant continuellement au marché que l’on augmente son potentiel. Une étude* a par ailleurs montré que la qualité déterminante de ceux qui vont atteindre le sommet est désormais «l’agilité pour apprendre», définie comme la capacité et l’avidité à intégrer rapidement de nouvelles compétences dans des domaines variés. Un atout qui passe bien avant les connaissances académiques, les aptitudes techniques, l’expérience professionnelle ou même l’intelligence.

Dans ce contexte, Grégoire Evéquoz analyse que «l’apprentissage est devenu une formation de secondaire 2 comme une autre. Grâce aux nombreuses possibilités de passerelles qui existent en Suisse, un apprenti cuisinier peut faire une maturité professionnelle, puis étudier dans une haute école hôtelière. Moyennent une maturité professionnelle et un an de passerelle, un employé de commerce peut entrer à l’université et même devenir doctorant! Tous les parcours sont désormais possibles.»

Perçu autrefois comme une finalité, l’apprentissage se transforme donc en une simple étape du chemin professionnel. «Il peut être effectué à n’importe quel moment de la vie et plus seulement à la fin de l’école obligatoire», raconte Blaise Matthey, directeur de la Fédération des entreprises romandes. La moyenne d’âge des apprentis s’est d’ailleurs élevée et ils sont de plus en plus à entamer un CFC après l’obtention d’une maturité. «Les parcours de formation s’individualisent et se complexifient, poursuit Séverin Bez, directeur général de l’enseignement postobligatoire du canton de Vaud. Le plus important n’étant pas par quelle porte on entre, mais d’avoir accès aux passerelles qui permettent la formation continue. Malheureusement, il faut avoir au minimum une maturité ou un CFC pour y arriver. Les jeunes qui n’ont qu’un diplôme d’école obligatoire se retrouvent donc vite exclus et peu employables.»

Dans ce contexte, l’apprentissage est de moins en moins vu comme l’option de ceux qui n’ont pas le choix. La formation duale et académique se retrouvent désormais en compétition et peuvent représenter des options à différents moments d’un parcours de formation. Plusieurs spécialistes observent un nouvel intérêt pour l’apprentissage ces dernières années: «On note d’abord un engouement pour les métiers de l’artisanat, constate Grégoire Evéquoz. Il n’est pas rare de voir un jeune universitaire opter pour un apprentissage d’ébéniste. Ensuite, l’apprentissage reste la formation qui permet la meilleure insertion professionnelle. Confrontés à la dureté du monde du travail, les jeunes qui en sortent sont souvent plus matures et possèdent une appétence et une ambition différente de celle des universitaires. Certains ont également des objectifs professionnels beaucoup plus concrets.»

Pour Eva von Rohr, le grand avantage de la formation duale est «qu’elle permet aux jeunes de brûler les étapes de la compréhension des rouages de l’entreprise et des relations dans le monde du travail. Alors qu’un universitaire se confrontera souvent à l’univers professionnel après 25 ans, un jeune apprenti accumule nettement plus de connaissances dans ce domaine. Ces compétences relationnelles acquises tôt sont particulièrement cruciales dans certains secteurs des services, comme la banque.»

Conscientes de ces avantages, les grandes entreprises suisses sont nombreuses à investir dans la formation duale pour assurer la relève. «Dans le top management d’UBS, qui emploie 920 apprentis, il est fréquent de trouver des personnes issues de l’apprentissage et Sergio Ermotti n’est pas une exception, explique Christophe Bossy, responsable des jeunes talents UBS pour la Suisse romande. Nous privilégions cette filière car elle nous permet de disposer d’un réservoir conséquent de candidats pouvant ensuite évoluer au sein de l’entreprise.»

Du côté de chez Coop, qui forme près de 3’000 apprentis, la politique est d’encourager clairement ces derniers à grader: «Nous recrutons 75% des fonctions de cadres via la relève interne, précise Jean-Claude Chapuisat, DRH pour la Suisse romande. Les apprentis peuvent prendre des responsabilités dès la 3e année.» Chez Nestlé aussi, où 170 apprentis sont formés, de nombreux cadres ont débuté par un apprentissage: «On trouve chez nous toutes sortes de parcours, explique Philippe Oertlé, chef de la communication. Mais les titulaires d’un CFC doivent le plus souvent compléter leur formation pour arriver à des postes à responsabilité. C’est également le cas pour les universitaires, car plus aucun titre ne représente une garantie.»

Eva von Rohr constate «qu’il existe maintenant plusieurs chemins pour arriver au sommet. L’apprentissage peut en faire partie, s’il est complété par une autre formation. Mais à la différence d’un universitaire pour lequel le diplôme représente l’accès à un poste, la formation continue d’un ancien apprenti constitue la légitimation indispensable d’un parcours professionnel. Et pour certains apprentissages trop spécialisés, le chemin risque d’être plus difficile que pour d’autres.»

Dans tous les cas, les jeunes Suisses semblent toujours plébisciter la formation duale: d’après le «Baromètre de la jeunesse» réalisé par sondage pour le Credit Suisse, moins de 40% d’entre eux estiment qu’une formation universitaire constitue une meilleure arme pour réussir sa carrière. Ils sont 77% à considérer que l’apprentissage permet de garder toutes les options ouvertes. A lire les témoignages ci-contre, l’avenir leur donnera certainement raison.

*100 Things You Need to Know: Best Practices for Managers & HR (R. Eichinger, M. Lombardo et D. Ulrich)
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Les anciens apprentis au top

L’apprenti mécanicien devenu patron du Paléo et syndic
Daniel Rossellat, 57 ans

Daniel Rossellat cumule les fonctions de patron du Paléo, une entreprise qui emploie plus de 50 collaborateurs et 4500 bénévoles, et de syndic de Nyon. Il a été responsable des évènements de l’Expo 02 et élevé au rang de Chevalier dans l’ordre des Arts et des Lettres par le Ministre français de la culture en 2007. A l’âge de 16 ans, ce gestionnaire hors-pair a commencé son parcours professionnel par un apprentissage de mécanicien. Il a ensuite travaillé comme animateur culturel et comme journaliste, tout en continuant des études d’ingénieur, avant de se lancer dans l’aventure de son festival. «Au départ, je voulais devenir ingénieur. Bien que j’avais de bonnes notes, mon père m’avait conseillé de débuter cette carrière par un apprentissage. J’en garde un souvenir très dur. La hiérarchie et les horaires stricts ne me convenaient pas. J’y ai acquis d’excellentes connaissances sur les matériaux et surtout la conviction que je ne voulais pas passer le reste de ma vie ainsi!» Actuellement, Daniel Rossellat n’utilise plus les connaissances de son CFC, mais il reconnaît qu’avoir passé par la case apprentissage influence son type de management: «Je ne donne jamais d’ordre gratuitement, sans donner d’explication, car je sais bien combien cela peut être démotivant.»

Le banquier prodige a débuté sa carrière avec un CFC
Sergio Ermotti, 51 ans

Le Tessinois Sergio Ermotti a été nommé CEO d’UBS par intérim en septembre dernier. Fréquemment reconnu comme l’un des meilleurs banquiers du pays, ce père de famille au physique d’acteur a commencé sa carrière bancaire à 15 ans à la Cornèr Bank de Lugano. Peu intéressé par les études, Sergio Ermotti s’est immédiatement découvert une passion pour la banque. Après son CFC, il obtiendra un diplôme fédéral d’expert bancaire et suivra un cursus spécialisé à l’université d’Oxford. Il entre ensuite en 1987 chez Merril Lynch, engagé entre autre par Marcel Ospel. Il gravira les échelons et occupera différents postes à Londres, puis à Milan. Ce n’est que fin 2010 qu’il reçoit une proposition d’Oswald Grübel, alors CEO d’UBS, pour reprendre le secteur Europe, Proche-Orient et Afrique de la grande banque suisse. Les pertes colossales d’un courtier de la banque le propulseront quelques mois plus tard au sommet d’UBS, suite à la démission d’Oswald Grübel.

L’ancienne couturière qui dirige Freitag
Monika Walser

Adolescente, la pétulante CEO de Freitag ne tenait pas en place et trouvait l’école trop facile. C’est donc avec un apprentissage de couturière que Monika Walser, née dans une famille d’entrepreneurs en Argovie, entame sa carrière. A 46 ans, cette passionnée de voile peut se targuer d’un riche parcours: elle crée en 1995 Waega Group, une société de soutien à la création d’entreprises, qu’elle continue de diriger actuellement. Après des études de communication aux Etats-Unis et au Tessin, ainsi qu’un MBA à l’INSEAD de Fontainebleau, elle rachète une entreprise de fabrication de vêtements pour enfants dont elle décuple la production. Avant d’arriver chez Freitag en 2009, elle dirige la communication de l’opérateur téléphonique Diax et officie comme porte parole de Swissgrid. Le parcours de Monika Walser est atypique mais, de la couture au management, tous ses aspects lui sont utiles pour gérer la célèbre entreprise de sacs écologiques zurichoise des frères Freitag.
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Jeunes mais ambitieux, les apprentis

Confrontés plus jeunes au monde du travail, les apprentis développent souvent une maturité et une ambition qui leur serviront dans leur carrière. Témoignages.

«Mon but, c’est de gravir les échelons»
Flo Schoenenberger, CFC de gestionnaire du commerce de détail

Elle n’a que 19 ans, mais Flo Schoenenberger possède déjà une excellente connaissance du monde du travail. Après sa scolarité passée à Ollon (VD), elle s’est lancée dans un apprentissage de gestionnaire du commerce de détail au sein de Migros-Vaud.
Une décision prise après une mûre réflexion: «Mes parents travaillaient à la Migros, j’avais donc des échos sur la façon dont les magasins sont gérés. Il s’agit d’une entreprise sûre et de l’un des plus grands employeurs de Suisse. En postulant, je savais que j’aurais beaucoup d’ouvertures. Quant à l’apprentissage, je pense que c’est une première étape pour aller plus haut. Bien sûr, les études sont aussi très enrichissantes, mais on n’y apprend pas les mêmes choses.»

Un choix qui s’est révélé adéquat: «Mon apprentissage a constitué trois ans de bonheur. Je me suis toujours montrée très motivée. En échange, j’ai eu un excellent retour de la Migros. C’est du donnant-donnant: un apprenti obtiendra le soutien d’une telle entreprise s’il s’applique. Avec cette formation, j’ai plongé tout de suite dans le monde du travail, j’ai appris à gérer un budget et les impératifs d’un métier.»

Actuellement en séjour linguistique pour améliorer son allemand, Flo Schoenenberger retrouverait avec plaisir son employeur à son retour. Elle cherche désormais un poste qui lui offre de nouvelles opportunités: «Mon but, c’est de gravir les échelons, par exemple dans le marketing. Il faudra voir quelles occasions se présentent, mais avec une formation continue, tout reste ouvert pour moi.»

«Les jeunes qui font un apprentissage savent ce que signifie travailler»
Nathanael Amstutz, apprenti polymécanicien

Nathanael Amstutz suit pour une année encore un apprentissage de polymécanicien au sein de la manufacture horlogère suisse ETA, filiale du groupe Swatch basée à Granges (SO). Il s’apprête à accomplir une maturité professionnelle et souhaite compléter sa formation par un diplôme d’ingénieur.

Il considère que ce mélange d’instruction pratique et théorique constitue un atout pour sa carrière: «Toutes les personnes que je connais qui ont fait un apprentissage ont un même avantage: elles savent ce que signifie travailler, gérer son salaire, ses vacances, la pression au travail… Autant d’aspects que l’on n’apprend pas à l’école. Les connaissances acquises sur les finances et le monde du travail sont très précieuses.»

La formation duale est d’ailleurs perçue comme un atout par le groupe Swatch, qui garde 75% des apprentis formés en son sein. Ces travailleurs sont considérés comme capables de concevoir des produits plus efficaces grâce à leurs connaissances techniques et leur pratique du métier.

Mais Nathanael Amstutz sait qu’il doit compléter sa formation actuelle. «L’apprentissage représente un très bon départ. Mais il est crucial de prévoir la suite. Pour ma part, il est clair que je ne veux pas aller à l’université. Je préfère m’orienter vers une haute école spécialisée pour ne pas lâcher le côté pratique de mon parcours.»
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Une version de cet article est parue dans PME Magazine.