KAPITAL

«Je suis contre les quotas»

Trop peu de femmes travaillent dans l’informatique. Pour s’attaquer au problème, Jess Ericksson a fondé à Berlin les Geekettes.

Après avoir travaillé quatre ans dans l’industrie tech, Jess Ericksson se sentait trop isolée en tant que femme. Pour rencontrer ses pairs plus facilement, l’Américaine de 30 ans a lancé en mars 2012 les «Berlin Geekettes», dans la ville où elle résidait. Son association organise des conférences, des événements de networking et des programmes de mentorat pour booster la présence féminine dans le milieu de la technologie. Après avoir ouvert un bureau à Hambourg, l’organisation s’est étendue au printemps 2014 à Londres, à Maastricht, à New York, à Lisbonne et à Minneapolis – Saint Paul.

Combien de femmes travaillent aujourd’hui dans l’industrie tech?

Cela dépend des villes mais, selon une étude que nous avons réalisée, on estime que 3% des fondateurs de startup à Berlin sont des femmes. C’est bien trop peu.

Quel est l’impact du manque de femmes?

Les startup développent des produits pour des personnes qui ont le même profil que celui de leurs fondateurs: des hommes dans la vingtaine ou la trentaine. Mais les femmes ont des besoins différents. A Berlin, une startup féminine vient de lancer une application qui suit les périodes d’ovulation et de menstruation. Le design de l’app est moderne, et s’éloigne des clichés féminins: elle n’est pas rose. L’idée est excellente, et il est fou de penser qu’elle n’arrive qu’aujourd’hui sur le marché.

Comment inverser la situation?

Je suis contre les quotas; pour moi, le combat doit se dérouler dans le discours public. Il faut dire et répéter que les femmes peuvent réussir dans cette industrie, qu’elles peuvent lancer leur startup et que l’on a besoin d’elles. C’est ce que nous faisons avec les Geekettes.

Quel est le retour de l’industrie?

Elles savent que le manque de femmes nuit à leur productivité. Plusieurs compagnies nous ont joints pour rentrer en contact avec des startup lancées par des femmes. Google travaille aussi avec nous pour finalement contre-balancer l’énorme déséquilibre entre geeks et geekettes.

Vos geekettes préférées?

Il y a plusieurs femmes que j’admire aux Etats-Unis, comme Sheryl Sandberg, COO de Facebook ou Marissa Mayer, CEO de Yahoo! En Europe, c’est un peu plus difficile d’en trouver. Mais je suis fascinée par Neelie Kroes, une politicienne hollandaise qui se bat au sein de l’Union européenne pour l’engagement des femmes dans les startup.

Qu’apporte une geekette de plus qu’un geek?

Plusieurs études montrent que le mélange des sexes rend une entreprise plus productive. Mais il manque des études sur cette question dans le monde de l’informatique. Nous cherchons d’ailleurs un doctorant qui voudrait travailler dessus…
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Une version de cet article est parue dans le magazine Technologist (no 1/2014).