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Ascenseurs: un trajet marqué par l’embarras

Des célébrités y sont épinglées pour bagarres ou baisers, un ouvrage retrace son histoire méconnue… L’ascenseur fait l’actualité.

Que d’historiettes d’ascenseurs au pays des people! Ainsi, cette bagarre hyper médiatisée filmée par des caméras de surveillance entre Solange Knowles (la sœur de Beyoncé) et Jay-Z sous les yeux de Beyoncé. La chanteuse qui a depuis commenté la scène: «Bien sûr, des emmerdes peuvent arriver quand un milliard de dollars se trouve dans un ascenseur.» Des «emmerdes», Des Hague, le CEO de l’entreprise américaine de restauration Centerplate, en a suite aux coups de pieds qu’il a assénés à son chien dans un ascenseur. Les images diffusées sur le web ont suscité le boycott de sa société par les amis des animaux.

Dans cette intimité, qui n’en est plus une depuis l’arrivée des caméras vidéo, il s’échange aussi des baisers, tel l’«elevator kiss» entre Kim Kardashian et Kanye West posté sur Instagram. L’ascenseur serait-il devenu le nouveau lieu tendance pour réussir ses selfies?

La promiscuité forcée vécue dans ce lieu clos provoque des expériences rarement anodines. Le cinéma est venu renforcer ce sentiment avec des scènes mythiques, romantiques ou dramatiques. Les séries TV font aussi la part belle à ces cabines. Pensons à l’étreinte torride de Julianna Margulies dans le dernier épisode de «The Good Wife» (saison 2). N’empêche que la crainte d’être piégé dans un ascenseur qui tombe en panne et dont la lumière s’éteint est bien répandue chez les femmes; angoisse d’être violée.

«Ne montez pas dans un ascenseur seul avec une femme!» Cette mise en garde adressée aux hommes par un maire espagnol tentait d’opérer un retournement de situation. Selon le politicien de Valladolid, la femme pourrait «arracher ses sous-vêtements pour simuler une agression». Suite aux réactions de ses concitoyennes descendues dans la rue en brandissant des soutiens-gorges, l’élu a dû présenter des excuses devant la presse pour ses propos sexistes.

Des hommes dans l’ascenseur dangereux pour les femmes ou des femmes dangereuses pour les hommes? Un constat s’impose, un trajet en ascenseur demeure embarrassant. Nez à nez avec des inconnus, on évite de croiser leur regard, chacun s’enfermant dans sa bulle. De la gêne s’installe, même avec des collègues ou des voisins.

Contrairement à d’autres moyens de transports, train, automobile ou avion, l’ascenseur n’a jamais suscité de passion de la part de ses usagers qui le jugent quelconque. Ceci alors même qu’il a eu sur la modernité un impact aussi important que l’automobile. En effet, si la voiture a encouragé l’expansion urbaine horizontale (la vie en banlieue), l’ascenseur contribue à un développement vertical des villes.

Un livre vient briser le désintérêt porté à ces machines devenues familières de nos vies. «Lift: A Cultural History of the Elevator» (NYU Press, 2014) remonte aux origines de la relation entre l’homme et l’ascenseur. Andreas Bernard, son auteur, constate que celle-ci n’a jamais été harmonieuse. «Même après 150 ans, nous ne savons toujours pas exactement comment nous comporter dans ce contexte d’intimité et d’anonymat mêlés», relève-t-il.

Au cours des années 1860, en Amérique, les grands hôtels se dotent des premiers ascenseurs pour épargner à leurs clients d’avoir à gravir des escaliers. Ils fonctionnent à la vapeur et sont très confortablement aménagés. Un machiniste se charge d’actionner le dispositif. Leur «démocratisation» intervient une décennie plus tard lorsqu’ils investissent les immeubles de bureaux.

Sans les ascenseurs, les immeubles peuvent difficilement dépasser cinq à six étages. Or, en 1913, le plus haut building de New York en compte 55 grâce à ses ascenseurs électriques. La hiérarchie à l’intérieur des immeubles s’en trouve bouleversée. C’est la fin des mansardes destinées aux locataires désargentés et l’attribution des étages supérieurs aux plus nantis.

Comme tout nouveau moyen de déplacement, l’ascenseur n’a pas été épargné par les inquiétudes des médecins qui parlaient, à ses début, du «mal de l’ascenseur». Le déplacement des organes du corps en cas d’arrêt brusque allait créer des nausées, la proximité des usagers favoriserait la propagation des maladies contagieuses sans parler des conséquences psychologiques. C’est avec les premiers ascenseurs qu’apparaît, en psychiatrie, la notion de claustrophobie. S’ajoutent à cette liste les problèmes de politesse. Un homme doit-il enlever son chapeau en présence d’une femme dans la cabine?

L’histoire de l’ascenseur est déconcertante. «Mon but était d’aller directement à la période charnière où l’ascenseur cessa d’être cette chose étrangère pour se banaliser complètement. (…) En réalité, nous n’avons jamais franchi le seuil de la banalité», explique Andreas Bernard. Le trajet en ascenseur reste aujourd’hui encore une situation sociale à nulle autre pareille.

Le comportement des individus dans ce microcosme fait l’objet de diverses études dont il ressort que ce moyen de transport, le plus utilisé et le plus fiable au monde, est aussi le moins bien vécu. A l’heure où les occasions de s’isoler des autres sont nombreuses, l’ascenseur est devenu un des derniers espaces qui nous confronte à la présence physique d’autrui. Une confrontation embarrassante que certains évitent en privilégiant les escaliers, moins fréquentés et tellement bons pour la santé.