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Les atouts suisses du fintech

Le numérique bouleverse les services financiers. Le phénomène, qui remet en question les acteurs traditionnels, gagne la Suisse romande et ouvre d’immenses opportunités pour les start-up.

Dans le monde des technologies, le nouveau favori, c’est le fintech. En ce moment, il éclipse cleantech, biotech et medtech, et affole les investisseurs. Ce n’est pas un hasard. «Le fintech remet en cause l’industrie bancaire de la même manière que le numérique a bouleversé l’industrie du voyage ou de la musique», explique Cyril Dorsaz, directeur du département start-up et innovation au sein de la filiale de San Francisco de Swissnex, un réseau d’ambassades scientifiques qui soutient l’innovation helvétique à l’étranger.

Les nouvelles technologies financières (fintech) disposent d’un vaste champ d’application, touchant toutes les activités dans les banques, le secteur du négoce, le domaine des paiements ainsi que la sécurité informatique au sens large. Parmi les success stories emblématiques, on peut citer le géant du paiement en ligne PayPal, la plateforme de prêts de particuliers à particuliers Lending Club, ou encore Wealthfront et ses algorithmes qui remplacent les gérants de fortune.

Impact sur les banques

En général, les fintech se subdivisent en trois catégories: celles qui concurrencent les acteurs financiers traditionnels, celles qui leur fournissent des solutions innovantes, et celles qui développent des produits ou des services de niche encore inexistants. «A Londres, les start-up fintech ont tendance à appartenir à la première catégorie car elles ciblent en général le marché des consommateurs finaux, tandis qu’à Genève, elles s’inscrivent plutôt dans la deuxième, en soutenant les acteurs financiers traditionnels», observe Antonio Gambardella, directeur de la Fondation genevoise pour l’innovation technologique (FONGIT), un incubateur qui héberge une quarantaine de start-up, dont neuf dans le secteur de la fintech.

Actuellement, les efforts redoublent pour favoriser le développement de la finance 2.0 en Suisse. Un incubateur spécialement dédié au secteur verra le jour en automne à Genève. Il encadrera une dizaine de start-up travaillant sur des projets destinés à augmenter les revenus et la valeur ajoutée des banques. Switzerland Global Enterprise (l’ancienne OSEC) a organisé en novembre un voyage à Londres afin de permettre aux entreprises suisses de fintech d’y nouer des contacts et répétera l’opération en septembre à New York. Quant au Swissnex de San Francisco, il envisage la création d’un «avant-poste fintech» pour créer un lien entre l’ensemble de la place financière suisse et les innovations de la Silicon Valley.

Nouvelle génération

Pourquoi une telle effervescence maintenant? «Le modèle de la finance traditionnelle a besoin de changement, estime Antonio Gambardella. Le fait que le secret bancaire ne constitue plus un argument de vente majeur conduit les banques à innover, mais c’est même plus que cela: la clientèle des banques privées a rajeuni, elle maîtrise l’informatique, internet et les outils en ligne, et pose par conséquent plus de défis à son gestionnaire de fortune.» Cyril Dorsaz, de Swissnex, abonde. «La génération des millenials (née entre 1981 et 2000) consomme très différemment et veut tout faire en ligne. Une étude indique même que 71% d’entre eux préfèreraient aller chez le dentiste plutôt qu’à la banque…» Cette génération ne se retrouve d’ailleurs pas que chez les clients, mais aussi parmi les employés de l’industrie financière, et réclame des outils qui lui correspondent.

«La Suisse a une belle carte à jouer dans les fintech, grâce à son leadership reconnu en matière financière, estime Cyril Dorsaz, mais il y a urgence à prendre le virage digital.» Selon lui, les opportunités se situent dans les plateformes de gestion de fortune basée sur des algorithmes, dans le domaine des bitcoins, ainsi que dans la protection de la vie privée et des données numériques confidentielles. Des start-up n’ont toutefois pas attendu pour tenter leur chance, et vont certainement susciter une forte émulation ces prochaines années.
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1. Agflow: le hub d’information participatif pour les négociants

Créer un nouvel outil pour les acteurs du négoce, qui leur donne une vue globale et en temps réel du prix des cargaisons qui s’échangent d’un point à un autre du globe. C’est l’idée qu’a eue Siavosh Arasteh, après avoir constaté que l’information dans le domaine des matières premières avait besoin d’évoluer. «Des clients nous appelaient ou nous écrivaient pour demander des statistiques sur les cours du maïs en Italie, ou sur l’évolution de la cotation du blé argentin, raconte le cofondateur d’Agflow. Nous avons réalisé que la meilleure solution serait de créer un outil sophistiqué qui permette au client d’accéder lui-même à ces informations».

Agflow a vu le jour à Genève en 2012. La plateforme se concentre sur les marchés physiques des céréales, des oléagineux et des huiles végétales. Elle centralise les données de prix de ces marchandises, les actualise en temps réel et les agrège sous forme de tableaux ou de graphiques. En outre, quarante courtiers spécialisés, basés en Australie, en Chine, ou encore au Brésil y partagent leur point de vue. Ceux-ci ne sont pas rémunérés mais bénéficient de la visibilité de la plateforme et de son contenu. «Nous allions l’approche analytique d’un Bloomberg avec la profondeur et la précision attendue par un professionnel du négoce», résume le diplômé de la London School of Economics.

La plateforme est payante depuis le mois de septembre. Elle compte actuellement 1000 abonnés, la plupart en Suisse et à Singapour, mais également en France, au Maroc ou en Jordanie. Il s’agit d’entreprises de négoce, d’exportateurs, de centrales d’achat de groupes agroalimentaires, ou encore de ports de commerce.

La PME, qui compte aujourd’hui dix employés, ambitionne de devenir le leader mondial de l’information sur les matières premières agricoles. Dans un horizon plus proche, elle travaille à la mise au point d’une application mobile et prévoit une levée de fonds de deux millions au deuxième semestre 2015.

2. CashSentinel: payer de gros montants cash en toute sécurité

Comment faire lorsque l’on habite Genève et que l’on repère une voiture d’occasion au Tessin? Partir essayer le véhicule avec des dizaines de milliers de francs en poche? Ou aller voir l’auto, payer un acompte et espérer que le vendeur sera toujours là lorsque l’on reviendra avec le reste? C’est suite à un tel dilemme que Sylvain Bertolus a créé en 2012 CashSentinel, un service de paiement sécurisé pour les gros montants en cash, ciblé sur les achats de voitures.

«L’arnaque au véhicule d’occasion est la deuxième fraude en ligne la plus dénoncée en Europe», indique l’ingénieur en informatique. Sa solution? Une plateforme en ligne où les parties s’inscrivent avant la rencontre. L’acheteur y verse par e-banking le montant convenu, puis il va tester la voiture et décide ou non de déclencher la transaction depuis son téléphone portable. Le vendeur reçoit instantanément la notification de ce paiement irrévocable, et obtient l’argent dans les 48 heures sur son compte bancaire. Un prix fixe est facturé selon le montant: de 49 francs pour un paiement jusqu’à 10’000 francs, à 119 francs pour un versement de 50’000 à 100’000 francs.

La plateforme a été lancée en septembre, en partenariat avec le portail automobile AutoScout24. Basée à Yverdon-les-Bains (VD), elle emploie aujourd’hui cinq personnes. «Nos clients ont de 30 à 65 ans, ils ne sont pas particulièrement technophiles, mais plutôt sensibles à l’aspect sécuritaire. Ils font surtout appel à nos services pour des voitures à partir de 20’000 francs», précise Martial Mathieu chef des ventes et du marketing. Une cinquantaine de garages, séduits par l’idée de ne pas garder de trop gros montants dans leurs caisses, comptent aussi parmi les clients.

Pour l’heure, la plateforme fonctionne exclusivement en Suisse, mais des transactions en euros avec les pays limitrophes devraient être possibles dès l’automne. CashSentinel projette aussi de s’étendre au marché britannique, probablement dès la fin 2015. A terme, elle envisage de se développer dans toute l’Europe et pourrait faire son apparition sur le marché de l’art, des bateaux ou des petites annonces.

3. TawiPay: le Comparis du transfert d’argent

Aider les travailleurs migrants à trouver la solution la moins chère pour envoyer de l’argent à leur famille restée au pays. C’est l’objectif de TawiPay, une start-up basée à Bussigny (VD) et lancée en 2013 par deux frères, François et Pascal Briod, et leur associé, Laurent Oberholzer. Une suite logique: il y a 16 ans, les frères alors âgés de 8 et 10 ans ont fondé une association pour aider des jeunes en Afrique, ce qui les a exposés très tôt à la problématique du transfert d’argent. «Je me souviens d’avoir attendu des heures dans un Western Union au Cameroun pour recevoir les 90% d’une somme envoyée de Suisse», se rappelle François Briod, qui occupe le poste de directeur.

Avec l’évolution des technologies, la donne a changé. «Nous sommes passés d’un système simple mais onéreux, avec des guichets physiques, à un système virtuel, où il est possible de faire moins cher, mais où il est difficile de s’y retrouver, tant les offres et les frais cachés sont nombreux», pointe l’entrepreneur de 24 ans.

TawiPay a donc mis au point un comparateur online, où le migrant inscrit la somme qu’il souhaite envoyer, de quel pays à quel pays. Le site liste alors les différentes options, de la moins chère à la plus chère, comme lors d’une réservation de vol sur internet. La personne n’a plus qu’à choisir, et la start-up prélève une commission sur la commission de l’opérateur sélectionné.

L’enjeu est énorme. Selon la Banque mondiale, les migrants ont envoyé en 2013 quelque 542 milliards de dollars à leurs familles, sur lesquels 48 milliards ont été prélevés comme frais de transfert. «Selon nous, un comparateur de frais d’envois leur aurait permis d’économiser 28 milliards», dit François Briod.

La plateforme emploie trois personnes et comptabilise plus de 50’000 recherches faites dans le monde entier. Actuellement, elle fonctionne sur 223 corridors d’envoi comme France-Maroc, Angleterre-Pologne ou Suisse-Serbie, mais l’offre va encore s’étoffer. «A terme, on peut imaginer que des milliers de transactions passent chaque jour via notre plateforme», estime le CEO.

4. InvestGlass: un outil sur-mesure pour les banquiers privés

La start-up genevoise InvestGlass combine le savoir-faire des banquiers privés avec les technologies du web. «Actuellement, les professionnels disposent de très bonnes informations économiques via les agences spécialisées, mais ils n’ont pas d’outil pour les individualiser pour chaque client», explique le CEO Alexandre Gaillard, ancien directeur des ventes action dans de grandes banques de la place.

InvestGlass a développé une plateforme web d’informations financières destinée aux gérants de fortune et aux courtiers. Celle-ci simplifie les questions de compliance, notamment en aidant les professionnels à sélectionner les actifs à proposer au client de façon ciblée. Un système de filtres permet de tenir compte du profil de risque de ce dernier, de ses impératifs culturels, de ses anciens investissements, ou encore des spécificités relatives à son domicile fiscal.

Des outils de suivi détectent en outre au cas par cas les actifs non-éligibles. Il peut s’agir d’un investissement dans le secteur de l’alcool pour un client souhaitant respecter les principes de la finance islamique, d’un fonds non autorisé en raison du domicile fiscal d’une personne, ou d’un placement non-adapté au profil de risque d’un client. «Dans ces cas, la plateforme va proposer des alternatives personnalisées», poursuit le diplômé en finance comportementale. Une fois qu’un portefeuille est créé, le gérant de fortune reçoit en temps réel des alertes de prix et des informations pertinentes, afin d’actualiser la stratégie d’investissement ou de rééquilibrer le portefeuille.

InvestGlass, qui a vu le jour en 2014 et emploie trois personnes, fonctionne sur un système d’abonnement mensuel, avec différentes offres pour particuliers, professionnels ou entreprises. Pour l’instant, elle est encore en phase de tests sur le marché suisse, notamment chez la banque genevoise Syz, et compte prochainement s’étendre à Londres.
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Une version de cet article est parue dans PME Magazine.