TECHNOPHILE

Survivre à l’avalanche de données

Des start-up suisses veulent aider les entreprises à mieux gérer le flux constant d’informations numériques. Au risque de marcher sur les plates-bandes de Google, Microsoft et IBM.

Des données, toujours plus de données. Trop de données? L’augmentation rapide de la quantité d’information à notre disposition peut finir par paralyser. La solution? Des outils appelés «analyse sémantique», «knowledge curation», «data mining» ou encore «big data». C’est le créneau sur lequel misent quelques jeunes sociétés helvétiques, telles que Searchbox (Genève), Squirro (Zurich), Shore.li (Lausanne) ou encore Statoo (Berne). Leurs services visent à mieux naviguer à travers ce flux de données — et éviter de s’y noyer.

Fondée par Nicolas et Stéphane Gamard en 2009, Searchbox propose par exemple un outil de recherche de documents adapté aux entreprises. «Notre objectif, c’est de faire mieux que Google, lance Nicolas Gamard. Pour pouvoir présenter des résultats utiles, l’algorithme de recherche doit pouvoir analyser le contenu, le catégoriser automatiquement et établir des liens avec d’autres fichiers. Tout ce travail d’analyse sémantique est réalisé grâce à une approche statistique poussée, basée par exemple sur la fréquence d’apparition des mots.» Une des difficultés majeures consiste à regrouper des sources disséminées dans de nombreuses bases de données (clients, employés, fournisseurs), afin d’offrir une interface unique à l’usager. 

Parmi ses clients, Searchbox compte de grandes institutions telles que l’EPFL ou le CHUV. Pour son plus gros mandat, la jeune société a indexé toutes les demandes de financement d’études scientifiques déposées auprès de l’Union européenne – des dizaines de milliers de documents éparpillés dans une quinzaine de sources. «Notre produit pourrait également intéresser des petites structures devant gérer un grand nombre de documents, comme des cabinets d’avocat ou des sociétés d’audit financier», glisse Nicolas Gamard.

Aider les vendeurs 

Ce que Searchbox fait pour l’intranet, Squirro le fait pour l’internet en offrant un service de «knowledge curation». «Une recherche sur Google fonctionne bien si l’on est spécifique, mais elle donnera trop de résultats si l’on reste général, explique le directeur Dorian Seltz. Notre application suit au jour le jour toutes les nouvelles informations qui apparaissent sur le web et les rassemble pour l’usager — que ce soient des communiqués de presse, des messages sur les réseaux sociaux tels que Facebook et Twitter ou des articles de journaux.» Squirro se destine principalement aux responsables de vente, qui doivent rester très bien informés sur leurs clients. «Un vendeur consacre entre 15 et 30 minutes pour se renseigner sur un client avant de le contacter. Notre objectif est de rendre cette tâche la plus efficace possible.»

Pour affiner le processus, Squirro suit l’approche de Google: apprendre de l’utilisateur. «Nos algorithmes observent combien de temps l’usager reste sur une page, s’il la partage ou passe rapidement à une suivante, ce qui permet d’améliorer constamment les résultats.» L’application, qui coûte entre 50 et 100 dollars par an, est compatible avec les principaux logiciels utilisés dans les services de vente tels que Salesforce ou SugarCRM.

Dernier exemple: le Lausannois Shore.li propose une plateforme web pour agréger des contenus créés par des internautes (photos lors d’un évènement, flux Twitter lors d’une campagne promotionnelle, commentaires sur des forums). Parmi ses clients: France Télévision, Nespresso, KPMG ou encore Forbes. «Notre but est de valoriser ce qui circule dans les réseaux sociaux digitaux, et de permettre à nos clients d’y réagir, explique le directeur Nicolas Dengler. L’une des difficultés est d’éviter le spam, de plus en plus présent dans ce genre de contenus.»

«Possible de faire mieux que Google»

Les jeunes pousses ne sont pas timides et osent concurrencer les géants (Google, IBM, Microsoft ou encore Oracle) qui développent des outils d’analyse de données similaires. «Il est possible de faire mieux que Google, comme l’a démontré Local.ch pour les recherches locales», affirme Dorian Seltz. Le marché des entreprises de taille moyenne est particulièrement intéressant: «Elles ne peuvent s’offrir les solutions onéreuses proposées par les grands fournisseurs», souligne Nicolas Gamard de Searchbox.

Mais ces start-up peinent à trouver des fonds pour survivre ou se développer. «Il est très dur de lever de l’argent en Suisse, dit Dorian Seltz. Les investisseurs préfèrent financer les nouveaux venus qui copient des modèles éprouvés — comme par exemple HouseTrip ou DeinDeal, inspiré par Groupon.» Pour Nicolas Dengler, l’important est de garder des projets de taille raisonnable, gérables avec une petite équipe (Shore.li n’a que deux employés) et au budget acceptable pour les clients.

«La recette dans ce domaine est de viser un marché local et de peaufiner son produit», ajoute Jean-Pierre Vuilleumier, directeur de CTI Invest, une plateforme de capital-risque soutenue par la Confédération. Avec les EPF, les universités et les HES, la Suisse ne manque ni de bonnes d’idées, ni de start-up, mais bien d’argent. Un paradoxe pour l’un des pays les plus riches de la planète.