KAPITAL

Le parking, secteur novateur pour les entreprises

Applications mobiles pour partager sa place de stationnement, senseurs pour optimiser l’utilisation des espaces libres: les projets innovants fleurissent en Suisse.

«Aujourd’hui on ne conduit plus, on passe son temps à essayer de se garer, et les parkings sont au-dessus de mes moyens», écrivait le romancier américain Charles Bukowski dans Pulp, son dernier ouvrage paru en 1994. Force est de constater que le casse-tête du stationnement est toujours d’actualité, notamment dans les villes. Une étude menée par le professeur Donald Shoup de l’Université de Californie en 2011 avance ainsi que près de 30% de la circulation urbaine est imputable à la recherche d’une place libre. Une conclusion qui ne devrait pas étonner les automobilistes de Genève ou de Lausanne.

Pourtant, en Suisse, il y aurait environ 8 millions de places de parking pour moitié moins de voitures. Pour permettre une meilleure occupation de ces espaces, plusieurs entreprises helvétiques développent des produits innovants. Leurs pistes de réflexion? Optimiser l’utilisation des places de stationnement privées et fluidifier le trafic et les paiements dans les parkings traditionnels. Voici six exemples de ce qui se fait actuellement.

1. Shared Parking

«Tous les matins, je croisais un voisin qui revenait du travail lorsque je partais travailler, se remémore Azzedine Lachhab. C’est comme ça que j’ai eu l’idée de Shared Parking.» Le site, lancé en 2008, regroupe 10 000 utilisateurs qui proposent ou cherche à louer une place de parking. La plateforme se contente de fournir l’infrastructure pour encourager le partage: les usagers communiquent à travers une messagerie interne et fixent eux-mêmes le prix de la location.

«Depuis son lancement, j’ai dépensé environ 25 000 francs pour Shared Parking, sans compter les très nombreuses heures passées à le gérer et à établir un business model viable», détaille ce docteur en biologie. Un investissement dont le retour se limite à des rentrées publicitaires «marginales». La création d’un modèle d’affaires pérenne est au centre des préoccupations d’Azzedine Lachhab: “Tout d’abord je vais moderniser le site, lui ajouter des fonctionnalités et lancer une application. Le but consiste à atteindre une masse critique de personnes pour ensuite rendre des fonctionnalités payantes.»

Il travaille ainsi sur la création d’un compte «premium» destiné aux professionnels. Il vise particulièrement les commerçants qui n’occupent pas leurs places de parking la nuit. Pour faire évoluer son projet, le Vaudois dispose d’une base d’utilisateurs grandissante et d’une marque établie. Azzedine Lachhab a ainsi exporté son concept en France, au Québec et en Allemagne.

2. Parku

Parku, une société d’une trentaine de collaborateurs fondée à Zurich en 2012, affiche un concept assez similaire à celui de Shared Parking. A partir du site Web ou d’une application pour smartphone, des particuliers ont la possibilité de proposer ou de louer des places de parking. Plusieurs choses distinguent toutefois les deux sociétés: Parku propose des locations à l’heure, dispose déjà d’une application mobile et prélève une commission de 33% lors de chaque transaction.

Selon le directeur de Parku pour la Suisse, Cyrill Mostert, la société devrait être rentable en 2017: «Ce qui nous manque pour le moment, c’est une masse critique d’utilisateurs et de places.» L’application rassemble 4000 espaces de stationnement: 2600 en Allemagne et 1400 en Suisse (dont 90% outre-Sarine). Pour en augmenter le nombre, la société a développé le système Sesam Pass. Concrètement, il permet aux utilisateurs de l’application d’accéder à des places situées derrière des barrières ou des portes de garage.

Parku veut inciter les entreprises à mettre leur parking à disposition afin d’augmenter le nombre de places proposées sur l’application. Pour les sociétés partenaires, cela représente une source de revenus supplémentaire. Cette solution a séduit plusieurs hôtels, notamment à proximité des aéroports de Zurich et de Bâle.

3. Parkit

Le partage des places de stationnement séduit même les CFF. En août dernier, la régie fédérale annonçait le lancement de son application CFF P+R. Créée par l’entreprise alémanique Parkit, ce logiciel permet de réserver une place de parking à l’avance et de prolonger la durée de stationnement depuis son mobile. Pour les CFF, l’enjeu est clair: encourager la mobilité combinée. A terme, 27 000 places seront réservables par ce biais, réparties dans 550 gares.

4. Tinynode

L’apparition de l’économie de partage dans le domaine des parkings est un phénomène récent, initié par Shared Parking en 2008, ce qui peut expliquer l’absence d’entreprises rentables à ce jour. La réussite d’une start-up comme Tinynode prouve toutefois que l’industrie du stationnement offre des opportunités intéressantes. Cofondée en 2012 à Lausanne par Pierre Castella et Martin Zoller, Tinynode a mis au point une gamme de senseurs destinés à optimiser l’utilisation des places. Ces boîtiers d’une quinzaine de centimètres de diamètre détectent la présence d’un véhicule en discernant la variation du champ magnétique. Les 5000 capteurs déjà installés par la société équipent notamment les zones réservées aux poids lourds de plusieurs aires d’autoroutes en France et un parking souterrain de la station de ski de Nendaz.

Bien que Martin Zoller, directeur de Tinynode, préfère ne pas divulguer le chiffre d’affaires, il confie que l’entreprise dégage des bénéfices. «Il y a quelques années, on considérait que les places de parking seraient toutes équipées de senseurs. Plusieurs sociétés tablaient sur une croissance très importante du secteur.» Las, ces prévisions ne se sont pas réalisées. Néanmoins le jeune directeur, diplômé de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich, considère qu’une envolée du marché est possible. «Ce que l’on appelle l’Internet des objets, autrement dit l’émergence des réseaux basse puissance, qui sont en phase de test dans de nombreuses villes dont Genève et Zurich, dopera l’installation de capteurs.»

Pour l’instant, Tinynode vise des marchés plus restreints tels l’optimisation de l’utilisation des places de camions des aires d’autoroutes (à travers une application), le système de guidage pour certains parkings extérieurs et aussi pour accompagner le développement de la voiture électrique. Ainsi, une centaine de senseurs Tinynode seront installés sur autant de stations de recharge en France (Eure-et-Loir) et permettront d’informer les usagers des emplacements disponibles.

5. Schick Electronic

L’innovation dans le domaine du stationnement n’est pas l’apanage des start-up. Deux PME romandes actives dans le secteur depuis des décennies restent compétitives grâce à des produits toujours plus technologiques. L’entreprise Schick Electronic, basée à Renens (VD), est spécialisée dans le guidage à la place de parking. La société d’une vingtaine d’employés est dirigée en tandem par Philippe Schick, le fondateur, et son fils Patrice. «Notre système de capteurs, entièrement produits en Suisse, équipe plus de 400 000 places de stationnement dans le monde entier», observe le fondateur. Concrètement, la technologie de Schick Electronic oriente les automobilistes vers les emplacements disponibles à l’aide d’enseignes lumineuses qui en indiquent le nombre et la direction. Sa solution séduit aussi bien les gérants de parking que les grandes entreprises telles Philip Morris ou Pictet.

6. IEM

Après s’être garés, la majorité des conducteurs utilisent un horodateur. Il y a alors de fortes chances que ce soit une machine fabriquée dans le canton de Genève. Installée à Plan-les-Ouates, Ingénierie Electronique et Monétique (IEM) construit des horodateurs depuis 1992. Cette société familiale est dirigée depuis 2007 par Philippe et François Menoud, les deux fils du fondateur Edouard Menoud. La PME de 25 employés réalise 10 millions de francs de chiffre d’affaires et livre environ 2000 produits par an.

Maîtrisant à la fois la monétique et l’électronique, IEM assure la quasi-totalité de sa production à l’interne. Ses derniers modèles d’horodateurs sont des concentrés de technologie: panneau solaire pour l’alimentation, écran tactile, règlement par carte bancaire ou paiement sans contact via la technologie Near Field Communication (NFC) et télécommunication par le réseau 3G. Cette dernière fonctionnalité “permet aux horodateurs d’échanger avec un serveur central qui aide le gestionnaire des places de parking à avoir une vision d’ensemble», explique Philippe Menoud. Ces horodateurs à la pointe de la technologie sont nécessaires pour séduire les autorités publiques et concurrencer le géant du secteur, le français Parkeon, dont le chiffre d’affaires atteint près de 200 millions de francs.
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Une version de cet article est parue dans PME Magazine.