LATITUDES

Partager plutôt que posséder

Bientôt, tout ce qui peut être partagé le sera: musique, photos et vidéos, mais aussi voitures, maisons, vêtements ou jardins. Une étude zurichoise prend la mesure du phénomène.

Le «co-sharing», principe qui promeut le partage plutôt que la possession, fait de plus en plus d’adeptes aux motivations diverses (écologiques, financières ou sociales). Le partage est partout, plus que jamais stimulé par les réseaux sociaux du Net.

Car partager sur les réseaux ne se résume plus uniquement à raconter sa vie en ligne à ses amis. Il s’agit dorénavant de faire partie de communautés où le partage joue un rôle essentiel; c’est là un nouveau mode de construction de son identité au regard des autres. Du covoiturage à la colocation, des préfixes «co» s’accolent à un éventail de biens qui ne cesse de s’élargir.

Figure de proue de l’économie du partage, Rachel Botsman, auteur du livre «cialis ordering online», voit dans cette tendance un nouveau modèle de consommation au potentiel révolutionnaire. Partout, des dynamiques collaboratives se mettent en place, des sociologues évoquent une «co-révolution», une mutation de notre société. Le CeBIT (salon des technologies de l’information et de la bureautique), qui s’est réuni ce printemps à Hanovre, a d’ailleurs fait de la «Shareconomy» le thème de ce grand rendez-vous des leaders du monde digital.

Une étude publiée en avril par le Gottlieb-Duttweiler-Institut (GDI) de Zurich a tenté de prendre la mesure du phénomène en cours. «Nous apprenons à partager avant d’apprendre à acheter», rappelle Karin Frick , coauteur de «Sharity, l’avenir du partage». Sharity, un néologisme né de la combinaison de «share», partager et de «charity», charité. Quelques 1121 Suisses et Allemands ont été interviewés pour cerner leur rapport au partage. Les questions posées: Que partagez-vous ? Que ne partagez-vous pas? Que partagez-vous volontiers? Que partagez-vous moins volontiers? Quels seront les domaines dans lesquels le partage s’étendra demain ?

Mis à part son mot de passe, sa brosse à dents et ses sous vêtements, tout ou presque semble susceptible d’être partagé (voir l’infographie). L’analyse des réponses met en évidence les faits suivants: les femmes partagent plus volontiers et davantage que les hommes, les jeunes plus que les vieux, les Allemands plus que les Suisses – avec les Berlinois comme champions. Enfin, les revenus n’influencent en rien la propension au partage.

On relève que 51% des 18-29 ans partagent souvent quelque chose, non seulement en ligne mais aussi «dans le frigo ou dans le lave-vaisselle». Chez les 30-49 ans, le pourcentage diminue pour atteindre 44%, et chez les plus de 50 ans il chute à 38%. L’étude a permis de constater qu’avec l’âge, une impression de liberté semble émaner du fait d’être l’unique propriétaire d’un bien, d’où une réticence au partage qui augmente avec les années.

Conclusion de l’enquête: aujourd’hui, le partage est perçu comme un signe d’intelligence. Il est sexy. A l’avenir, avec de plus en plus de «digital natives», nous partagerons davantage avec des personnes de moins en moins proches; le partage deviendra la norme. L’étude est disponible en ligne. Son accès coûte une centaine de francs. Pas vraiment l’illustration de son contenu!

La loi de Zuckerberg s’appliquera-t-elle demain dans le monde réel? Sur le Net, cliquer sur «partager» c’est rendre accessible un contenu à plusieurs utilisateurs. Dans la «vraie vie», partager c’est se départir de quelque chose. Une démarche incontestablement plus difficile. Deux acceptions distinctes de «partager». La première tend à renforcer l’ego des internautes alors que la seconde relève de l’altruisme.