TECHNOPHILE

Dans la peau de Bertrand Piccard grâce à SolarTakeoff

Grâce au simulateur de vol SolarTakeoff, je me suis glissée dans la peau de Bertrand Piccard lors de son futur tour du monde en avion solaire. Pour tester ce jeu accessible aujourd’hui au grand public, j’ai joué les pilotes d’essai. Une expérience hypnotique!

L’été dernier, un «geek» m’a approchée pour me demander de jouer au pilote d’essai sur son simulateur d’avions solaires. A défaut de prendre place dans le cockpit d’Amelia Earhart, l’héroïne de mon enfance, c’est dans celui d’un autre héros de l’aviation, Bertrand Piccard, que je me suis installée.

Aux commandes d’un avion solaire virtuel, j’ai connu frissons et satisfactions. Le pilote virtuel de solartakeoff.com peut choisir entre deux types de vols: soit des vols en temps réel, en utilisant les dernières prévisions des vents et des nuages pour calculer le rayonnement solaire ou alors les douze étapes du tour du monde de Solar Impulse en temps réel aux conditions météorologiques et d’ensoleillements correspondants. Le but du jeu est d’arriver le plus rapidement possible à destination.

Mon choix s’est porté sur l’étape: Payerne-Madrid. Face au tableau de bord au design raffiné, je me suis immédiatement sentie pousser des ailes. A une vitesse réelle (c’est-à-dire entre 35 et 80 km/h à l’air), j’ai entrepris un périple me procurant des sensations encore jamais éprouvées. Ainsi cette forme de fierté, lorsque je coupais les moteurs, planais et économisais mes batteries.

Dans un silence sidéral, j’ai pris le temps de réfléchir aux paysages que je survolais et à ma progression, sans une goutte de carburant, donc sans mettre à mal la planète. Je m’identifiais tant à Bertrand Piccard que je me serais presque essayée à l’autohypnose. Et puis, cerise sur le gâteau, contrairement à d’autres jeux, je pouvais abandonner mes commandes, échanger quelques mots avec mon entourage, prendre l’air un instant ou mijoter un petit plat entre deux ajustements de la trajectoire de mon aéronef virtuel. Par trop distraite, j’ai dû atterrir d’urgence, en fin de nuit, batteries à plat, à 120 kilomètres de Madrid.

Une mésaventure que je suis parvenue à éviter lors du vol suivant, Washington–New York. Ici, la fibre compétitive a rapidement supplanté la dimension contemplative et hypnotique du vol précédent. Classée troisième, je m’en suis voulue de ne pas avoir géré au mieux les différents paramètres. D’où l’envie d’immédiatement de recommencer. Addictif ce jeu?

Aujourd’hui, les pilotes d’essai ne sont plus les seuls privilégiés à vivre la folle aventure de cette conquête du ciel. Solartakeoff.com permet désormais, gratuitement, aux passionnés d’aviation, de technologies vertes et de défis ludiques de faire virtuellement le tour du monde avec Solar Impulse (SI).

Des connaissances approfondies en météorologie, en physique, en aéronautique et en informatique étaient indispensables à la réalisation d’un tel simulateur. Son instigateur, Sandro Buss, docteur en sciences naturelles de l’Institut de l’atmosphère et du climat de l’EPFZ, les réunit. Il s’est entouré d’étudiants en informatique du Centre professionnel du Nord Vaudois (CPNV) pour concrétiser son projet, après trois ans d’un parcours semé d’embûches. Questionné à ce sujet, il répond: «Les difficultés furent nombreuses. En particulier le manque de temps et d’argent. Mais aussi, au niveau technique, que ce soit pour traiter le grand nombre de données qui doivent circuler du serveur au joueur et vice-versa ou pour mettre au point la visualisation des champs de l’atmosphère en 4D. En informatique, toutes les erreurs qu’on peut commettre, on commence par les faire.» Mais le scientifique relève aussi: «j’ai eu beaucoup de chance de bénéficier de l’aide du CPNV et quantité de personnes se sont passionnées pour le projet et m’ont apporté leur aide, notamment Fred Wütrich et Eduardo Santana, d’excellents graphistes.» Résultat, sans être assis sur le rocher monégasque, solartakeoff.com possède, grâce aux prévisions des vents et de la radiation solaire à haute résolution, un centre de contrôle de mission très performant.

Mais quelle est la genèse de cet ambitieux projet? «Quand j’étais tout petit, je voulais devenir conducteur de locomotives ou inventeur de jeux. Au poly, j’ai instigué, avec succès, deux compétitions qui utilisaient des données météo. Et puis, j’ai toujours aimé relever des défis de taille. Ayant pris beaucoup de plaisir à jouer à virtualregatta.com, j’ai voulu essayer d’étendre le concept à la troisième dimension», explique Sandro Buss, qui a proposé son jeu a à Solar Impulse. Sans succès. «Il semble que la «démocratisation» de leur projet n’intéresse pas les aventuriers suisses», commente-t-il en souriant. «J’ai donc décidé de réaliser solartakeoff.com sans SI, ce qui présente aussi des avantages. Il me sera ainsi facile d’adapter mon modèle à tout autre avion solaire. Une fois, avec les étudiants du CPNV, nous nous sommes amusés avec un avion solaire supersonique.»