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Péréquation, une histoire grecque

Cantons riches et cantons pauvres se divisent âprement sur le système de solidarité confédérale, ceux qui ont de l’argent trouvant saumâtre de payer pour ceux qui n’en ont pas. Toute ressemblance serait coïncidence.

C’est en quelque sorte une histoire grecque. Avec ses riches et ses pauvres, ses payeurs et ses encaisseurs, ses cigales et ses fourmis. Ses bons et ses méchants en somme qui peuvent être successivement les uns et les autres, et vice-versa, suivant l’angle où l’on se place, et le degré de son expertise ou de sa mauvaise foi.

Péréquation! Le gros mot est lâché, ce système de solidarité confédérale, qui voit des cantons cracher au bassinet et d’autres tendre la sébile. En 2016, les vaches à lait ne seront plus que sept, contre neuf auparavant, Bâle-Campagne et Schaffhouse passant soudainement du camp des contributeurs à celui des bénéficiaires.

Ceux qui payent sont en général des cantons urbains aux ressources évidemment bien plus variées — Genève, Vaud, Bâle-Ville, Zurich. Ou de vertueuses petites entités de Suisse centrale ayant su par un système fiscal souvent qualifié, lui, de déloyal, attirer de très riches contribuables — Zoug, Schwyz, Nidwald. Zoug est d’ailleurs le canton qui contribue proportionnellement le plus à la péréquation — 2840 francs par habitant contre 1188 à Schwyz, 742 à Nidwald, 531 à Genève, 486 à Bâle-Ville et 316 à Zurich.

On dira, ça ne fait que six cantons. Oui car le septième, Vaud, bien que donateur, va se retrouver parmi les bénéficiaires — de peu, 16 francs par habitant — grâce au mécanisme dit des charges sociodémographiques, ou charges excessives, qui voit la Confédération compenser à son tour les dépenses spécifiques auxquelles les cantons urbains doivent faire face.

Quant aux cigales, aux cantons qui s’en mettent plein les poches par la seule magie de la péréquation, ils sont généralement plutôt excentrés, et souvent montagnards. Dernier venu, premier servi, le Jura fait la course en tête, 2314 francs par habitant, devant Uri (2293), le Valais (1896), Glaris (1789) et les Grisons (1295).

Berne curieusement, qui a certes, outre une capitale fédérale, son Oberland montagneux et décentré, n’est pas loin, recevant 1278 francs par habitant. Un montant qui, multiplié par le nombre d’habitants, en fait, en valeur absolue, le canton le plus grassement arrosé. De quoi faire revenir sur ses accusations le rédacteur en chef et propriétaire de la Weltwoche Roger Köppel, candidat au conseil national sous la bannière UDC, et qui avait qualifié en une de son hebdomadaire les romands de «Grecs de la Suisse». Les profiteurs de la générosité péréquationnelle, ce sont désormais les Bernois. Roger Köppel l’a promis, ils seront bientôt cloués au pilori de la Weltwoche.

C’est ici que l’histoire grecque devient franchement européenne. Avec des cantons riches qui ont un peu marre de devoir chaque année voler au secours des cantons pauvres. Et des cantons pauvres qui n’en peuvent plus de l’arrogance satisfaite et néanmoins ronchonnante avec laquelle les cantons riches consentent à lâcher quelques miettes de leurs coquets magots. Les riches interprètent leur richesse comme découlant principalement de leur seul mérite, les pauvres considèrent leur pauvreté comme essentiellement due à la géographie, à l’injustice et la rapacité des riches.

Les vaches à lait Zoug, Schwyz et Nidwald auraient bien aimé créer une alliance des riches sous la forme d’un référendum des cantons, procédure qui permettrait d’aboutir à une votation. Mais pour cela, il faut être huit cantons — c’est déjà trop. Surtout que Genève et Vaud ont fait savoir qu’ils ne s’associeraient pas à ce front de libération des pleins aux as, préférant mener des combats lucrativement plus prometteurs. Par exemple les compensations à obtenir de la Confédération pour la réforme de la fiscalité des entreprises qui les pénalisera lourdement.

Comme le dit le grand argentier vaudois Pascal Broulis, plaidant pour une augmentation du fameux fonds de compensation pour charges excessives: «C’est insuffisant vu ce que nous payons par ailleurs». Parole de grec.