TECHNOPHILE

Les entreprises s’ouvrent aux réseaux sociaux

Afin d’améliorer l’échange d’informations entre leurs employés, toujours plus de sociétés recourent aux réseaux sociaux. Mais une telle mise en œuvre implique une évolution des mentalités.

Pour lutter contre l’avalanche quotidienne de messages électroniques et améliorer la communication entre collaborateurs, de plus en plus d’entreprises en Suisse déploient des réseaux sociaux à l’interne. Le groupe vaudois Bobst vient par exemple d’installer la solution genevoise Hyperweek, concurrente des nombreuses autres offres disponibles sur le marché comme Yammer (Microsoft), Jam (SAP) ou encore Chatter (Salesforce).

«Notre objectif est de favoriser au maximum l’échange d’informations et d’éviter les doublons», relève le responsable de la communication du groupe Stéphane Mader. L’entreprise a démarré le processus à la fin de l’année dernière, parallèlement à son installation à Mex (VD), à partir d’une équipe test composée d’une soixantaine de personnes. Aujourd’hui, plus de 100 collaborateurs communiquent par ce biais, un nombre qui devrait continuer de progresser dans les mois à venir.

Toutefois, inciter les collaborateurs à utiliser cette plateforme n’a pas été simple. Les défis se sont révélés nombreux, notamment en ce qui concerne la culture d’entreprise. Au-delà des blocages liés aux barrières hiérarchiques, des différences culturelles selon les régions sont également apparues au sein du groupe vaudois, actif dans plus de 50 pays. Par exemple, le système a très vite été adopté en Inde, où les gens, qu’il s’agisse de top managers ou d’employés lambdas, sont habitués aux réseaux sociaux et y communiquent spontanément. Au Japon, au contraire, les collaborateurs se montrent traditionnellement plus révérencieux vis-à-vis de leurs supérieurs et le processus a moins bien fonctionné.

D’autres freins sont plus directement liés à la position spécifique de l’employé dans l’entreprise. C’est le cas pour le middle management, dont une bonne partie de l’influence provient des informations fournies par la direction. Certains de ses représentants peuvent se montrer plus enclins à la rétention d’informations et considérer un tel outil comme une atteinte à leur statut. Pour qu’une telle mise en œuvre se réalise de manière harmonieuse, elle doit donc impérativement réunir l’adhésion de tous les managers, notamment dans les régions où ceux-ci exercent un contrôle marqué sur leur département. Le but étant d’éviter une mauvaise circulation de l’information, mais aussi le maintien de créneaux au sein desquels celle-ci ne s’échange qu’entre certains collaborateurs (techniciens, vendeurs, etc.) disposant d’intérêts communs.

Chez Bobst, l’une des technique utilisée pour «lancer la dynamique» a consisté a encourager les personnes à l’origine de bonnes idées à les publier sur le réseau afin que le reste de la communauté en prenne connaissance et qu’elles puissent ainsi se mettre en avant. «On retrouve les même questions d’egos que dans les réseaux traditionnels, relève Stéphane Mader. Mais il s’agit en l’occurrence d’un élément bénéfique, puisqu’il va dans le sens de l’entreprise.»

Les motivations peuvent varier au sein d’une même entreprise, mais aussi d’une société à l’autre. Depuis fin 2011, le TCS a lui aussi opté pour la solution Hyperweek (rachetée récemment par la société belge Knowledge Plaza). «Il s’agit d’un outil de communication interne parmi d’autres», relève le responsable de la communication Moreno Volpi. Le réseau, qui trouve sa place à côté de l’intranet, des réunions, des newsletters, du journal interne et de divers événements à l’attention du personnel, remplit plusieurs fonctions. Il permet aux collaborateurs de réagir instantanément aux décisions de la direction ou aux articles publiés, mais aussi de communiquer des projets par groupes fermés ou ouverts. A un niveau plus privé et informel, il peut également servir comme plateforme d’échange et de partage (objets, appartement, etc.) entre employés. A noter que la plateforme est multilingue: chaque collaborateur commente dans sa propre langue.

Là aussi, le démarrage a été plutôt tranquille. «Ca ne bouge pas autant qu’un réseau traditionnel comme Facebook ou Twitter, note Moreno Volpi. Les collaborateurs sont identifiés par leur nom et prénom et doivent donc assumer leurs propos. Cependant, l’adhésion est graduelle, cela fonctionne de mieux en mieux.» En effet, au sein d’une organisation de 1’600 employés, éclatée sur tout le territoire suisse, un tel outil ne manque pas d’utilité pour permettre aux employés de s’identifier et d’adhérer au projet d’entreprise.

Pour sa part, Sakina Aubert Preiswerk, responsable pour la Suisse romande de l’Association suisse de la communication interne (ASCI) estime que les réseaux sociaux d’entreprise «n’en sont qu’à leur tout début en Suisse» et devraient gagner en importance dans les années à venir. A terme, un seul risque existe: que les employés passent plus de temps à communiquer, qu’à avancer effectivement dans leurs tâches.
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Une version de cet article est parue dans le magazine Entreprise romande.