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Simon de Pury en star américaine

large300112.jpgVoilà une étonnante extension d’activité. Le commissaire-priseur suisse Simon de Pury vient de terminer la 2e saison de Work of Art: The Next Great Artist, une émission de téléréalité — diffusée sur la chaîne américaine Bravo TV — dont le but consiste à découvrir des talents de l’art contemporain et dont les 20 épisodes diffusés à ce jour ont réuni chacun près de 1,5 million de téléspectateurs.

Le Neuchâtelois, né à Bâle, y opère en tant que «mentor». Au début de chaque épisode, il rend visite aux artistes et leur donne des conseils, afin de les préparer à faire face aux juges. Il a aussi participé avec la chaîne aux castings des deux saisons.

Une manière de rendre l’art contemporain plus accessible au grand public? «Au travers de ce type de compétition, une plus large audience peut comprendre ce que représente de créer et de juger une œuvre d’art, explique l’élégant commissaire-priseur de 60 ans. Tant mieux si cela se fait de manière divertissante. Personnellement, je suis toujours intéressé par les nouvelles expériences.»

Du côté des aspirants, l’émission offre une tribune de rêve. «Par le passé, un artiste qui souhaitait s’exposer devait connaître les bons propriétaires de galeries. Aujourd’hui, il dispose de beaucoup plus de moyens pour percer: il peut le faire de manière traditionnelle, au travers de la rue, de l’internet ou d’une émission de téléréalité. Et très peu d’artistes, même parmi les plus reconnus, peuvent prétendre que leur travail puisse être vu par plus de 1 million et demi de spectateurs.»

Concernant la qualité des participants, Simon de Pury juge les trois finalistes de la première saison «très talentueux», en particulier le vainqueur Abdi Farah. Dans la deuxième saison, il y avait selon lui «six ou sept artistes qui auraient tous pu prétendre être finalistes. Kymia Nawabi, la gagnante, a un très gros potentiel. Il y avait aussi The Sucklord, un toy artist dont je collectionnais déjà le travail avant l’émission.»

En mars, la société qu’il préside, Phillips de Pury & Company, vendra à New York deux œuvres de la récente lauréate. «L’année dernière, nous avons vendu une œuvre d’Abdi Farah pour 20’000 dollars», relève le commissaire-priseur, en ajoutant qu’il suivra de près le développement des participants les plus talentueux: «Comme pour n’importe quel artiste, nous soutiendrons ceux auxquels nous croyons le plus.»

Outre l’impact en termes d’exposition médiatique, la gagnante de la dernière saison a pu empocher la coquette somme de 100’000 dollars, ainsi qu’un one woman show au Brooklyn Museum, à l’affiche jusqu’au 5 février. Seul à décider de l’élimination ou de la nomination des candidats, le jury se compose du critique d’art au New York Magazine Jerry Saltz, de Bill Powers, copropriétaire de la Half Gallery à New York, ainsi que de l’actrice britannique China Chow, également animatrice de l’émission. Chaque épisode reçoit un juge invité, généralement lui-même artiste (parmi eux David LaChapelle, Andres Serrano, Adam McEwen, KAWS, Richard Phillips ou, dans un autre registre, la coproductrice de l’émission, l’actrice Sarah Jessica Parker.)

Responsable du département arts visuels à la Haute Ecole d’art et de design de Genève, Yann Chateigné souligne la démarche «pop», au sens warholien, du projet. «Cette émission a le mérite de rendre publiques des démarches d’artistes et de les faire connaître à une très large audience. Cependant, le risque est qu’en ne valorisant symboliquement que la potentielle réussite marchande, on court-circuite les communautés artistiques et on produise des figures d’artistes sans véritable soutien à long terme. Des stars, au sens premier du terme, comme dans la musique populaire, qui brillent et s’éteignent plus ou moins rapidement.»

Pour Simon de Pury, également photographe et DJ à ses heures, ce concept pourrait très bien s’adapter à un public européen dans une version française, allemande ou italienne. En ce qui le concerne, la question de la poursuite de sa collaboration reste ouverte. Mais l’intérêt de poursuivre l’aventure est bien là, à condition que les tournages n’entrent pas en conflit avec le calendrier des enchères…
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Une version de cet article est parue dans l’Hebdo.