LATITUDES

Tout sur l’intestin

Un livre qui dissèque l’intestin se hisse en tête des meilleures ventes en Suisse alémanique et en Allemagne. Notre chroniqueuse l’a dévoré et digéré.

Giulia Enders devance en ce moment les grosses pointures de la littérature au palmarès des ventes alémaniques et allemandes. Inconnue hier, cette étudiante en médecine de 24 ans est devenue célèbre pour avoir brisé un tabou: s’intéresser à l’intestin, cet organe jugé un peu répugnant. Le titre de son bestseller: «Darm mit Charme – Alles über ein unterschätztes Organ» (Les charmes de l’intestin – Tout sur un organe sous-estimé).

En 1975, Pierre Perret disait «tout sur le zizi». Il a fallu attendre le 21ème siècle pour qu’on nous dise enfin tout sur l’intestin. Alors que les lecteurs francophones, coquins sur les bords, se ruent sur les épanchements de Valérie Trierweiler, leurs voisins germaniques, plus sérieux, réservent un accueil stupéfiant à un ouvrage de vulgarisation scientifique. Les stéréotypes culturels se portent bien!

La notoriété de Giulia Enders a démarré en 2012 avec son exposé de «Science-Slam» intitulé «Darm mit Charme», qui a remporté trois prix. Le clip YouTube de cette présentation a fait le buzz et titillé l’intérêt d’un agent littéraire, lequel est parvenu à convaincre l’étudiante d’interrompre quelques mois ses études pour transformer sa conférence en un livre.

Mais quelle est l’origine d’une telle passion pour l’intestin? Giulia Enders n’élude pas la question qu’elle aborde dans sa préface. Lors d’une soirée entre amis, elle a croisé un jeune homme à l’haleine pestilentielle. Le lendemain, elle apprend qu’il s’est suicidé. «Tenter d’établir l’existence d’un lien non seulement entre l’état de l’intestin et la santé physique mais également psychique de son propriétaire fut, dès lors, mon objectif», explique-t-elle. L’intestin, un centre d’intérêt de trois centimètres de diamètre, long de quelque sept mètres, aux parois qui représentent une surface estimée à trois cent mètres carrés et composé de deux kilos de bactéries (99% du total de notre corps). Comment pourrait-il ne pas concerner la vie quotidienne de chacun?

Ainsi, dans le premier chapitre de son ouvrage, la scientifique décrit-elle, en toute décontraction, quels sont les mécanismes en jeu quand on «fait caca» et pourquoi les hémorroïdes et les diverticules sont le prix que payent ceux qui trônent sur des cuvettes et ne s’accroupissent pas pour éliminer leurs matières fécales de façon plus physiologique.

Après cette entrée en matière par la sortie du tube, l’auteur entame un voyage à partir de l’autre extrémité, la bouche. Ses descriptions imagées font d’autant plus mouche qu’elles sont illustrées par des schémas plein d’humour dus à sa sœur Jill. Qu’il soit question de constipation, d’occlusion, d’inflammation, d’irritation, de défécation, de diarrhée, de flatulences ou de vomissements, la lecture n’en demeure pas moins toujours digeste. Sans jamais être donneuse de leçons, Giulia Enders incite habilement à dorloter notre flore intestinale, un terme remplacé par depuis peu par «microbiote».

Longtemps délaissé au profit d’organes plus «nobles», l’intestin est un continent de plus en plus exploré. De nombreux travaux récents montrent que le contrôle de notre poids, les allergies, notre état de santé physique en général et même notre comportement et notre humeur s’y jouent. En effet, des médiateurs chimiques sécrétés dans notre intestin passent dans la circulation sanguine et interagissent avec notre cerveau. Différentes recherches en cours estiment qu’il sera bientôt possible d’agir sur le microbiote intestinal et de le modifier afin d’améliorer notre état de santé.

Après les cours de sexualité, les petits écoliers suivront-ils des cours leur permettant de devenir de «bons jardiniers du monde qui est dans leur ventre», selon les termes de Giulia Enders? En attendant ce jour, de nombreuses classes et familles visitent l’Alimentarium de Vevey qui propose une «ordinare cialis online» en 3D, histoire de se mettre en appétit.