La finale du championnat d’Europe opposera la France à l’Italie, vainqueurs respectivement du Portugal et des Pays-Bas. Une affiche de rêve.
La différence entre la Ligne Maginot et la défense de la Squadra Azzurra? La première reste figée à tout jamais dans l’Histoire comme le symbole de la passoire, un échec total de stratégie défensive; la seconde repousse toutes les offensives depuis des temps immémoriaux.
Jeudi soir, les Italiens ont prouvé, si besoin en était, qu’ils possèdent (comme en 1982 quand ils remportèrent la Coupe du Monde en Espagne) un mur de béton que ne renieraient pas les anciennes démocraties populaires d’Europe de l’Est.
Le rideau de fer déroulé par les Transalpins devant leur seize mètres s’est avéré si efficace que même l’équipe néérlandaise, meilleure attaque du tournoi jusqu’ici, n’a pas trouvé le chemin des filets. Il y avait quelque chose de pathétique a voir les déferlantes oranges se briser systématiquement sur les hauts-fonds de la défense italienne, dirigée avec brio par le bellâtre Paolo Maldini.
Réduits à dix dès la trentième minute par la grâce d’une expulsion justifiée, les Italiens se sont contentés de défendre, de verrouiller le jeu, de barrer la route de leur moitié de terrain. Ils n’ont rien fait d’autre, ils n’ont rien construit, rien développé, mais d’une certaine manière, cet art absolu de la résistance était déjà magistral en soi. Plier, mais ne jamais rompre.
A force de résister, les Azzurri ont écoeuré les Nééerlandais. Au point que ceux-ci, impensable, ont bafouillé deux penalties durant le jeu (Frank de Boer et Patrick Kluivert) et trois autres durant les tirs au but qui ont finalement décidé du vainqueur.
Les Hollandais, si souverains contre les Yougoslaves en quarts de finale (6 à 1) avaient les pieds carrés jeudi soir dans l’Arena d’Amsterdam. On ne gagne pas avec les pieds carrés. Surtout que dans la cage d’en-face, le gardien Toldo, le Barthez de la Squadra, réalisa des miracles.
En finale, l’Italie va donc affronter la France, pour une grande revanche. En 1998, les Français avaient éliminé les Italiens en quarts de finales. Aux penalties. Les Bleus de l’Hexagone justement, ont éliminé les Portugais, mercredi soir, à l’issue d’une rencontre difficile, âprement disputée au milieu de terrain par deux rangées d’artistes latins, subtils et inspirés.
On parlera bien sûr longtemps de ce penalty accordé par l’arbitre autrichien Benkö à la fin de la seconde prolongation, transformé en «but en or» par Zinedine Zidane, une réussite qui valut immédiatement la «mort subite» aux Lusitaniens. Ceux-ci, révoltés, on le serait à moins, ont presque cassé la gueule à l’arbitre et à son assistant slovaque.
On se disait que décidément, l’Autriche et le Portugal (qui préside actuellement l’Union Européenne) ne font pas bon ménage. Injustice, scandale? Devant l’étrange lucarne, l’image repassait au ralenti, sous tous les angles. On constatait que le défenseur portugais Xavier avait bien tendu la main (réflexe?) devant son gardien pour détourner le centre à bout portant de Sylvain Wiltord. On se mettait à la place de Xavier, le métis aux cheveux jaunes, homme plein de panache. Il venait, quelques minutes plus tôt, à l’extrême fin du temps réglementaire (90e) de rater le but qui aurait propulsé le Portugal en finale.
Enfin, raté, c’est un peu fort, car la parade de Barthez était fantastique. Dans la tête de Xavier, deux mondes se télescopaient, l’enfer et le paradis des footballeurs, cela se lisait sur son visage et dans son regard exorbité. Zidane, lui, n’eut aucune pitié au moment de tirer le penalty fatidique. La détermination sur son visage traduisait cette fantastique volonté de perfection qui anime le moindre de ses gestes durant une rencontre.
On dit de lui, depuis deux ou trois ans, qu’il est le meilleur joueur du monde. Il est toujours difficile de dresser des classements de ce genre: le talent est multiple, il diffère selon les individus. Les classer, c’est déjà les mutiler un peu. Mais mercredi soir, Zidane ne jouait pas dans la même catégorie que les 21 autres acteurs sur le terrain. Contrôles, touchers de balle, accélérations, vista, quand le No.10 français évolue de cette manière, cela relève de l’expérience sensorielle.
A voir le ballon adhérer de la sorte à ses chaussures à crampons, on se disait que le manufacturier à du les enduire de super-glu. Dimanche soir, à 20 heures à Rotterdam, le meilleur joueur du monde aura la lourde tâche d’emmener ses troupes à l’assaut de la garde de fer transalpine. Une affiche de rêve.
