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Jeff Bezos, l’insatiable

Sous le sapin de Noël, il y a fort à parier que nombre de cadeaux auront été commandés sur Amazon. Son CEO a bâti un groupe tentaculaire, écrasant la concurrence. Portrait.

L’odyssée débute en 1994. Cette année-là, Jeff Bezos, 30 ans, fraîchement marié, trouve enfin l’opportunité de créer sa propre entreprise. Un rêve que ce surdoué en informatique, diplômé de Princeton, poursuit depuis toujours. A l’époque, il est directeur adjoint de D.E. Shaw, une firme qui conçoit des systèmes de trading électronique révolutionnaires pour Wall Street. On lui demande d’évaluer le potentiel d’une technologie émergente baptisée internet. Ce que le jeune directeur découvre le stupéfie: le nombre d’utilisateurs du réseau croît de 2’300% par an.

Jeff Bezos sait qu’il doit agir vite. Il quitte D.E. Shaw. Son idée: vendre des produits grâce à internet. Il commence par le livre, objet familier, populaire, facile à répertorier, à obtenir et à expédier. «Je pensais que je regretterais sérieusement de ne pas avoir participé à cette chose appelée internet, à laquelle je croyais passionnément, déclare-t-il en 1998 dans un discours au Lake Forest College, dans l’Illinois, rapporté dans le livre sur Amazon du journaliste Richard L. Brandt. Je savais aussi que si j’essayais et que j’échouais, je ne le regretterais pas.»

Il n’a pas échoué. Amazon est le leader mondial du commerce en ligne, et la multinationale a depuis longtemps dépassé son statut d’e-librairie pour proposer tous types de produits, de la musique aux montres de luxe en passant par des œuvres d’art à plusieurs millions de dollars. Amazon offre des services d’hébergement informatique ou physique, de paiement électronique, sert d’intermédiaire de vente, a mis sur le marché une tablette et une liseuse Kindle, s’est lancé dans l’alimentation avec Amazon Fresh. Chiffre d’affaires: 61 milliards en 2012. Effectifs: Près de 100’000 employés.

Pour en arriver là, celui qui a été en partie élevé par son grand-père dans un ranch texan et qui n’a jamais connu son père biologique (il doit son nom à son père adoptif) a consacré toute son énergie à satisfaire les consommateurs. Il tente dès le début de proposer les prix les plus bas, les délais de livraison les plus courts (le jour de la commande, pour les membres Prime) et de faciliter l’achat au maximum (la commande en un clic a été brevetée par Amazon en 1999). Il n’hésite pas à vendre à perte et engage des bras de fer permanents avec les fournisseurs, d’où sa réputation d’homme d’affaires impitoyable.

Considéré comme le meilleur CEO vivant par «Harvard Business Review», Jeff Bezos épuise la concurrence en réinvestissant systématiquement les revenus engrangés pour croître davantage. En 1997, année de l’entrée en Bourse de l’entreprise, il assène dans le «New York Times»: «Ce serait la chose la plus facile au monde que de devenir rentables. Ce serait aussi la plus bête.» Le principe est encore valable. Au troisième trimestre 2013, le groupe a essuyé une perte nette de 41 millions de dollars. Pas de quoi inquiéter l’analyste Eric Sheridan de UBS à New York: «Même si les profits immédiats sont sacrifiés, Amazon démontre une grande solidité à long terme.» L’action n’en finit plus de monter depuis l’éclatement de la bulle internet en 2000.

Aujourd’hui détenteur d’une fortune estimée à plus de 27 milliards de dollars par Forbes, le natif d’Albuquerque, au Nouveau-Mexique, est généralement décrit comme profondément optimiste et heureux, comme en témoigne son sourire un peu niais éternellement fixé sous son crâne lunaire et son regard halluciné. «Intelligent», «hyperactif», «narcissique», «visionnaire», «dynamisant», «caractériel», c’est selon. Ses ex-employés, cités par Richard L. Brandt, évoquent un «microgestionnaire très exigeant», suscitant une atmosphère «quasi religieuse». Ainsi qu’une ambiance de travail collectiviste, digne de «la Chine communiste sous Mao».

Jeff Bezos est aussi un cachottier. En août dernier, il a surpris en annonçant le rachat du «Washington Post», quotidien réputé pour son journalisme d’investigation (qui a notamment révélé le scandale du Watergate en 1972). Coût de la transaction: 250 millions de dollars, réglés cash à titre personnel. Mais l’ultime frontière du patron d’Amazon dépasse l’atmosphère. Depuis 2000, il développe discrètement une société de tourisme spatial baptisée Blue Origin. A ce propos, le journaliste Brad Stone de «Bloomberg Businessweek», qui vient de publier un ouvrage sur Amazon, a observé que Jeff Bezos était actuellement étonnamment en forme. Comme s’il suivait un entraînement d’astronaute…
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Une version de cet article est parue dans Swissquote Magazine.