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Et pendant ce temps…

…dans le landerneau politique, la vie continue, entre faits divers sordides, commémoration défaitiste, forfaitures et slogans anémiques.

Evidemment. A l’aune de certains événements, les premières bulles du brouet politique suisse 2015 semblent bien anodines, pour ne pas dire trivialement insignifiantes.

On aura ainsi failli se «réjouir» — discrètement toutefois, il y a quand même présomption de viol — qu’ un épisode people bien trash vienne pour une fois relever la morne soupe habituelle du landerneau public. Avec cette invraisemblable histoire de la coucherie, consentante ou forcée selon la version des parties, entre un élu UDC et une élue Verte. Oui se réjouir de voir enfin cette classe politique lâcher sa morne bienséance, pas un mot plus fort, pas un geste plus haut que l’autre, tous sages, responsables, propres en ordre, sans malice, humour, ni passion.

Ou encore se désoler des timidités du Conseil fédéral face à l’urgence d’un accueil des réfugiés syriens. Timidités d’autant plus visibles que c’est un élu UDC qui est venu rappeler à la présidente Sommaruga et au gouvernement qu’une disposition existait dans la loi permettant un accueil temporaire. Un permis S évitant les lourdeurs des procédures de l’asile, toujours inopérantes pour des personnes particulièrement et immédiatement menacées.

S’esclaffer devant la tentation de l’UDC de célébrer les 500 ans de ce qui fut pourtant une rouste mémorable: Marignan 1515, «la pire défaite militaire de l’histoire suisse» comme persiffle le président du PS Christian Levrat. Il n’en est pas moins curieux de voir le même Levrat opposer à celle de 1515, comme modèle fondateur, la Suisse de 1848, autrement dit celle des radicaux.

Ou encore déguster lentement, année électorale oblige, et comme on ferait d’un vin douteux, la gorge qui se contracte, la glotte qui frisonne, les slogans tout beaux tout neufs concoctés par les quatre grandes formations gouvernementales.

Trouver celui des radicaux («Liberté, cohésion et innovation») un rien militaire et poil au menton. Même la très radicolâtre Marie-Hèlène Miauton décrète cela «trop élitiste», c’est dire.

Juger celui des socialistes («Pour tous, sans privilèges!») bien meilleur que son contraire («Pour personne, avec plein d’injustices»).

Estimer l’imprécation de l’UDC («Rester libre!») digne d’un couplet de basse variété, à brailler en fin de soirée, par exemple sur l’air de «casser la voix». Comme le fait justement remarquer le consultant Marc Comina, «ça manque un peu d’émotion, personne n’a peur de perdre sa liberté en Suisse». A part peut-être son plus célèbre client, Dominique Giroud, mais c’est une autre histoire.

Franchement détester enfin, la fausse familiarité du PDC, cet insupportable tutoiement des fourgueurs de téléphones dernier cri à des adolescents supposés décérébrés: «Fais-le pour ta famille. Ta voix compte». Oh, Darbellay, tu parles à des adultes, sais-tu?

Et encore dans la foulée, on aurait pu s’offusquer de la basse tentative du Conseiller fédéral Berset de s’en prendre aux franchises hautes, de pénaliser les gens en bonne santé d’avoir l’outrecuidance de se bien porter.

S’étonner enfin du faible taux de citoyens suisses ayant répondu «chef, oui, chef» à la question d’un sondage plutôt idiot («Partiriez-vous en guerre pour votre patrie?»). Un misérable 39%. Serait-ce que depuis Marignan, le confédéré n’y croit plus trop? Certes c’est bien plus que les Japonais (11%) qui ont du se dire que si c’était à la fin pour se prendre des bombes atomiques sur la gueule, autant rester couchés. Mais beaucoup moins que les valeureux guerriers des Iles Fidji (94%) ou que les très combatifs djihadistes marocains (98%).

Oui on aurait pu. Evidemment. Mais voilà.