
Convertir les rejets de chaleur, même à des températures aussi basses que 30 degrés, en électricité? Tel est le système mis au point par la start-up lausannoise OsmoBlue. Son projet recèle de nombreuses promesses pour l’industrie, notamment les data centers, les usines d’incinération ou encore les raffineries.
Aujourd’hui, ce principe de récupération s’applique déjà, mais essentiellement à des températures plus élevées, oscillant autour de 150 degrés. Le système mis au point par OsmoBlue permet de réduire considérablement ce seuil et de fonctionner, par exemple, à partir de la fumée rejetée par une usine. «Pour une question d’échelle, nous visons surtout le secteur industriel», relève la cofondatrice Elodie Dahan. Un immeuble de quelques étages ne rejette pas une quantité de chaleur suffisante pour que le processus puisse s’y appliquer de manière adéquate. Cependant, des grands centres de traitement de données informatiques aux services industriels municipaux en passant par les déchèteries, les clients potentiels et les applications possibles ne manquent pas.
D’autant qu’il s’agit pour l’heure d’un marché encore peu exploré. «A notre connaissance, une seule société, aux Etats-Unis, utilise une technologie similaire», relève Elodie Dahan, qui a réalisé une thèse en microtechnique à l’EPFL après des études en France. Tout comme OsmoBlue, cette start-up se trouve à l’heure actuelle en phase de démarrage. Preuve de l’intérêt porté à l’international pour cette technologie: la jeune pousse est soutenue par le département américain de l’énergie.
De son côté, la société lausannoise, qui compte quatre associés et se trouve en contact avec diverses entreprises locales actives dans le secteur de la chimie et de l’incinération de déchets, développe en ce moment le prototype de sa machine. Celle-ci fonctionne selon un principe chimique — l’osmose — qui, par le biais d’un circuit hydraulique, génère un mouvement. La source de chaleur complète ce mouvement et permet de faire tourner une turbine générant ainsi de l’électricité. «En règle générale, l’osmose fonctionne avec de l’eau salée, note la scientifique. Nous développons en interne d’autres produits permettant d’obtenir le même résultat.»
Cette idée, brevetée, lui est venue à l’esprit durant son temps libre, alors qu’elle parcourait de la documentation sur les technologies renouvelables. Elle travaillait alors à Boston dans le secteur des biotechnologies. «Le fait que je vienne du secteur de la microtechnique m’a sans doute permis d’adopter un regard différent sur ce sujet», souligne l’entrepreneuse.
Mais les bonnes idées ne font pas tout. Encore faut-il pouvoir les mettre en œuvre pour les commercialiser. C’est pourquoi, avec ses associés, Elodie Dahan a décidé de rentrer en contact avec l’EPFL et plus particulièrement avec le professeur Philippe Renaud du laboratoire de microsystèmes. Ce dernier a permis à l’équipe de démarrer son travail au sein d’un laboratoire d’accueil et d’obtenir l’appui de la bourse de soutien aux start-up Innogrants.
Le professeur estime que la start-up présente un modèle d’affaires particulièrement intéressant: «De nombreuses machines, en particulier les serveurs informatiques, génèrent de grandes quantités de chaleur à basse température qu’on peut utiliser pour le chauffage des bâtiments, mais dont on ne peut pas stocker ou transmettre l’éventuel excès d’énergie. La température est trop basse pour faire, par exemple, fonctionner une machine thermique.» La solution d’OsmoBlue pourrait, à cet égard, se révéler simple et peu coûteuse. Cependant, ajoute-t-il, la marge pour le fonctionnement efficace est très serrée et la validation du concept doit encore être améliorée.
De son côté, SuisseEnergie, plate-forme rassemblant l’ensemble des activités liées au domaine des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique, relève le grand potentiel d’économies d’énergie dans les entreprises industrielles de moyenne et grande envergure en Suisse. En considérant l’ensemble des flux servant à les chauffer et à les refroidir sous un angle global, il serait possible, selon l’association, de réaliser une économie d’énergie thermique de l’ordre de 40% en fonction de la branche. Ce qui représente un potentiel de gains pour l’économie suisse estimé entre 20% et 40%.