LATITUDES

Le modèle suisse de vacances qui a conquis le monde

Par le biais d’un système de partage, la société Hapimag offre depuis cinquante ans une alternative collective à la possession d’une résidence secondaire. Explications.

Voilà qui s’appelle anticiper une tendance. A l’image des sites d’achats groupés ou de car sharing qui prospèrent sur le web, la société suisse Hapimag mise sur le concept florissant de l’investissement collectif pour une utilisation individuelle. Fondée en 1963 dans le canton de Zoug, l’entreprise fonctionne depuis près d’un demi-siècle comme une coopérative de vacances: ses membres actionnaires sont copropriétaires de 5300 appartements répartis dans 16 pays en Europe, aux Etats-Unis et au Maroc.

Un modèle qui a permis à cette société, employant 1500 collaborateurs et réalisant un chiffre d’affaires de 186 millions d’euros l’année dernière, de s’imposer comme le leader du secteur du timeshare en Europe, avec 140’000 membres.

L’affiliation donne à chaque membre un droit d’habitation exclusif dans les 57 résidences et resorts du groupe. En fonction de son statut, l’adhérent reçoit un certain nombre de points d’habitation lui permettant de réserver le séjour de son choix. Selon les disponibilités, il peut donc décider de l’endroit, du moment et de la durée de son séjour.

A titre d’exemple, pour les personnes souhaitant réaliser des séjours compris entre trois et six semaines par année, Hapimag propose une offre à vie de 36’000 francs, auxquels s’ajoutent 1500 francs de charges annuelles, puis entre 200 et 400 francs de charges d’utilisation selon la catégorie de logement choisie. D’autres offres permettent de s’abonner pour une durée limitée à quelques années.

Quant aux habitations, elles peuvent aller d’une simple maison de vacances familiale à des résidences plus luxueuses. «Nous ne nous basons pas sur un système d’étoiles, note le CEO Kurt Scholl. Ce qui compte pour nous, c’est le côté swissness de notre offre, à savoir la qualité et la propreté de nos résidences.»

Les infrastructures dépendent de l’offre locale: les logements qui se situent dans un endroit disposant de thermes ne seront pas équipés d’un spa, par exemple. Sensible à ce genre de considération écologique, la clientèle se compose essentiellement de personnes de 45 ans et plus. Beaucoup ont par ailleurs envisagé l’achat d’une résidence secondaire à titre individuel avant d’opter pour ce choix collectif.

Depuis le milieu des années 80, différents acteurs internationaux se sont lancés dans cette voie. Notamment de grandes chaînes d’hôtels comme Marriott ou Hilton, qui comptent parmi les principaux concurrents de la société zougoise. On comprend mieux leur intérêt lorsque l’on sait que la branche connaît une croissance de près de 15% depuis une dizaine d’années, pour un marché mondial représentant environ 10 milliards d’euros, selon les estimations de Kurt Scholl. Autre avantage du principe, et non des moindres dans un pays comme la Suisse où la construction de résidences secondaires pose de plus en plus problème: le taux d’occupation. «Il s’élève à 80% chez Hapimag, contre une moyenne générale de 15%», rappelle encore le responsable.

Un milliard d’euros. Une bonne santé que confirme le directeur de l’association professionnelle de la propriété de vacances en Europe (Resort Development Organisation), Paul Gardner Bougaard: «Malgré le ralentissement économique mondial, le secteur de la propriété de vacances reste robuste, avec des ventes en Europe totalisant 750 millions d’euros en 2011.» Toujours sur le plan européen, les niveaux d’occupation annuels se fixent à une moyenne de 72%. Enfin, cet expert souligne la spécificité de Hapimag dans un secteur offrant traditionnellement aux acheteurs davantage un droit d’occupation que de propriété. Une nuance loin d’être anodine: la valeur d’acquisition des logements de la société suisse s’élève aujourd’hui à plus de 1 milliard d’euros.
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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo.