KAPITAL

Le Suisse qui vend des urinoirs écolos en Chine

Teo Borschberg, 25 ans, a développé un concept de toilettes sans eau à Shanghai. Sa start-up, qui mêle écologie et vente d’espaces publicitaires, a décollé en l’espace de quelques mois.

D’étranges urinoirs aux courbes futuristes ont fait leur apparition dans les clubs les plus sélects de Shanghai. Leur particularité? Ils fonctionnent sans eau et sont munis d’écrans qui diffusent de la publicité pour les dernières apps branchées et les prochains concerts. Une nouvelle tendance en phase avec les aspirations de modernité de la capitale économique chinoise. Mais son instigateur étonne. Il s’agit de Teo Borschberg, entrepreneur suisse de 25 ans installé depuis deux ans dans la mégapole.

Le jeune homme a cofondé l’entreprise Good Media en août 2013. Le modèle d’affaires est original: la start-up offre aux lieux de sortie des urinoirs écologiques, fabriqués par une société américaine, et les installe gratuitement. Elle tire ses revenus de la publicité diffusée sur les écrans intégrés au dispositif.

«Dès la fin de ma scolarité, j’ai été attiré par la Chine, son développement fulgurant et les possibilités qui l’accompagnent, raconte le Nyonnais. J’avais envie d’aller voir par moi-même.» Sa maturité en poche, Teo Borschberg passe six mois à Dongguan, une ville du sud du pays, où il travaille pour une entreprise suisse. Il en profite pour s’essayer à l’entrepreneuriat avec un premier projet dans le domaine du trading. Son parcours passe ensuite par l’Ecole hôtelière de Lausanne, puis par un nouvel envol vers la Chine, à Shanghai.

«Je voulais créer une start-up qui génère du profit mais comprenne aussi un aspect social ou environnemental. Dans le modèle de Good Media, la vente d’espaces publicitaires permet l’installation de technologies vertes», résume Teo Borschberg. Au rang de ses inspirateurs, il cite l’entrepreneur américain John Mackey, fondateur de la chaîne de supermarchés Whole Foods et auteur d’un ouvrage intitulé Conscious Capitalism. Mais aussi son père, le pilote André Borschberg, à l’origine de l’avion solaire Solar Impulse. «J’ai côtoyé cet esprit d’innovation pendant la moitié de ma vie!»

Chaque urinoir installé par Good Media économise 150 000 litres d’eau par année. Pour se passer totalement de chasse d’eau, le système repose sur un mécanisme de fermeture et sur l’usage de produits biologiques qui empêchent les mauvaises odeurs.

Quant au volet publicitaire, le concept des urinoirs high-tech installés dans les lieux les plus en vue de Shanghai plaît aux marques qui peuvent ainsi cibler un public de jeunes gens aisés. Good Media, qui emploie aujourd’hui sept personnes, a déjà réalisé une trentaine de campagnes, notamment pour les taxis Uber, la liqueur allemande Jägermeister ou encore CR7, la griffe de vêtements du footballeur Cristiano Ronaldo.

La société a pour l’instant installé 100 urinoirs écolos dans 30 restaurants et boîtes de nuit. Elle prévoit de multiplier ce chiffre par 10 en 2015, et d’atteindre la rentabilité dans le courant de la même année. «Dans une ville de la taille de Shanghai, la marge de progression est énorme», se réjouit Teo Borschberg. Après les bars et les clubs, Good Media entend s’attaquer aux centres commerciaux, cinémas et salles de sport.

«Le choix de travailler à l’installation de toilettes constitue une idée géniale en Chine, de même que l’aspect durable de l’entreprise dans un contexte de manque de ressources, dit Pascal Marmier, directeur du consulat scientifique Swissnex de Shanghai. Teo Borschberg s’est aussi adapté de manière exceptionnelle aux conditions locales et à la manière de communiquer. Beaucoup auraient abandonné dès le premier écueil. Lui a persévéré.»
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Une version de cet article est parue dans le magazine L’Hebdo.