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N’est pas escroc qui veut

L’affaire Markwalder, à la suite de quelques autres, montre que même en matière de scandales politiques, nos élus font dans le timoré et l’insignifiant. Qui s’en plaindra?

Petit bras. Oui là aussi le politicien suisse fait pâle figure: dans l’art, ailleurs si flamboyant, d’accumuler les casseroles.

Qu’une vice-présidente du Conseil national se soit laissée embobiner dans un différend kazakho-kazakhe mettant aux prises le gouvernement très autoritaire du président Nazarbaïev et un ancien dignitaire du régime, en exil à Genève et pas forcément non plus tout blanc, bon. Au pire la radicale Christa Markwalder pourra être taxée de naïveté et de méconnaissance.

Elle n’est en tout cas pas la première à servir, plus ou moins inconsciemment, la soupe à une dictature. Le Hamas, les Chinois, Poutine, pour ne citer qu’eux, comptent plein d’amis sincères sous la coupole. C’est le banal phénomène des idiots dit utiles. Pas de quoi crier au scandale d’Etat.

Si scandale dans cette affaire il doit y avoir, c’est celle des sociétés de communication, ces lobbyistes qui hantent le no man’s land des pas perdus et facturent à leurs richissimes et rarement irréprochables clients, le prix d’une intervention parlementaire obtenue auprès des idiots mentionnés plus haut.

A la suite de cette affaire, le Matin a eu la bonne idée de recenser les fameuses casseroles que traînerait notre classe politique ces dernières années.

Bonne idée oui mais qui aboutit sans doute à l’inverse de ce qu’on pouvait espérer démontrer avec une telle énumération. Car on reste confondus. Oui confondus devant tant de bonhomie dans le dérapage, tant de peccadilles, tant d’affairettes, tant de retenue dans la violation du droit.

C’est tel UDC qui a employé une femme de ménage kosovare sans permis de travail. Tel radical et vigneron valaisan qui a légèrement dépassé dans certaines cuvées le taux autorisé de coupage. Telle candidate radicale à la mairie de Zurich qui a quelque peu abusé du copier-coller dans sa thèse de master en politique de sécurité. Tel Vert argovien qui s’est laissé aller à des selfies dénudés. Tel néophyte encore, neuchâtelois et UDC, qui a bousculé un agent Protectas après une altercation devant le Palais fédéral. Telle socialiste bâloise qui s’est acheté un appartement de vacances dans les Grisons après avoir ferraillé des mois durant en faveur d’une Lex Weber qui entendait limiter drastiquement ce genre de logement.

Bref, le péché véniel semble un sport très pratiqué dans nos sphères politiques. On se prendrait presque à rêver de vrais escrocs, d’indélicats d’envergure, de prévaricateurs sans scrupules, de figures hautes en magouilles, comme la France, tous partis confondus, semble posséder le moule le plus abouti.

Où sont nos Cahuzac, où se cachent nos Balkany? On n’a guère pu compter cette dernière décennie que sur un UDC saint-gallois brièvement candidat au Conseil fédéral, pour se rapprocher, encore que de loin, de si culottés modèles — une affaire de détournement d’héritage pour un montant de 265 000 francs. Résultat: treize mois avec sursis et somme remboursée depuis longtemps. Un verdict record pourtant, les autres maladroits, pris les doigts dans des pots de confiture presque vides, s’en tirant avec des non-lieux ou des peines microscopiques toujours assorties du sursis.

Le modèle suisse, si vanté à l’étranger, et qui fait rêver d’un bout à l’autre du globe, tant et tant de citoyens sous la coupe d’élus, ou prétendus tels, vicelards et corrompus, ce n’est peut-être dans le fond que cela: n’avoir affaire qu’à des politiciens inoffensifs.