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La Suisse à la diète

Armée, caisses maladies, procédures d’asile: une cure d’amaigrissement généralisée se profile. L’automne s’annonce trépidant.

Faire passer l’armée suisse de 200’000 à 100’000 soldats. Ramener le nombre de jours nécessaires à l’examen d’une demande d’asile à une grosse centaine, contre beaucoup plus aujourd’hui. Réduire les caisses maladies à une seule, l’Unique, comme autrefois on avait cru pouvoir rêver, à Kloten, d’un aéroport modestement baptisé «Unique».

Sans parler des 300 millions que le Conseil fédéral rêve de raboter aux cantons présumés pauvres, dans le cadre de la nouvelle péréquation.

Pas de doute: l’heure est aux cures d’amaigrissement. Aux divisions plutôt qu’aux multiplications. A l’efficacité accélérée plutôt qu’à la réflexion mûrement méditée. Austérité et rapidité semblent bien être les deux mamelles plates qui pointent, si l’on peut dire, à l’horizon proche. Bref, il va y avoir du sport. Au risque de heurter l’inertie des mammouths à poils gras que nous serions tous plus ou moins devenus.

Pour justifier ces fontes de neiges que l’on croyait naïvement éternelles, les arguments sont légion, la plupart impitoyablement chiffrés. Dans un pays couronné une fois encore comme le plus compétitif de la planète, voilà désormais que même les élus se mettent en tête de montrer l’exemple du dépouillement et de l’ascèse.

Sur un quai de gare, le président de la Confédération en personne, Didier Burkhalter, vient ainsi de renouer avec une vieille tradition dont les Suisses au fond d’eux-mêmes se montrent toujours très fiers: voir le premier citoyen du pays se déplacer seul dans l’espace publique, sans garde du corps, ni rien, comme s’il n’était qu’un simple, trop simple pékin. On imagine l’économie ainsi réalisée, les frais de sécurité du président ramenés à rien, trois fois rien. Quand ses homologues, à la tête de pays à la productivité en berne et aux coffres archi-vides, continuent pourtant de parader à grands frais sous les ors, les lustres et autres lampions du pouvoir.

L’intrépide maire de Delémont, Pierre Kohler, fait encore plus fort, poursuivant lui-même deux jeunes malfrats qui avaient carotté le sac d’un vieillard. Formidable de chez extraordinaire. Ce qui s’appelle anticiper le dégraissage de la fonction publique: pourquoi entretenir encore des effectifs évidemment pléthoriques de policiers municipaux quand il est si simple de se charger soi-même de la besogne? Maigrir, maigrir, maigrir on vous dit. Et courir.

Mais les lourds, les gras, les gros, les lents se rebiffent. Avec parfois le vocabulaire simplifié du désespoir, ou des métaphores émues, jaillies d’une nostalgie inconsolable: celle d’un temps passé qui fut, croit-on se souvenir, si beau.

Ainsi, pour fustiger, dans la cure d’amaigrissement imposée à l’armée, l’amputation du service militaire ramené de trois à deux semaines annuelles, le président de la Société suisse des officiers Denis Froidevaux ne trouve qu’une interjection anglo-saxonne, aux relents otaniens: «No go!» Autrement dit: une impasse.

Pour déplorer la disparition possible le 28 septembre des multiples caisses maladies qui essaiment dans le paysage médical de notre pays, une conseillère communale lausannoise, dans une lettre adressée au quotidien Le Temps, ne craint pas, elle, de renouveler le stock habituel d’arguments: «Le système actuel est sans doute plus convivial qu’une seule caisse publique unique.» Conviviales les caisses maladies? Il faut avoir vraiment l’œil énamouré pour être capable de le remarquer.