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Rides frontales, Botox et dépression

Soigner sa dépression chez le dermatologue? Ce n’est pas un scénario déjanté de Woody Allen mais un traitement préconisé par des psychiatres.

Suite à l’annonce d’une découverte médicale déconcertante — le Botox combattrait la dépression — je décode le front des personnes que je rencontre. J’y traque des rides bien spécifiques. Non les rides du lion, ces deux sillons verticaux que l’on trouve entre les sourcils, mais la ride oméga (omega melancholicum), plus rare, à la forme évoquant la lettre grecque.

Ainsi, un voyage en train m’a confrontée à deux passagers qui en étaient les malheureux propriétaires. Il s’en trouvait un également parmi les journalistes qui commentaient la conférence de presse de François Hollande sur une chaîne de TV, et la caissière du cinéma cache, derrière sa frange, cette ride qui trahit un mal être.

«Dehors, dehors, dehors, Go out, fout l’camp», ordonne la Grande Sophie à sa première ride dans une chanson éponyme. Marques du temps qui passe, les rides nous installent dans notre histoire. Parce que témoignages extérieurs de notre intériorité, elles constituent une grille de lecture de notre état émotionnel passé et présent. Selon leur emplacement, elles appartiennent à des êtres épanouis, apaisés, soucieux, aigris ou dépressifs.

Pas vraiment étonnant que l’on doive aujourd’hui à des dermatologues la découverte fortuite d’un lien entre l’injection de Botox et l’amélioration de la santé psychique de leurs patients dépressifs. Quelle neurotoxine miraculeuse que le botulisme qui, après avoir inspiré la terreur, se mue en panacée! Ses propriétés bénéfiques sur la migraine, le strabisme, l’obésité, l’incontinence urinaire, la sudation et la salivation excessives, le syndrome des jambes sans repos, les spasmes du cou et l’asthme sont décrites.

Lors du Congrès annuel 2014 de la Société suisse de psychiatrie et de psychothérapie qui se tenait à Bâle du 10 au 12 septembre, le docteur Axel Wollmer a surpris l’auditoire avec son exposé intitulé «Toxine botulique en guise de traitement contre la dépression». Sa nouvelle approche pour traiter la dépression légère et moyenne consiste en l’injection de toxine botulique dans la zone de la glabelle (région comprise entre les sourcils). L’étude qu’il a réalisée à Bâle montrerait qu’un traitement, avec une seule injection, peut entraîner rapidement «une amélioration significative et durable de l’humeur de patients souffrant de dépression chronique ou qui résistaient jusqu’à présent à tout traitement».

Comment expliquer cet effet antidépresseur? Pour le chercheur, il repose probablement sur le fait que «la paralysie des muscles de la mimique dans la zone frontale, lesquels expriment en cas de dépression avant tout des émotions négatives telles que l’anxiété ou de la tristesse, entraîne une interruption des afférences proprioceptives générées par ces émotions entre le visage et le cerveau». On parle de rétro-mécanisme facial. En d’autres termes, les émotions négatives génèrent des contractures de la musculature faciale. Musculature qui en informe le cerveau. Le Botox, en interrompant la transmission de ces messages, empêcherait ainsi l’entretien de l’humeur dépressive.

Ce traitement ne présenterait pour ainsi dire pas d’effets secondaires. Une seule injection a un effet de longue durée. Autre élément non négligeable dans un contexte de réduction des dépenses de santé, les coûts journaliers de traitement sont inférieurs à ceux d’un traitement antidépresseur moderne.

A Madrid, le docteur Eric Finzi a fait part du même enthousiasme lors du «XVI World Congress of Psychiatry» qui se tenait une semaine après le rendez-vous bâlois. Son étude portant sur 74 patients souffrant de dépression est, elle aussi, très prometteuse (publication dans Journal of Psychiatric Research, de mai 2014). «C’est un retour à la théorie du «facial feedback» de Charles Darwin», tient à relever le scientifique qui entend se poser en héritier d’une approche plus ancienne.

Selon l’OMS, 350 millions de personnes souffriraient de dépression. Avec le Botox, le groupe d’antidépresseurs de type Prozac risque de devoir affronter un concurrent de taille. A moins que les deux approches ne soient complémentaires.