- Largeur.com - https://largeur.com -

Le low cost s’attaque aux long-courriers

large18062015.jpg

On l’associe surtout aux vols intérieurs ou de courte durée. Le low cost s’attaque désormais au marché des long-courriers. Eurowings, filiale de Lufthansa, a annoncé ce printemps le lancement d’offres au départ de plusieurs aéroports européens et à destination du Moyen-Orient, de l’Asie ou des Caraïbes, à des prix défiant toute concurrence: Zurich-Dubaï pour 134 francs (par trajet), la Thaïlande à partir de 239 francs… Elle rejoint sur ce créneau les compagnies nordiques Norwegian Air Shuttle et WOW Air. Et le mouvement pourrait bien s’étendre: Ryanair a annoncé en fanfare le lancement de trajets Paris-New-York à 14 euros, avant de démentir trois jours plus tard. La compagnie a toutefois réaffirmé au passage son intention de se lancer rapidement sur le segment des vols transatlantiques à petits prix.

De quoi bouleverser le marché européen actuel? Avec six villes de départ en Allemagne et 17 dans le reste de l’Europe, le risque d’une cannibalisation des offres traditionnelles est réel, surtout sur le terrain du tourisme de masse. Les premiers vols low cost d’Eurowings décolleront dès novembre 2015 pour Cuba et la République dominicaine, et dès décembre pour Dubaï et la Thaïlande. Mais Ryanair ne sera pas en mesure d’ouvrir ses lignes transatlantiques avant quatre ou cinq ans: la compagnie irlandaise ne possède tout simplement pas les avions nécessaires.

Sur le marché helvétique, Swiss ne perçoit pas l’offre comme une menace: la première compagnie du pays appartient à Lufthansa, comme Eurowings. «Leur modèle ne concurrence pas le nôtre; il vient seulement compléter l’offre low cost au niveau du groupe. Swiss reste clairement positionnée sur le segment premium, explique le porte-parole Stefan Vasic. Pour le passager, il n’y a pas de confusion possible entre ces deux produits.»

L’Office fédéral de l’aviation civile rappelle, pour sa part, qu’aucun autre aéroport suisse que Zurich n’est à ce jour concerné par l’arrivée de ces vols low cost: ni Eurowings, ni ses concurrents n’ont pour le moment cherché à obtenir de nouveaux droits de trafic. «En tout état de cause, ces demandes seraient soumises aux mêmes exigences de sécurité que n’importe quel vol commercial», précise sa responsable de la communication Martine Reymond. Pour Mathieu Fleury, secrétaire général de la Fédération Romande des Consommateurs (FRC), le low cost soulève plus de questions en termes de coûts cachés qu’en matière de sécurité.

Le cas de Ryanair est exemplaire. Certes, la société irlandaise a déjà prouvé qu’elle pouvait casser les prix du marché européen à grands renforts de recettes désormais éprouvées: rotations plus rapides depuis de petits aéroports, main d’œuvre moins nombreuse et moins rémunérée. Mais la compagnie irlandaise, comme ses concurrents, joue sur les mots: seul un très faible nombre de sièges sont disponibles aux tarifs les plus bas, une large moitié des places restant réservées aux catégories business ou premium, négociées au prix fort. Autre détail: ces prix d’entrée ne concernent que la location du siège. La plupart des autres services (bagages en soute, repas, boissons…) seront payants. Ryanair avait même annoncé un temps son souhait de rendre l’usage des toilettes payant… Eurowings, de son côté, promet que tous ses clients pourront accéder sans surcoût aux services de divertissements (écrans, écouteurs), mais les passagers des long-courriers low cost peuvent s’attendre à mettre la main au portefeuille à la moindre occasion.

Mathieu Fleury de la FRC ne cache pas un certain scepticisme. «Le modèle low cost a démocratisé le voyage aérien sur les vols de courte durée, mais au prix d’une réduction sensible des services qui finit par trouver ses limites. Je doute que les consommateurs suisses soient prêts à renoncer à toute notion de confort sur des vols long-courriers.» Pas cher, d’accord, mais pas à n’importe quel prix.
_______

Une version de cet article est parue dans L’Hebdo.