LATITUDES

Hyperactivité: les adultes aussi!

Le trouble ne concerne pas que les enfants. Aux Etats-Unis, des stars comme Adam Levine, Paris Hilton ou Michael Phelps affichent ouvertement leur pathologie.

Corinne Daga ne tient pas en place. «Quand je regarde un film, je me lève 15, 20 fois, raconte la Genevoise de 47 ans. Je me laisse très vite distraire et pense en permanence à ce que je devrai faire ensuite. Mon cerveau fonctionne jour et nuit à toute vitesse.» Depuis deux ans, Corinne connaît la raison de ces traits de personnalité qui la caractérisent depuis l’enfance: elle est hyperactive. Un diagnostic posé après un burnout, conséquence d’une vie «à 200 à l’heure» et d’années de travail «compulsif» en tant que directrice d’une association qui défend les personnes handicapées.

Oui, on peut être adulte et hyperactif. Ou, pour être tout à fait précis, souffrir de trouble de déficit de l’attention et hyperactivité (TDAH). «Pendant longtemps, on a pensé que le TDAH, connu chez l’enfant, disparaissait à l’adolescence, explique Nader Perroud, psychiatre aux Hôpitaux Universitaires de Genève, responsable d’une consultation spécialisée dans l’hyperactivité chez les adultes ouverte en 2011. Aujourd’hui, on sait que le TADH persiste dans environ 60% des cas.» On estime que la maladie affecte 2% à 3% des adultes, hommes comme femmes, contre 4% à 6% des enfants.

Chien fou

Avec l’âge, l’hyperactivité devient plus intérieure. Elle se caractérise par un flux de pensées ininterrompu et une grande difficulté à se concentrer, surtout pour des tâches ennuyeuses ou répétitives. Les personnes touchées sont aussi très impulsives: elles disent ce qu’elles pensent sans réfléchir, coupent la parole, prennent des décisions sans songer aux conséquences, selon Nader Perroud.

Le TADH engendre souvent des parcours mouvementés. «Les hyperactifs ont tendance à changer plus souvent de travail et à rester moins longtemps en couple», note le psychiatre. François, un avocat vaudois de 48 ans diagnostiqué en 2011, marié trois fois, confirme. «Les contraintes et les tâches du quotidien m’ennuient. J’ai un côté chien fou et recherche en permanence l’adrénaline et la satisfaction immédiate. Mes enfants ont des difficultés à comprendre mon mode de vie. Sur le plan professionnel, je préfère le clash aux grandes explications. Résultat, j’ai changé de structure tous les trois ou quatre ans au cours de ma carrière.» Le psychiatre français Olivier Revol souligne, quant à lui, dans son livre «On se calme!», que l’adulte atteint de TADH souffre dans 70% des cas d’autres troubles, comme l’anxiété ou la dépression, et qu’il est plus exposé aux addictions en tout genre.

Rapides et créatifs

Mais l’hyperactivité peut aussi représenter une force. «J’ai parmi mes patients des hauts cadres, des avocats ou encore des chirurgiens qui ont réussi à en faire un atout, indique Nader Perroud. Les hyperactifs parviennent à traiter les informations à toute vitesse et montrent une énergie et une détermination hors du commun quand quelque chose leur plaît. Ils s’investissent à fond sans voir le temps passer. Ils fourmillent d’idées, sont plus sensibles aux stimulations extérieures et se montrent souvent très créatifs.» Mélanie, Valaisanne de 34 ans diagnostiquée à 29 ans, a suivi des études de lettres avant de devenir bijoutière. Même si elle se dit épuisée par ses «idées qui partent dans tous les sens», son énergie hors norme la place souvent dans le rôle de locomotive dans un groupe. «Je suis toujours partante et je réagis au quart de tour. S’il faut résoudre une situation, je trouve tout de suite une solution. En ce sens, oui, c’est un avantage.»

Aujourd’hui, toujours plus de patients sont suivis même si la maladie reste peu connue du grand public. Des consultations spécialisées ont vu le jour ces dix dernières années, d’abord en Amérique du Nord puis en Europe. Le traitement passe selon les cas par la prise de médicaments, par exemple psychostimulants comme la Ritaline, et des thérapies pour apprendre aux patients à canaliser leurs émotions et leurs impulsions.
_______

Des personnalités hyperactives

Dans les pays anglo-saxons, l’hyperactivité chez l’adulte est plus médiatisée qu’en Suisse. Des stars en parlent ouvertement.

Adam Levine, 34 ans, chanteur du groupe de rock Maroon 5

En 2011, l’Américain Adam Levine a participé à une campagne pour sensibiliser le public à sa maladie. «J’ai été diagnostiqué à l’adolescence, expliquait à l’époque le chanteur de Maroon 5. Aujourd’hui, j’ai toujours des difficultés à gérer mes pensées et à aller au bout des choses. J’ai parfois trente idées dans la tête en même temps sans pouvoir me fixer sur aucune d’entre elles.»

Michael Phelps, 28 ans, nageur

Le nageur américain Michael Phelps, sportif le plus titré de l’histoire des Jeux Olympiques avec 18 médailles d’or, a été diagnostiqué hyperactif enfant. Il a indiqué n’être «jamais vraiment sorti de cet état». A ses yeux, la natation fait partie de son traitement: une activité pour laquelle il parvient à rester concentré et un moyen de brûler son énergie.

Paris Hilton, 32 ans, jet setteuse

Paris Hilton, la célèbre héritière de la chaîne hôtelière Hilton, souffre de TADH depuis l’âge de 12 ans et prend des médicaments. «J’ai beaucoup de peine à me concentrer, a-t-elle confié à la chaîne de télévision CNN. J’ai dû composer avec cela depuis toujours et apprendre à vivre avec.»

Richard Branson, 63 ans, entrepreneur

Le milliardaire britannique Richard Branson a quitté l’école à 15 ans et se dit toujours incapable de comprendre quelque chose qui ne l’intéresse pas. «J’ai dirigé de grandes entreprises mais je n’ai, par exemple, jamais saisi la différence entre net et brut, a-t-il déclaré lors d’une conférence TED. Dans les conseils d’administration, je dois demander si ce qui est discuté est une bonne ou une mauvaise nouvelle.»
_______

Une version de cet article est parue dans Le Matin.