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La victoire du troisième sexe

Hermaphrodites et transgenres bénéficient désormais de la reconnaissance légale dans des pays comme l’Australie ou l’Allemagne. La classification binaire des sexes a vécu.

«C’est une magnifique victoire! Peut-être que grâce à elle, les gens comprendront qu’il n’y a pas que des hommes et des femmes», a commenté Norrie May-Welby lors de la conférence de presse tenue au terme de son long combat. Cette personne vivant en Australie ne souhaite passer ni pour un homme, ni pour une femme: «Mon sexe est androgyne, ou ambigu, ou non spécifique.» Le 2 avril dernier, un jugement prononcé par la Haute Cour de Canberra a admis qu’une personne pouvait être reconnue légalement comme n’étant ni féminine ni masculine. Les options «intersexuel» ou «transgenre» sont proposées. Lors de ses réservations de vols, Norrie, qui refusait de cocher «Mrs» ou «Mr», ne sera plus contraint(e), pour y échapper, d’opter pour «Professor» ou «Doctor».

Alors qu’en France le thème du genre défraie la chronique, l’Allemagne s’est donnée en novembre 2013 une loi sur l’intersexualité. Elle prévoit que les enfants nés avec les deux sexes, qu’on appelle hermaphrodites ou androgynes, pourront être déclarés à l’état civil de «sexe indéterminé», et pourront soit garder cette identité neutre, soit choisir à n’importe quel moment de changer leur identité en homme ou femme. Le mouvement se popularise: à Lausanne, en mars, la «Fête du Slip» fut une véritable ode à la diversité des genres et des sexualités.

Ce printemps, les défilés de mode intègrent eux aussi cette nouvelle donne. Après Jean-Paul Gaultier et Givenchy, qui avaient déjà sorti la carte transgenre, c’est l’enseigne new-yorkaise Barneys qui ose à présent casser les codes du masculin-féminin. «Brothers, Sisters, Sons and Daughters» est le nom de sa nouvelle campagne dans laquelle figurent dix-sept mannequins transsexuels. Barneys s’engage à reverser 10% des bénéfices de ses ventes au Centre national pour l’égalité transgenre et au Centre communautaire LGBT (lesbiennes, gays, bi et transsexuels) de New York.

Stromae chante «Tous les mêmes», le top Cara Delevingne et la chanteuse Rita Ora s’affirment «pansexuelles». Fini le temps où le monde n’était que binaire, hommes et femmes, mâles et femelles et tous les entre-deux exclus. Premiers à faire vaciller les certitudes, les gays ont apporté une nouvelle subdivision entre hétéro et homosexuels. Aujourd’hui s’ajoutent les individus indifféremment attirés par des personnes des deux sexes. «On commence à se soustraire à l’impératif du genre. Qu’est-ce qu’une fille, un garçon, une sexualité normale? En 2014, la réponse est devenue personnelle», explique dans le magazine «Elle» Damien Mascret, co-auteur de «Peut-on être romantique en levrette?». Auprès des jeunes, la «fluidité sexuelle», soit l’idée que la vie sexuelle est une succession d’expériences qui explorent le registre des possibles, se généralise. Les stéréotypes sont mis à mal; l’individu questionne, élabore, corrige son identité, si nécessaire à coups de thérapies hormonales et d’interventions chirurgicales.

En introduisant un vaste choix pour s’identifier, Facebook reflète cette sortie de la marge des minorités sexuelles. Cinquante-huit variantes de genre y sont listés, un éventail réservé pour l’heure aux seuls Américains mais qui devrait prochainement s’étendre au reste du monde. «Pour beaucoup de gens, ce choix n’a aucun sens, mais pour ceux que cela impacte, c’est énorme, explique l’ingénieur Brielle Harrison, en charge du projet chez Facebook et en pleine transformation pour devenir une femme. Nous voyons ces évolutions comme un moyen supplémentaire pour faire de Facebook un lieu où les gens peuvent exprimer librement leur identité.»

Dorénavant, l’option «Custom», («personnaliser») ouvre sur l’un des 58 vocables traduisant autant de profils sexuels. Commençons par les «cis», «cisgender, cis female, cis male» qui qualifient la majorité de la population. Ce préfixe «cis» indique en effet une adéquation entre le sexe déclaré à la naissance du sujet et l’identité de genre de celui-ci, telle qu’il la perçoit à l’âge adulte. Citons les attendus: «trans», déclinés en «trans-female», «trans-male» et «trans-person», ou «bigender» (bi-genre).

Plus originaux, les «non-binary gender» (soit genre non-binaire), «inter-sex», ou encore «pangender» (du grec pan: tous, «tous genres») et, à l’opposé, «neither», («aucun»), ou les plus mystérieux «gender fluid» (identité qui transgresse le masculin et le féminin), «gender questioning» (en phase d’interrogation ou d’indécidabilité par rapport à son genre et aux genres), «two-spirit» (terme qui renvoie aux Indiens d’Amérique du Nord) ou «neutrois» (personne sans genre). Un mélange disparate qui voit se côtoyer des identités sexuelles répertoriées par la médecine, des nouvelle identités de genres et bien des néologismes recouvrant souvent des termes déjà existants.

Une fois sélectionnée l’expression correspondant le mieux à son identité, l’utilisateur de Facebook pourra choisir le pronom, masculin, féminin ou neutre qui lui conviendra. Pour le neutre, Facebook a choisi le pluriel «they», conjugué comme un singulier. Aux oubliettes, la grammaire et ses règles, expressions de la domination phallocratique!