KAPITAL

«Le marché de la robotique va se diversifier»

Déjà très utilisés dans l’industrie automobile, les robots conquièrent toujours plus de secteurs.
Le marché est promis à un bel avenir, selon Jeremie Capron, directeur et analyste financier chez CLSA Americas.

Le chiffre d’affaires global du marché de la robotique devrait grimper jusqu’à atteindre environ 60 milliards de dollars en 2020, contre 21 milliards à la fin 2013. Cette hausse représente un taux de croissance annuel moyen de 16%. De l’automobile à l’alimentation, en passant par la pharmaceutique, l’électronique ou encore la distribution, les robots se présentent désormais comme une solution incontournable pour améliorer les processus de production.

Quels sont les principaux secteurs du marché de la robotique, et quels en sont les acteurs majeurs?

A l’heure actuelle, on distingue essentiellement trois secteurs en robotique: domestique, médical et industriel. Le marché de la robotique industrielle domine de loin les deux autres. Il est porté principalement par quatre multinationales. Fanuc, une entreprise japonaise, arrive en tête. Elle est numéro un mondial en termes de chiffre d’affaires et de production. Viennent ensuite Yaskawa, également japonaise, et ABB, helvético-suédoise. Kuka, un fabricant allemand, se place en quatrième position. Sa distribution cible principalement l’Europe mais il a tendance récemment à se développer plus globalement.

Dans le secteur des robots industriels, sur quelles entreprises conseillez-vous de miser?

A long terme, Fanuc et Kuka représentent de très bons investissements. Leurs taux de pénétration sont encore faibles dans plusieurs régions du monde. La demande grandissante pour les robots en Chine, en Inde, en Asie du Sud-Est ou encore au Brésil offre de vraies possibilités de croissance, et donc d’investissement. La société Yaskawa, quant à elle, vend des robots dont les systèmes d’exploitation adoptent des «formats ouverts» (open platform), et que les utilsateurs peuvent donc adapter en fonction de leurs besoins. De nombreuses start-up sont séduites par cette solution.

Le secteur de la robotique industrielle concerne aujourd’hui principalement le marché de l’automobile. N’est-ce pas trop limité en termes de diversification et de développement potentiel?

En effet, le marché de l’automobile représente 6 milliards de dollars, soit 50% du marché global de la robotique industrielle. Mais la production tend à se diversifier. Les industries alimentaires ou pharmaceutiques s’intéressent de près aux systèmes auto-matisés. La demande en robots dans la gestion logistique s’accroît également, notamment dans l’e-commerce. Amazon vient, par exemple, de racheter Kiva systems et leurs étagères sur roulettes afin d’automatiser la distribution des produits. Sans oublier le secteur de l’industrie électronique, qui représente le deuxième marché de la robotique au niveau global, mais qui n’en est pourtant qu’à ces débuts, principalement à cause de contraintes techniques.

Lesquelles?

Aujourd’hui, la plupart des smartphones et tablettes sont assemblés à la main. Les entreprises désirent automatiser les chaînes de montage. La seule limitation reste la précision des robots. Lors de l’assemblage des automobiles, les robots exécutent des mouvements prédéterminés assez sommaires. Pour les composants électroniques, les pièces sont beaucoup plus petites, ce qui rend la manipulation automatisée délicate. Certaines entreprises telles que Cognex développent des systèmes de reconnaissance visuelle efficaces pour remédier à ce problème. Cela confère une grande précision aux robots, qui deviennent dès lors très attractifs pour l’industrie électronique.

Entre 2014 et 2019, le marché de la robotique domestique devrait croître sept fois plus vite que le marché des robots industriels, selon les prévisions. Est-il judicieux de se diriger vers ce secteur?

A l’heure actuelle, il s’agit d’une niche. Le meilleur et le seul exemple de réussite commerciale est iRobot, dont le chiffre d’affaires s’élève à 1 milliard de dollars. Initialement dédiée à la robotique militaire, cette compagnie a commercialisé le premier aspirateur totalement automatisé. Avec ce produit, iRobot domine pour l’instant le marché des aspirateurs robotiques. Mais les grosses compagnies, telles que Samsung ou Philips, ont commencé à proposer des produits qui rivalisent avec les capacités de l’aspirateur iRobot pour un prix bien plus attractif. iRobot risque donc à terme de connaître des difficultés face à la compétition grandissante dans ce secteur.

Qu’en est-il du marché de la robotique médicale?

Les solutions automatisées ont pour but d’augmenter l’efficacité des interventions chirurgicales et de réduire
la durée des séjours et les coûts hospitaliers. Ce marché très attractif représente aujourd’hui un chiffre d’affaires global de 2 milliards de dollars. L’acteur public dominant est le californien Intuitive Surgical, qui commercialise un robot chirurgical du nom de DaVinci. Ce dernier ne se substitue pas au chirurgien mais l’as-siste durant l’intervention.

La mise en place de l’«Obamacare» aux Etats-Unis a fortement perturbé les budgets annuels et diminué les investissements. Par conséquent, les ventes de DaVinci ont chuté en 2014, excepté durant le dernier trimestre. Malgré cette baisse, la société continue sa croissance, principalement grâce à la vente de consommables nécessaires pour les opérations toujours plus nombreuses. Au-delà de ce produit, Intuitive Surgical promet de futurs développements intéressants au regard du nombre de brevets déposés dans le domaine chirurgical. Deux protagonistes récemment devenus publics s’avèrent également très prometteurs. Il s’agit de l’entreprise américaine Rewalk et de la japonaise Cyberdine. Elles proposent des systèmes de rééducation physique pour les patients atteints de lésions vertébrales. Ces exosquelettes qui fournissent un support de marche sont encore très chers (150’000 euros pièce). Mais il ne fait aucun doute que ces instruments vont se démocratiser dans un futur proche.

Quels sont les principaux risques dont l’investisseur devrait tenir compte?

Comme mentionné, le secteur de l’automobile est pour l’instant le principal débouché pour les solutions automatisées. Les ventes de robots dépendent donc fortement de la conjoncture cyclique de ce secteur, qui varie selon les régions du monde. Le deuxième risque est l’émergence de la compétition des produits à bas coût en Asie. Par exemple, le gouvernement chinois subventionne massivement ses entreprises, telles que Siasun. Ces mesures ont pour but de réduire à long terme sa dépendance à des compagnies étrangères comme Fanuc ou ABB.

Enfin, il faut se méfier de la valorisation très élevée du marché des actions. Dans les secteurs porteurs comme la robotique, on observe une appréciation du cours des actions sous l’effet de la spéculation, jusqu’à des taux parfois très risqués.

Quels sont vos conseils d’investissement?

Je miserais personnellement sur deux entreprises. La première, Cognex, siège près de Boston. Elle figure parmi les leaders mondiaux dans la production de systèmes de guidage visuel automatisés. Ces outils sont l’élément
clé pour améliorer la précision des robots et cibler l’industrie électronique. Le taux de pénétration de Cognex sur le marché ne va faire qu’augmenter.

Rockwell Automation constitue aussi un choix intéressant. Basée à Milwaukee dans le Wisconsin, l’entreprise fabrique des systèmes de contrôle pour les robots. Leurs produits sont déjà très bien implantés dans la plupart des entreprises de robotique industrielle. Cette société offre donc un très bon retour sur investissement.
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Une version de cet article est parue dans Swissquote Magazine.