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Dieudonné nous voilà

Pas d’antisémitisme dans l’indignation provoquée par le choix d’une société israélienne pour bricoler nos systèmes d’écoutes. Juste un peu de paranoïa et de confusion des esprits.

Dieudonné nous voilà. On ne sait pas encore si finalement l’humoriste à la quenelle posera ses valises le temps d’un soir dans la ville dont le syndic a pour talent principal d’organiser des spectacles. Ce qui est sûr, c’est que le potentiel est là. Que la Suisse aussi peut revendiquer ses petites cohortes de bonnes âmes antisionistes mais évidemment pas — qu’allions nous imaginer là? — antisémites.

D’ailleurs c’est bien connu, des tas de Juifs sont antisionistes. On n’aura pas le mauvais esprit de faire remarquer que le sionisme étant une «idéologie politique, prônant l’existence d’un centre spirituel, territorial ou étatique peuplé par les Juifs en Terre d’Israël» (définition neutre et wikipédesque) il ne faut pas éprouver beaucoup de sympathie envers ce peuple pour prôner l’idéologie contraire, à savoir le refus «d’un centre spirituel, territorial ou étatique peuplé par les Juifs en Terre d’Israël».

Nul antisémitisme donc, c’est évident, dans les réactions outrées qui ont suivi les affreuses révélations du Temps. Comme quoi la Confédération, en matière d’écoutes, a choisi de se séparer «de son fournisseur actuel – la firme anglo-danoise ETI/Detica, rachetée fin 2010 par le géant de l’armement britannique BAE System». Pour confier, on ose à peine l’écrire «l’élaboration de l’Interception System Schweiz (ISS), le système d’écoutes téléphoniques pour les polices et les justices cantonales et fédérales — on se tord les mains d’anxiété et de désespoir — à la société israélienne Verint».

Leader mondial, certes, en matière d’interceptions électroniques mais hélas partenaire privilégié de ce Satan d’entre tous les satans, l’agence américaine de renseignements (NSA) et plusieurs fois épinglée pour des pratiques douteuses en matière d’écoutes.

Un choix «sidérant» juge le conseiller national PS Jean-Christophe Schwaab, pour qui cela équivaut à «donner tout de suite les clés de notre coffre à la NSA». Le camarade préférerait-il qu’on donnât les clefs du même coffre à la Russie de Poutine, la nouvelle patrie de l’ami Snowden? Quant à l’ancien patron des Verts Ueli Leuenberger, il se montre rongé par l’inquiétude: «On connaît l’activisme du Mossad ainsi que ses liens avec les Américains». Le Mossad, rien que ça. On en tremble.

La sénatrice Géraldine Savary, enfin, estime de son côté «la confiance envers la NSA rompue» et a l’impression que «le Conseil fédéral sous-estime le problème». A moins que ce ne soit-elle qui le surestime, allez savoir, comme dirait Dieudonné. Oui, allez donc savoir qui a commencé, les Juifs ou les Nazis. Comme on dirait: les Américains ou les islamistes.

Et tant pis si le Département fédéral de justice et police explique que Verint «fournit bien le logiciel et le hardware», mais que l’ensemble du système «s’opérera dans notre propre centre de données. Nous seuls sommes donc responsables de sa gestion et d’assurer un niveau de très haute protection pour protéger la Suisse contre des attaques et le vol de données sensibles.»

Tant pis si un «expert suisse en intelligence économique» souligne que nous n’avons pas «quelqu’un en Suisse capable de produire ces systèmes avec le même niveau de «confiance» que celui fourni par les grandes sociétés étrangères». Tant pis si la Confédération entretient avec Verint «une longue collaboration depuis la fin des années 90». Tant pis enfin si les principaux utilisateurs de l’ISS — les policiers et les procureurs — «avaient émis de sérieux doutes sur le produit d’ETI/Detica».

Pas d’antisémitisme donc dans l’indignation soulevée par le choix d’une société israélienne pour notre système d’écoutes. Juste sans doute une bonne dose de paranoïa, pimentée de l’habituel et pavlovien anti-américanisme de principe, saupoudrée d’un soupçon d’antisionisme bien-pensant, relevée enfin par deux doigts d’une très contemporaine confusion des esprits.