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La Suisse capitule. Et alors?

La loi en vue d’un règlement du passé avec l’administration fiscale américaine déclenche la colère du parlement helvétique. Une réaction qui repose largement sur des préjugés et un orgueil mal placé.

Donc c’est «perplexité, consternation et colère». Ce qui fait peut-être beaucoup pour trois misérables articles de loi — un pour la perplexité, un pour la consternation, un pour la colère? Avec quand même deux objectifs clairement identifiés: permettre aux banques suisses concernées de régler leurs différents fiscaux avec les Etats-Unis, premièrement, sans violer pour autant le droit suisse, deuxièmement. Autrement dit: bonsoir le secret bancaire, bonjour la délation.

L’annonce de ce projet de loi par la ministre des finances Eveline Widmer-Schlumpf a évidemment été saluée à l’international — «Jour faste pour la lutte contre l’évasion fiscale», estimaient ainsi les certes tricolores «Echos». Mais, comme on sait, plutôt fraîchement accueillie sous la coupole, avec une unanimité presque suspecte.

Des mesures «bâclées»,«précipitées», bref «pas sérieuses», tonne l’UDC et son cacochyme timonier Blocher, comme soudain ressuscité. Mais bon, l’UDC est là dans son rôle, tout accord avec «l’étranger» s’apparentant pour elle, forcément, à une «capitulation». D’autant plus lorsqu’il s’agit des Etats-Unis. L’anti-américanisme n’est-il pas depuis longtemps l’obsession la mieux partagée de tous les partis extrêmes, quel que soit le bord d’où ils gesticulent?

Les radicaux, qu’on ne qualifiera pas de têtes brûlées anti-gouvernementales ni d’américanophobes systématiques, ne se contentent pas cette fois, comme bien souvent, de suivre discrètement, sans le dire, les excès de l’UDC: ils essaient plutôt de les précéder, de crier encore plus fort. «Plus grave qu’une capitulation!», s’étrangle ainsi Christian Lüscher. Même si en terme de stratégie et de vocabulaire militaire — c’est bien d’un combat à fleurets de moins en moins mouchetés qu’il s’agit ici — on ne voit pas trop ce qui pourrait s’avérer «plus grave qu’une capitulation».

Le PS, lui, semble agité dans cette affaire par une autre vieille marotte toute aussi automatisée, et largement répandue paraît-il dans la population: la haine des banques. «Nous n’acceptons pas qu’on vienne nous demander la bouche en cœur de modifier le droit suisse pour couvrir leurs agissements. Nous ne prêtons pas la main à ce genre d’opérations.» «Couvrir», «opération», le président Levrat choisit à dessein un langage à la 007 pour évoquer — comme son hexagonal camarade Hollande, lorsqu’il était encore en campagne et bien aimé des foules — l’ennemi numéro un, sans visage, odieux, tout puissant, tentaculaire et «jamais élu»: «le monde de la finance».

Timoré de nature, le PDC, lui, résume le sentiment général, par son président de groupe Urs Schwaller: «Pas assez d’informations.» Le projet de loi, ne reposant sur aucun accord, se résumerait à l’autorisation accordée aux banques suisses d’accepter les propositions de règlements unilatérales du fisc américain, sans que l’on connaisse les dites propositions. Pas question donc, s’enflamment nos indignés, de signer un blanc-seing législatif que les Etats-Unis ensuite rempliraient à leur guise.

Pas question non plus d’écouter Eveline Widmer-Schlumpf et le Conseil fédéral expliquant que c’était «à prendre ou à laisser», que les Etats-Unis n’étaient «pas disposés à attendre davantage la régularisation des activités passées des banques suisses». Et que si les dites banques n’étaient pas autorisées à collaborer avec les autorités américaines, «il ne serait pas exclu que d’autres enquêtes pénales ou actions en justice soient engagées contre des établissements bancaires». Bref, le climat «d’insécurité qui pèse sur la place financière serait maintenu».

Rien n’y fait. C’est un parlement soudain bien rebelle, et jusqu’au-boutiste, qui semble vouloir envoyer un niet vengeur et sonore au gouvernement. Au nom de préjugés et d‘un orgueil national pas forcément de saison. Alors que des raisonnements glacés et un pragmatisme féroce auraient peut-être mieux convenu en la circonstance. Les députés en colère finiront sans doute par se résigner. Si le triomphe des Etats-Unis est en effet total, qui peut proposer aujourd’hui une autre variante, sauf celle de tempêtes encore plus fortes venant balayer notre valeureuse place financière?