Qui fait réellement attention à ces enfants qui donnent la main aux joueurs lors de leur entrée sur le terrain? Pourtant, les observer est riche en enseignements. Chronique.
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Durant cette Coupe du monde, je me suis muée en une bien étrange téléspectatrice: je me contente la plupart du temps des seules minutes qui précèdent le coup d’envoi de la partie. Mon intérêt se focalise sur les stars du ballon rond au moment de la rencontre avec leurs «escort kids», ces enfants qui les accompagnent dans le tunnel d’accès au terrain, puis lors de l’entrée sur la pelouse et enfin durant l’hymne national.
Alors que le foot n’est de loin pas mon sport télévisuel préféré, l’observation assidue de ces vingt-deux couples insolites a réussi à me scotcher à l’écran. Oubliés la longue liste des scandales de la FIFA, les matchs truqués, les arbitres corrompus, la violence des hooligans. Je me délecte de ces quelques scènes furtives.
C’est Iker Casillas qui a éveillé, il y a deux ans, ma curiosité pour ces tandems attendrissants. Le gardien de l’équipe espagnole faisait alors le buzz pour avoir confondu son escort kid avec un «essuie crottes de nez». Les vidéos de sa fâcheuse confusion permettent de le voir évacuer avec ses doigts les sécrétions de son nez et les essuyer ensuite sur la joue du pauvre chérubin qui l’accompagnait. Pas sans risque, le rôle d’escort kid!
Au Brésil, Lionel Messi a transformé le rêve d’un escort kid en cruelle déception. Il a ignoré la main que lui tendait un charmant petit admirateur quittant «son» joueur bosniaque attitré pour s’approcher de son idole. La mine défaite, le gosse faisait peine à voir.
Mais qui sont-ils et d’où tombent-ils, ces gosses? Durant ce Mondial brésilien, ils sont exactement 1’408, âgés de 6 à 10 et proviennent non des favelas, comme beaucoup l’imaginent, mais de 70 pays. Trois petits Suisses ont fait le voyage. Le tout a été orchestré par McDonald’s. Partenaire de la Coupe du monde, le roi du hamburger «exauce les rêves» de ses jeunes consommateurs avec son programme «Player Escort». A moins que ce ne soit celui de leurs parents! Des mamans et des papas qui souhaitent se voir offrir un voyage au Brésil pour accompagner leur fille ou leur garçon…
Comment ces rêves se concrétisent-ils? Les quelques instants vécus par ces enfants aux côtés d’un joueur ne sont guère prisés par les caméras, qui zooment systématiquement sur le visage des vedettes. N’empêche qu’avec un peu d’attention, on repère rapidement l’indifférence flagrante de la plupart des joueurs à l’égard de ces petits, que ceux-ci soient en admiration béate ou tétanisés. Si l’on menait un sondage, une écrasante majorité de joueurs seraient sans doute incapables de décrire la ou le propriétaire de la main qu’ils ont tenue. «Ils sont déjà dans leur match», commentent les spécialistes qui ne leur en font pas grief.
Une minorité de joueurs sauvent heureusement l’honneur et sont capables de mettre des étoiles dans le regard de leur escort kid. En voici quelques exemples. Lors du match d’ouverture, c’est David Luiz, le défenseur vedette du Brésil, qui s’est montré «hyper cool» et a même entamé un dialogue avec son petit accompagnateur. Idem de la part du Français Mathieu Valbuena avant d’affronter le Honduras. Sa petite taille le plaçait quasi à la même hauteur que la jeune fille qui se trouvait à ses côtés. Ceci expliquant peut être cela. L’Italien Daniele De Rossi a même adressé un geste d’adieu touchant à son petit gars avant de se diriger vers les Costaricains.
Et puis, quel sourire sur les lèvres de la jeune fille placée devant Mesut Özil lorsque le joueur allemand plaça ses mains sur ses épaules! Et quel désarroi chez ce petit garçon quand le défenseur de la Mannschaft Jérôme Boateng lâcha quelques secondes sa main pour toucher le gazon. Etonnant, l’Uruguayen Álvaro González, super sympa dans le tunnel avec son escort kid, qui se montra féroce quelques minutes plus tard en frappant, avec le coude, un joueur italien.
S’il est une équipe qui s’est montrée particulièrement avenante avec ses petits compagnons, c’est le Cameroun, qui pourrait donner des leçons aux autres nations en matière d’amabilité. Enfin, rien à signaler du côté de l’équipe de Suisse, si ce n’est son gardien, au pied duquel on a pu voir une escort kid en pâmoison, se tenir le visage, alors que le beau Diego Benaglio était de toute évidence ailleurs.
Ouvrir l’œil sur ces couples insolites incite à établir un classement des joueurs non les plus talentueux sur le terrain, mais les plus sympas avec leur petit compagnon.