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Ecopop: la corde pour se pendre

Initiative extrême, Ecopop a tout pour être balayée le 30 novembre. Sauf que les arguments maladroits invoqués par les partisans du non pourraient réveiller la tentation du oui.

Ecopop, le flop? Faut voir. La fantasque initiative «brune-verte» de par sa radicalité semble se condamner elle-même. Les bougies pourtant sont déjà sorties, qu’on fait brûler en implorant la clairvoyance de sainte Démocratie directe. Ecopop, disons le net, fout un peu les jetons.

A propos de ce texte voulant limiter la croissance démographique à 0,2%, la Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga n’hésite par exemple pas à peindre pire que le diable sur la muraille. A rappeler que cela équivaudrait à moins de 17’000 arrivants chaque année. «C’est trois quarts de moins que l’immigration nette de ces dernières années et cela correspond au nombre de retraités annuels du secteur des machines, de l’industrie électrique et de la métallurgie.»

Pas sûr que cette comparaison chiffrée et un brin absconse soit de nature à déchaîner la réaction salutaire des foules. Plus promptes, les foules, à trembler généralement devant des données plus simples, des prévisions plus claires: 8 millions d’habitants aujourd’hui, puis bientôt neuf, puis dix, puis douze, allez savoir. A s’entasser, dans un futur relativement proche, sur le frêle mais bien confortable rafiot suisse.

Déjà que ce satané peuple n’a rien voulu entendre des sages et doctes mises en garde précédant le vote du 9 février sur la libre circulation. Sommaruga pourtant le martèle: Ecopop sera au moins pire et des pans entiers de secteurs seront pénalisés en cas de oui. Santé. Restauration. Hôtellerie. Enseignement. Ecopop nous dit-on interviendrait en effet au pire moment: celui où la horde des baby-boomers s’apprêtent à dételer et faire exploser le nombre des inactifs, tandis qu’à l’horizon du marché du travail se présente justement la génération des années à très faible natalité. Vraiment pas de chance. Plus on est nombreux. moins on l’est à bosser.

Privés en plus de l’appoint d’une immigration forte, où donc, demande une Sommaruga qu’on imagine les poings tordus par l’angoisse, «irons-nous chercher la main-d’œuvre dont nous aurons besoin?» D’autant que le 9 février en provoquant le retour aux contingents oblige déjà les entreprises «à recruter davantage de personnel en Suisse» et les autorités à «trouver des solutions pour mieux concilier la vie familiale et la vie professionnelle». On imagine le calvaire…

Les syndicats eux ne sont pas plus sereins. Et prédisent déjà l’arrivée, ou le retour, de vieilles calamités comme le statut de saisonnier, le travail au noir, les délocalisations. Voilà qui est clair, qui est net. Sauf que le peuple, cette entité à la fois très abstraite et palpitante d’émotions, a moult fois démontré qu’il détestait qu’on lui fasse peur. Qu’on lui décrive des maux pires que le remède supposé dont il attend un soulagement miraculeux.

Surtout si les arguments qu’on lui sert pour ne pas céder à la tentation reviennent, comme ceux de Sommaruga, à se plaindre que cela obligerait les pouvoirs politiques à créer d’avantage de crèches et recruter davantage de personnel suisse. On a connu plus répulsif comme menace. Sans parler de cette tarte à la crème, de cette métaphore de destruction massive, que le cheffe du département de justice et police n’a pas hésité à ressortir: «Notre économie a besoin de davantage de flexibilité.» Hélas, cela fait longtemps que le peuple sans cervelle a débusqué le flagrant synonyme de cette flexibilité-là: pré-ca-ri-té.

Bref, un non cinglant à Ecopop, initiative aux relents xénophobes à peine camouflés sous un vague fumet écologiste et décrétant au doigt mouillé le nombre maximum d’habitants tolérable en Suisse, ce non-là serait particulièrement méritoire et ne devrait rien à personne. Surtout pas à ceux qui l’ont défendu.