KAPITAL

Une PME genevoise à la conquête du monde

Luigi Guarnaccia dirige la très populaire enseigne Luigia, qu’il ne cesse de développer. De sa base romande, il ambitionne de construire un empire international de la restauration.

C’est dans un restaurant de 500 m2, dans les locaux d’une ancienne carrosserie aux airs de lofts newyorkais, que l’on mange, dit-on, la meilleure pizza de Genève. Depuis son ouverture en 2010, Luigia fait le plein tous les soirs. Le plat phare est fabriqué à la manière napolitaine et les clients n’hésitent pas à attendre patiemment, un verre à la main, qu’une table se libère pour y goûter.

A l’origine de cette réussite? Luigi Guarnaccia, 51 ans, a commencé ses activités dans la Cité de Calvin en 2001. Depuis cette date, le restaurateur s’est montré particulièrement inventif et s’est taillé une jolie réputation dans le landerneau genevois de la restauration. On le retrouve derrière quatre établissements: l’enseigne Luigia, qui compte un deuxième local ouvert en 2012, ainsi qu’un bar-boulangerie d’inspiration transalpine (Capocaccia) et une salle de concert (Zoe Live Bar).

Ne rien inventer, rester fidèle

Mais Luigi Guarnaccia est aussi présent à l’étranger. Son groupe, Capomondo, qui emploie 140 personnes, comprend encore deux adresses: la première se trouve à Monaco, la seconde à Djakarta, en Indonésie. Sans compter l’ouverture de trois nouveaux Luigia en 2015, à Nyon, à Lausanne et à Lima, la capitale du Pérou.

Un ingrédient fondamental se trouve à la base de cette expansion: la simplicité. C’est du moins un élément qui revient régulièrement dans le récit de Luigi Guarnaccia. «La cuisine italienne simple et authentique plaît à tout le monde, résume-t-il dans son bureau vitré surplombant le centre-ville de Genève. Nous n’inventons rien. Notre ambition est plutôt d’être de fidèles interprètes de ce qu’est l’Italie, avec des matières premières typiques que nous transformons le moins possible.» Un repas chez Luigia coûte en moyenne 39 francs par personne. Chez Capocaccia, autre marque phare de Luigi Guarnaccia, qui doit sa réputation à ses sandwiches haut de gamme, 25 francs.

Adaptation et innovation

L’adaptation aux exigences de la clientèle constitue le second axe fondamental de la démarche de Luigi. «Le marché de la restauration genevois est enfermé sur lui-même, avec des établissements qui jouissent d’une rente de position et n’essaient pas forcément de répondre aux besoins des consommateurs. Au final, le service offert correspond davantage à ce que souhaite le restaurateur que le client. On entend encore souvent «ce n’est pas possible» lorsqu’un client demande, par exemple, un changement dans un plat ou un menu.»

Laurent Terlinchamp, président de la Société des cafetiers, restaurateurs et hôteliers de Genève, salue le dynamisme de l’entrepreneur et sa volonté d’innover «malgré la morosité ambiante»: «il figure parmi les locomotives du secteur dans le canton.»

Aujourd’hui, les affaires genevoises de Luigi Guarnaccia, qui ne communique pas les chiffres de sa société, «marchent bien», malgré la fermeture d’une enseigne Capocaccia aux Acacias, le quartier autrefois industriel de Genève, en phase de reconversion. “Nous pensions qu’il s’agissait d’un bon lieu en raison de l’offre locale limitée. Nous nous sommes trompés. C’est le quartier du futur. Seulement, à l’heure actuelle, l’emplacement ne fonctionne pas. Il a fallu assumer et payer les conséquences. Cette expérience m’a confirmé qu’il ne faut jamais se lancer sans une analyse scrupuleuse et approfondie car l’échec guette à tout instant. Un restaurant est une machine complexe dont les marges sont faibles, même en cas de réussite. On peut vite franchir la ligne rouge, celle des pertes…»

Un marché local à saturation

Luigi Guarnaccia estime que le marché genevois arrive à saturation. L’ouverture d’un restaurant supplémentaire sur le même modèle dans le canton n’est donc pas à l’ordre du jour, même s’il n’exclut pas le lancement d’un nouveau concept. «Il existe un très grand nombre de restaurants, l’espace se fait rare et obtenir les autorisations nécessaires devient de plus en plus difficile.» A l’heure actuelle, Luigi Guarnaccia considère plutôt Genève comme son «quartier général», un laboratoire où il crée ses concepts, les teste sur une clientèle internationale et les finalise, avant de les exporter.

L’expansion du groupe passera par les autres régions linguistiques de Suisse et leurs grandes villes: Zurich, Bâle et Lugano. «Nous pouvons profiter de notre réseau d’importation de produits italiens et de distribution. Dans une ville comme Zurich, qui possède une offre plus diversifiée qu’à Genève, il y a encore de l’espace pour nous, même si nous n’avons pas de marge d’erreur, ni de place pour l’approximation.»

De l’Asie à l’Amérique du Nord

Les ambitions de Luigi Guarnaccia dépassent les frontières du pays. Son objectif: étendre la présence de son groupe à l’étranger en misant sur un système de franchise. «Nous n’avons pas la prétention de connaître suffisamment les autres marchés. L’idée est de trouver des partenaires qualifiés, capables de développer nos concepts dans leur région. Pour cela aussi, Genève est unique: toute la planète y défile, des diplomates, des cadres de multinationales qui sillonnent le monde entier, des gens qui ont des idées. S’ils aiment ce que nous faisons, ils nous ouvrent les portes de leur pays.»

C’est d’ailleurs ainsi qu’une antenne de Capocaccia a vu le jour en 2008 à Djakarta. «Quelqu’un qui nous connaissait nous a approchés, raconte Jérémy Crétien, directeur de Capocaccia, à l’époque chargé du lancement du nouvel établissement et qui continue de s’y rendre tous les ans pour en assurer le suivi. Il s’agit d’une expérience positive. Avec une offre similaire à celle de Genève, nous avons séduit une clientèle d’expatriés et de locaux.»

La stratégie du groupe consiste à adapter le moins possible l’offre dans les autres pays, «sans faire de l’extrémisme». «Il faut repenser certains procédés, comme utiliser des légumes indigènes dans une frittata, ou des ingrédients locaux pour préparer la pizza. A Lima, par exemple, nous songeons à fabriquer notre mozzarella sur place.»

Luigi Guarnaccia souligne que le recrutement et la formation des nouveaux employés constitueront la clé du développement international. Il songe à la création d’une école à Genève pour transmettre son savoir-faire. En ce qui concerne l’enseigne Luigia, le groupe a défini sept régions dans lesquelles il cherche à conclure des accords: Asie, Amérique du Nord, Amérique latine, nord de l’Europe, Moyen-Orient, Espagne et Royaume-Uni. Avec le système de franchise, il touchera une somme initiale pour le transfert du concept, puis 4 à 6% du chiffre d’affaires.

«Pour Luigia, nous envisageons un petit nombre d’établissements de grande taille. En revanche, nous préparons un projet beaucoup plus ambitieux pour Capocaccia, dont nous sommes en train de revoir le concept de manière radicale.» Des précisions concernant cette multiplication à grande échelle? Pour l’instant, mystère. «Nous avons tout chiffré à un horizon de dix ans mais nous ne dévoilons rien à l’heure qu’il est. Nous voulons créer une entreprise qui nous dépasse. C’est avec cet esprit que nous avançons aujourd’hui.»
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Serial restaurateur
Né en Toscane en 1963, Luigi Guarnaccia grandit à Milan. Il commence à travailler dans la restauration pour financer ses études et se retrouve rapidement happé par le métier. En 1985, il crée la première société de livraison de pizzas à domicile d’Italie, une initiative qui se solde par un échec. Le succès arrivera avec la création des restaurants mexicains Piedra del Sol et El Tropico Latino, et de la chaîne Panino Giusto. Dans les années 1990, Luigi Guarnaccia s’installe à Monaco, où il passe quatorze ans et crée plusieurs établissements, dont le premier Capocaccia. C’est après cette étape, «au gré des hasards professionnels», qu’il arrive à Genève, où il vit depuis 2009 avec sa compagne et sa fille de 9 ans. Luigi Guarnaccia a créé plus de 50 restaurants au cours de sa carrière.
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Une version de cet article est parue dans PME Magazine.