KAPITAL

La soif de nostalgie des limonades suisses

Disparue il y a plus de 20 ans, la Romanette revient sur le marché cette année. Dans un secteur saturé par les marques internationales, plusieurs fabricants locaux misent sur leur image vintage pour résister.

Pin-ups aux jambes interminables sur les affiches, tout droit sorties des années 1930, logo vintage sur l’étiquette, et une recette ancestrale, au sucre naturel et sans édulcorant. En faisant renaître la mythique limonade romande «Romanette», Nestlé donne le ton sur le marché très concurrentiel des boissons citronnées: celui du retour aux sources. Une stratégie qui ne doit rien au hasard: «Avec le trend du vintage actuel, il nous a paru opportun de relancer la Romanette en gardant sa recette originale et son packaging d’époque. Cette limonade a marqué de nombreux esprits, si bien qu’elle était réclamée par bon nombre de nos consommateurs», précise Michel Beneventi, CEO de Nestlé Waters Suisse.

Produite pour la première fois en 1938 à Romanel-sur-Lausanne (VD) avec l’eau de la source locale, la Romanette est acquise par Henniez en 1979, avant de disparaître 12 ans plus tard au profit de nouvelles boissons considérées comme «plus modernes». Nestlé, qui a racheté Henniez en 2007, décide cette année de jouer la carte de la nostalgie. «La tendance actuelle pousse à consommer local et l’aspect ancien véhicule des valeurs saines et authentiques, explique Christine Demen Meier, responsable Food & Beverage de l’Ecole hôtelière de Lausanne. Les marques font aussi de gros efforts sur leur packaging et ont su progresser au niveau du goût, abandonnant l’unique arôme citron.»

Verre et porcelaine

De nombreuses limonades suisses doivent leur réussite — et leur survie — à leurs caractéristiques anciennes et locales. Aujourd’hui propriété du groupe lucernois Ramseier, l’Elmer Citro jouit d’une popularité intacte outre-Sarine, plus de 80 ans après son lancement dans le canton de Glaris. Elle a réussi à préserver son image traditionnelle sur un marché pris d’assaut par les produits étrangers: «Son lien avec une source d’eau minérale locale, à Elm, lui donne un statut particulier, qui plaît aux consommateurs», explique Christiane Zwahlen, de l’Association suisse des sources d’eaux minérales et des producteurs de soft drinks (SMS). En comptant l’eau minérale du même nom, Elmer produit quelque 35 millions de litres par an.

Plus au sud, dans le canton du Tessin, c’est la Gazosa Fiorenzana, produite par la famille Ponzio-Tonna depuis 1921, qui résiste encore et toujours. Répertoriée au sein du Patrimoine culinaire suisse (tout comme l’Elmer Citro), sa particularité réside dans son emballage: des bouteilles en verre munies d’une fermeture mécanique avec tête en PVC ou en porcelaine. «Il s’agit de notre marque de fabrique: jamais nous ne passerons au plastique, souligne Roberto Feusi, responsable de la distribution de la Gazosa. Nos bouteilles sont consignées à 1 franc et nous les réutilisons plus d’une centaine de fois.»

Un système qui constitue aussi un frein à l’exportation… Approchée par de nombreux gros distributeurs, la famille Ponzio-Tonna a cependant toujours refusé tout rachat. Le marché suisse suffit à la marque: «Tant que cela est possible nous voulons garder notre côté artisanal. En un an, nous produisons environ 1,5 million de bouteilles, soit autant que ce que produit Coca-Cola en deux heures! Mais l’authenticité fait notre succès.»
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Le Vivi Kola renaît aussi

Les limonades n’ont pas l’exclusivité du «vintage»: de nombreux producteurs suisses de boissons surfent sur la vague. A Eglisau, dans le canton de Zurich, on a ainsi assisté en 2010 à la renaissance du Vivi Kola, l’«équivalent» historique suisse du Coca-Cola, aux arômes naturels et à l’étiquette figurant une carte ancienne. Créé en 1938, le Vivi Kola avait disparu en 1986 sous l’effet de la concurrence. La boisson au grapefruit Pepita, lancée en 1949 et qui appartient au groupe bâlois Eptingen, a également misé en 2009 sur un relooking vintage de son identité visuelle, alors qu’elle était en difficulté financière. Un retour aux sources qui lui a tout juste permis d’éviter la disparition.
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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo.