LATITUDES

Le succès des sous-vêtements qui corrigent les formes

Spanx a conquis la planète grâce à ses rembourrages qui redessinent la physionomie. Un concept qui a fait de la créatrice américaine Sara Blakely une des femmes les plus puissantes du monde.

Gwyneth Paltrow, Kim Kardashian, Jessica Alba et même Michelle Obama ont succombé à Spanx, une marque américaine de sous-vêtements et d’habits qui transforment la physionomie grâce à un savant mélange de rembourrages et d’élastiques permettant de galber les fesses, rehausser les seins et affiner la taille. Aux Etats-Unis le succès de la marque – dont le nom vient de spanking, soit «fessée» en anglais – est phénoménal. Le magazine Forbes a récemment classé sa fondatrice Sara Blakely parmi les plus jeunes «self-made women» milliardaires du monde et l’a classée cette année au 93ème rang des femmes les plus puissantes de la planète. En 2012, le magazine estimait la part de marché de sa société à 20% dans les sous-vêtements amincissants pour un chiffre d’affaires avoisinant les 250 millions de dollars.

Tout débute il y a une quinzaine d’années. Alors qu’elle se prépare pour une fête, Sara Blakely, aujourd’hui âgée de 43 ans, se rend compte qu’elle ne possède dans sa garde-robe aucun sous-vêtement adéquat pour porter un pantalon blanc. Elle décide alors de découper avec des ciseaux le bas d’une paire de collants. Ce simple geste lui donnera l’idée de se lancer dans le «shapewear», appellation américaine désignant les vêtements et sous-vêtements «corrigeant» les formes.

Des culottes aux maillots de bain

Basée à Atlanta, l’entreprise, dirigée par une équipe majoritairement féminine d’environ 130 personnes, propose aujourd’hui plus de 200 produits allant des culottes aux maillots de bain, en passant par les soutien-gorge, les vêtements de sports, les jeans et même les articles pour hommes. La marque est disponible dans une cinquantaine de pays, notamment en Europe, où l’on peut acheter ses produits via des sites comme Zalando pour des prix compris entre 35 et 180 francs.

La société sous-traite sa confection aux Etats-Unis, en Amérique du Sud et en Asie et travaille principalement sur les matières, les découpes au laser et les innovations textiles sur lesquelles elle détient plusieurs brevets. «Les nouveaux produits ont des textiles toujours plus fins mais avec toujours plus de compression, souligne Sandra Macaya, porte-parole pour la France. Il faut qu’ils restent agréables à porter et soient invisibles sous les vêtements. C’est la clé dans le shapewear.» La marque ne dépense en outre rien en publicité et mise essentiellement en matière de communication sur le bouche-à-oreille et le placement de produit auprès d’ambassadrices de premier plan comme les stars de cinéma américaines.

Depuis l’époque médiévale

Spécialiste du textile et de la mode, l’historien de l’art genevois Alexandre Fiette rappelle que la tradition des habits sculptant ou amincissant le corps ne date pas d’hier. Elle remonte à l’époque médiévale avec les corsets et autres habits rembourrés. Au 20ème siècle, la tendance a connu un fort développement grâce à l’élasthanne, matériau mis au point dès la fin des années 1950 par la société américaine DuPont, également connu sous le nom de Spandex ou de Lycra. «Ce qui est intéressant aujourd’hui, notamment pour les vêtements et sous-vêtement sportifs, c’est que l’on travaille par zone, avec des parties tricotées différemment selon la forme du muscle», relève le spécialiste. Il n’est donc pas étonnant que l’on retrouve davantage d’habits «trichant» sur les parties mises traditionnellement en avant chez les hommes et les femmes, à savoir les abdos et le torse pour les premiers et le fessier, les jambes et la poitrine pour les secondes.

Etant constitués de mailles, ces articles laissent, selon cet expert, respirer la peau à l’image d’un vêtement en jersey. Le tricotage peut être réalisé à partir de fibres synthétiques ou de fibres naturelles, voire d’un mélange des deux, en fonction de la chaleur ou de la brillance souhaitée. On peut ainsi dire que le principal coup d’éclat de l’entrepreneuse américaine a consisté, en termes de marketing, à créer un univers idéalisé et glamour autour d’articles a priori très techniques. Et surtout, de permettre de modifier les corps, sans recourir à la chirurgie esthétique…
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Une version de cet article est parue dans le magazine L’Hebdo.