TECHNOPHILE

Neuchâtel veut devenir pionnière de l’internet par la lumière

Deux élus proposent de doter la ville d’un réseau public basé sur le Li-Fi. Cette technologie permet de capter des données en utilisant l’éclairage d’une lampe LED. Explications.

Les ondes des réseaux Wi-Fi sont-elles dangereuses pour la santé? Pour l’instant, le débat reste ouvert. Médecins et scientifiques continuent de s’écharper sur la question. Deux élus de la ville de Neuchâtel n’ont toutefois pas attendu pour développer des alternatives. Jean Dessoulavy (PLR) et Julien Binggeli (PopVertsSol) proposent de miser sur une technologie de communication moins invasive: le Li-Fi, pour Light Fidelity, également appelé «internet par la lumière». Ils ont déposé au début du mois de mars une motion qui demande de doter la ville d’un système public de transmission des données basé sur cette méthode, ce qui serait une première en Suisse.

De quoi parle-t-on? Contrairement au Wi-Fi, qui utilise des ondes radio, le Li-Fi capte un signal optique ne traversant ni les murs, ni le corps humain. Il permet de se servir de l’éclairage LED d’une pièce ou d’un lieu public pour connecter à internet un ordinateur ou un smartphone équipés du dispositif nécessaire et s’affranchir ainsi des troubles que le Wi-Fi peut occasionner chez les individus électro-sensibles.

L’idée du projet est venue à Jean Dessoulavy lorsqu’il a pris connaissance d’une étude menée en Argentine sur une trentaine d’hommes concluant que le Wi-Fi avait une influence sur la vigueur des spermatozoïdes et probablement sur l’ADN. «Cela m’a rendu plus attentif aux problèmes de santé liés aux ondes, dit-il. J’ai pu constater que de nombreuses personnes travaillant dans des lieux où elles sont exposées aux ondes électromagnétiques, et en particulier au Wi-Fi, ressentent des douleurs diverses ou des troubles de la mémoire sans pouvoir en expliquer la raison. Elles prennent souvent des antidépresseurs ou des antidouleurs donnant une réponse satisfaisante à court terme, mais qui ne résolvent rien à moyen ou long terme.»

Plusieurs projets basés sur le Li-Fi ont déjà été lancés en Chine, aux Etats-Unis ou en Hollande, notamment dans des musées, des supermarchés ou des stades. Par ailleurs, des groupes comme Philips se profilent dans ce segment et affirment que cette technologie permet des débits potentiellement plus élevés que le Wi-Fi. Parmi ses défenseurs, on peut mentionner Harald Haas, professeur en communications mobiles à l’Université d’Edimbourg, qui expliquait, notamment lors d’une conférence TED en juillet 2011, qu’il était désormais possible de concevoir un réseau sans fil à partir de lampes LED.

Protection des données

Autre point important mis en avant par les partisans de cette technologie: la protection des données. Au vu de sa faible portée et du fait qu’il ne traverse pas les obstacles, le Li-Fi permet de transmettre des éléments sans risques qu’ils ne soient interceptés par des personnes non autorisées. Enfin, des économies énergétiques peuvent également être au rendez-vous, le réseau d’éclairage public pouvant être mis à contribution.

Mais le Li-Fi souffre d’inconvénients qu’il sera difficile de contourner. «Une transmission par ondes lumineuses suppose qu’émetteur et récepteur soient parfaitement alignés, sans obstacle susceptible de gêner le faisceau lumineux», note Jean Dessoulavy. Par ailleurs, la lumière du soleil peut elle aussi générer des perturbations, à la manière des interférences radio actuelles.

Cette technologie pourra-t-elle un jour se généraliser et supplanter le Wi-Fi? Pour Benoît Deveaud, physicien à l’EPFL, en raison de ses conditions d’utilisation très contraignantes, cela reste peu probable. Il faut impérativement se trouver sous une lampe de bonne intensité pour que le système fonctionne. L’éclairage public devrait, en outre, être enclenché jour et nuit. De plus, selon lui, le débit d’information n’est pas supérieur au Wi-Fi. Enfin, en ce qui concerne les dangers supposés sur la santé, aucune preuve scientifique crédible n’existe à ce jour selon le physicien, qui rappelle que les bornes Wi-Fi sont de faible puissance, contrairement aux émetteurs téléphoniques. «Le seul avantage se situe au niveau de la confidentialité, relève-t-il. Ceci dit, si l’on souhaite rester confidentiel, on n’utilise pas un réseau public mais une ligne sécurisée.»
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Une version de cet article est parue dans le magazine L’Hebdo.