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Consoles: Sony et Microsoft jouent gros

Annoncées pour la fin de l’année, les PS4 et Xbox One de nouvelle génération entrent dans un marché potentiel de plus d’un milliard de joueurs. Mais les accros au joypad ne les suivront pas forcément.

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La guerre des consoles de nouvelle génération a réellement commencé le 21 mai 2013, trois semaines avant l’ouverture du Salon international du jeu vidéo (E3) de Los Angeles. Pour gagner la première bataille de la communication, le géant américain Microsoft a alors dégainé en grande pompe — et en live conference sur internet — sa nouvelle Xbox One, qui succède à la Xbox 360, et dont la sortie suisse est prévue pour début 2014.

Le 10 juin à Los Angeles, son concurrent japonais Sony lui a donné la réplique en dévoilant dans les détails la PlayStation 4 (PS4), descendante de la PS3, annoncée pour la fin de l’année.

Pour ces deux entreprises, l’enjeu est de taille: l’agence néerlandaise Newzoo, spécialisée dans l’analyse de marché, a pronostiqué que le secteur du jeu pèserait 70,4 milliards de dollars en 2013. Soit un taux de croissance de 6% par rapport à 2012, avec 1,2 milliard de joueurs. Bienheureux le constructeur qui réussira à brancher sa console à l’écran plat du salon. Et tout est bon pour faire perdre des points marketing au concurrent.

Sony profite du plantage de Microsoft

Sur un plan technique, les deux machines sont très similaires, offrant comme attendu des graphismes spectaculaires en haute définition et un affichage fluide à 60 images par seconde. Alors, pour se démarquer, il faut jouer des coudes, voire porter quelques tacles. Lors de sa présentation, Sony a ainsi annoncé un prix moins élevé pour sa machine que sa rivale américaine: en Suisse, elle se vendra au prix de 449 francs, contre 629 francs pour la Xbox One.

Pour rappel, on se souvient qu’il fallait débourser près de 700 francs pour la PS3 à son lancement en 2007, alors que la Xbox 360 se vendait autour de 450 francs à son arrivée en 2005, soit bien avant la console japonaise. Selon les spécialistes, cette différence de prix avait eu pour incidence de faire stagner les ventes de la console de Sony à sa sortie, profitant ainsi à la machine américaine.

«Sony a aujourd’hui l’avantage d’un prix plus bas pour sa PS4 afin d’attirer les joueurs», commente l’analyste américain Rob Enderle, spécialisé dans le marché des nouvelles technologies.

Sony a également très bien joué le coup en prenant le contrepied systématique des innombrables faux pas commis par son concurrent lors de sa première conférence. Le 21 mai, Microsoft avait en effet annoncé l’obligation d’une connexion internet permanente pour pouvoir jouer, une caméra intégrée façon «Big Brother is playing with you» et l’impossibilité de prêter les jeux ou de les revendre. L’annonce avait horripilé les gamers et immédiatement enflammé les forums. Le 10 juin, Le CEO de Sony Computer Entertainment, Andrew House, annonçait le sourire en coin qu’il ne serait pas nécessaire d’avoir une connexion permanente et que les jeux pourraient s’échanger et se revendre comme sur la PS3.

Une semaine après avoir présenté la Xbox One à l’E3, Don Mattrick, président de l’unité Interactive Entertainment Business chez Microsoft, a donc opéré une mise à jour sur le mode de la marche arrière… Il ne sera plus nécessaire d’être connecté pour jouer avec une Xbox One et les jeux pourront être revendus et prêtés. «De meilleurs titres de lancement que ceux de la PS4 et un budget marketing plus important peuvent faire oublier ces revers», analyse Rob Enderle. Rien n’est perdu car ce sont les sorties de jeux phares qui «feront la différence dans l’achat des consoles», estime aussi Charles Planade, analyste financier de la société française Arkéon.

La concurrence des tablettes et smartphones

Mais de nouveaux acteurs pourraient bien venir troubler les plans des deux grands rivaux. Pour les analystes de Newzoo, les supports tactiles (smartphones et tablettes) vont représenter en 2013 18% de parts de marché des jeux vidéo, contre 13,7% l’an dernier. Ils rapporteront 12,3 milliards de dollars contre 9,1 milliards en 2012. «Sony et Microsoft vont se trouver sous la pression des tablettes et smartphones, qui attirent nombre de casual gamers et détournent l’attention des Xbox et PlayStation», prédit Steve Bailey, analyste chez IHS.

«Les deux compagnies doivent penser à mieux intégrer les nouvelles habitudes nomades dans l’expérience de jeu en salon», propose-t-il. Car les nouveaux écrans mobiles grignotent des parts de marché aux consoles, mais aussi aux machines portables de Sony et Nintendo, la PS Vita et la 3DS. «Sony et Microsoft devraient s’associer pour créer une nouvelle plateforme exploitant le système Android, et ainsi s’accaparer le marché des casual gamers», suggère même Rob Enderle.

Les sorties de novembre vont-elles être un échec? Dans un rapport, NPD Group pronostique que seulement 29% des core gamers, le cœur de cible de Sony et Microsoft, achèteront une PS4 ou une Xbox One dès leur sortie. «Les casual gamers, et tous ceux qui sont sensibles au prix et au gameplay davantage qu’aux graphismes, ne se tourneront pas tout de suite vers ces consoles», estime Charles Planade. «Par ailleurs, Nintendo va baisser cet hiver le prix de sa Wii U et pourrait s’attirer des clients.»

Sur le papier, la PS4 est plus puissante que sa concurrente américaine. Elle ne devrait pas pour autant prendre le dessus sur la Xbox One. «On ne s’attend pas à une grande différence dans les ventes mondiales», précise Steve Bailey. Pour lui, le prix fixé par Sony lui donne un avantage sur la Xbox One, mais «Microsoft propose une offre de jeux en ligne meilleure que celle de PlayStation. Le tableau ne dessine pas de grand gagnant.»

Depuis quelques années, les ventes des consoles de salon sont en déclin, autant pour Sony que Microsoft. Les prémices d’une fin de règne? «Pas nécessairement, estime Steve Bailey. Le marché suit des cycles, et il se trouve actuellement dans sa partie basse. Nous nous attendons à un retour de la croissance dans le marché des consoles pour 2014. Le pic des ventes n’atteindra pas celui des générations précédentes, mais le volume total devrait rester comparable.»
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PlayStation 4
Prix: 449 francs
Caméra de jeu interactive: PSEye non incluse
Processeur: AMD Jaguar 8 cœurs (2Ghz)
Processeur graphique: AMD Radeon de 7e génération
Vitesse de calcul: 1,84 TFLOPS
Lecteur optique: Blu-Ray
Rétrocompatibilité des jeux: Oui (via la plateforme de streaming Gaikai aux USA en 2014)
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Xbox One
Prix: 629 francs
Caméra de jeu interactive: Kinect 2 intégrée
Processeur: AMD Jaguar 8 cœurs (1,6 GHz)
Processeur graphique: AMD Radeon 7790
Vitesse de calcul: 1,23 TFLOPS
Lecteur optique: Blu-Ray
Rétrocompatibilité des jeux: Non
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Nintendo hors jeu

Nintendo n’arrive pas à vendre sa nouvelle machine, la Wii U, sortie en décembre 2012. La firme japonaise a annoncé pour la fin de l’année le retour des grands classiques de la maison (Super Mario, Donkey Kong) et l’extension Wii Fit qui avait boosté les ventes de la Wii.

Sauf que, pour Michael Pachter, «il n’est pas nécessaire d’avoir la haute résolution pour faire du sport avec la Wii Fit, cela ne servira à rien d’acheter la Wii U pour ça». Nintendo semble aussi distancé pour Rob Enderle: «Il n’y a pas de buzz autour de la console.» Les récentes annonces faites par Nintendo n’ont en tout cas pas eu un grand écho dans le ramdam que provoquent les Xbox One et PS4.
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Ouya et GamePop, les alternatives low cost

Sans grandes prétentions techniques, les consoles low cost entrent dans le marché du casual gaming. L’américaine Ouya, sortie en mars 2013, ne coûte que 99 dollars. Branchée à l’écran télé, elle offre au joueur la possibilité d’essayer gratuitement des jeux sur Android avant de les acheter. Pour les gamers plus avertis, un kit de développement de jeu est fourni lors de l’achat afin de créer ses propres divertissements et les vendre ensuite.

Autre projet alternatif, la GamePop fonctionne elle aussi sous Android. Connectée à l’écran du salon, elle permet de jouer soit avec une manette fournie soit avec son smartphone. A sa sortie, elle ne coûtera rien, mais il faudra s’abonner pour accéder aux contenus à 6,99 dollars par mois.

Des nouvelles venues pas chères dans le casual gaming, qui plus est branchées dans le salon. De quoi faire peur à Sony, Microsoft et Nintendo? Pour Michael Pachter, il ne s’agit toutefois pas d’alternatives menaçantes: «Tout comme YouTube vis-à-vis de la télévision, ce ne sont pas de vrais substituts, en raison de la faible qualité graphique.»
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Une version de cet article est parue dans Swissquote Magazine (no 4 / 2013).