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S’allier ou non à l’UDC, le dilemme de la droite libérale

Les récents échecs du parti blochérien font réfléchir la droite dite fréquentable, sommée de repenser ses fondamentaux. Analyse.

Evidemment la liste est longue: échecs, il y a trois semaines à Saint-Gall, Schwyz, Uri, et aujourd’hui dans le canton de Vaud. Des gamelles qui suivent une perte de sièges au National et un ratage total de l’OPA sur le Conseil des Etats l’automne dernier.

Paradoxalement pourtant, les revers à répétition de l’UDC sont moins intéressants pour ce qu’ils disent de ce parti, menant de toute façon une politique de rupture largement inapplicable, que pour ce qu’ils devraient suggérer à la droite traditionnelle.

A cet égard, la deuxième débandade en quatre mois de l’UDC dans la course au Conseil d’Etat vaudois a peut-être valeur d’exemple, justement, au-delà de l’UDC. D’autant que le candidat Voiblet était soutenu par le centre-droit. L’ancien conseiller d’Etat et conseiller national Claude Ruey avance à ce propos, dans Le Temps, une précieuse salve d’hypothèses à propos d’un mal qui la rongerait, cette droite dite fréquentable.

Et d’abord ceci: «La forte cohésion qui existait avant entre les entreprises, le monde associatif lié à l’économie et le personnel politique du centre droit s’est défaite». Pire: non contentes de s’être éloignées des milieux économiques, les formations de droite se seraient aussi «coupées des nouvelles élites». Des élites et des leaders d’opinion évidemment de plus en plus bobos et sensibles aux thématiques vertes. Ruey donne l’exemple de sa propre épouse, conseillère municipale à Nyon, à qui il suffirait d’évoquer le concept de mobilité douce pour se voir étiquetée à gauche.

Coupée aussi, la droite, «d’une société en changement» d’où émaneraient désormais de «forts besoins culturels». Et pour rattraper ces wagons de l’écologie et de la culture, dont par réflexe pavlovien le politicien standart de droite continue de se méfier, la nécessité d’une alliance systématique avec l’UDC n’apparaît plus aussi indiscutable.

Ni d’ailleurs pour se réconcilier avec l’économie: obsédés par leur haine paranoïaque de l’Europe et leur xénophobie à but électoral, les blochériens se montrent bien peu libéraux en matière de libre circulation des personnes, une libre circulation à laquelle la grande économie, elle, ne voit que des avantages, même si ce n’est pas toujours par amour du genre humain.

L’idée qu’en s’alliant avec l’UDC, la droite traditionnelle, au lieu de gonfler, rétrécirait au lavage, semble d’autant plus recevable si l’on y ajoute cet autre présupposé du même Ruey: qu’auprès des jeunes générations désormais, «le réalisme de l’alliance politique ne fasse plus le poids face au conflit de valeurs».

Que faire alors? Ruey, et sans doute bientôt d’autres avec lui, propose de regarder de temps en temps ailleurs, notamment du côté des nouvelles formations ayant émergé à droite ces dernières années, poussées par les circonstances ou l’air du temps, à savoir les Verts libéraux et le Parti bourgeois-démocratique. A quoi, si l’on est un peu fou, on pourrait ajouter un rapprochement avec ce dangereux parti révolutionnaire appelé PDC.

Irréalistes , naïves, les considérations du sieur Ruey? On peut au moins penser que la droite n’aurait pas grand chose à perdre en renonçant à certaine de ses vieilles lunes — méfiance de l’étranger, militarisme, corporatisme, protectionnisme patriote — qui ne font plus vraiment bander personne. Hormis quelques vieux cœurs aux mollets noueux qui ne voteront de toute façon plus qu’UDC, et ce jusqu’au tombeau.

Et tout à gagner, au contraire, en misant sur des lunes toutes aussi vieilles mais qui présentent le mérite de parler encore, de parler à nouveau, à de jeunes générations de toute façon largement résignées à ne plus compter que sur elles-mêmes: liberté et responsabilité.

De la même manière exactement que, depuis longtemps, la gauche a renoncé non sans succès à ses vieux démons grimaçants qu’étaient la rupture avec le capitalisme et la haine de la libre entreprise. En s’alliant plutôt avec les Verts qu’avec l’extrême gauche, une extrême gauche réduite aujourd’hui à une représentation folklorique.

C’est tout le bien qu’on peut souhaiter à l’UDC et, par ricochets, à des libéraux-radicaux plus obligés de coiffer le sempiternel casque à boulons.