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Hollywood dans la zone industrielle genevoise

Le studio dbFx s’est imposé dans un secteur atypique, en particulier en Suisse: les effets spéciaux mécaniques utilisés dans des publicités, des clips et des films.

Entre un fabriquant de stores et un restaurant lounge, dans le quartier genevois des Acacias, une porte discrète mène à l’atelier d’effets spéciaux dbFx Workshop. L’étage est orné d’une étrange collection de répliques d’accessoires cinématographiques fabriqués pour différentes expositions: un casque de la saga Star Wars côtoie la tête d’un Predator, machine à tuer des films éponymes, et celle d’une Na’vi, les humanoïdes bleus du blockbuster Avatar. Un assortiment éclectique qui plonge immédiatement le visiteur dans l’univers insolite de Julien Dumont et Kennocha Baud.

Le stutdio dbFx Workshop se spécialise dans les effets spéciaux mécaniques. «Nous sommes très polyvalents: maquillage, sculpture, animation, stop-motion, explique Julien Dumont. Nous avons même fabriqué une prothèse d’oreille.» Le studio genevois fait figure d’exception à l’heure où la majorité des effets spéciaux sont réalisés à partir d’images de synthèse (CGI, ou «Computer-Generated Imagery»). «Le recours aux CGI s’est généralisé ces vingt dernières années. Avec des délais de tournage de plus en plus courts, les réalisateurs préfèrent implémenter des effets spéciaux numériques en post-production, poursuit Julien Dumont. Pourtant, le dernier Mad Max ou Mission Impossible ont été très bien accueillis par la critique notamment car ils utilisaient des effets spéciaux mécaniques.» Leur présence constitue même un argument marketing pour attirer les cinéphiles. Pour Kennocha Baud, les deux techniques ne sont pas opposées mais complémentaires. Elle cite en exemple la scène culte du film de science-fiction Matrix, où le héros esquive une balle dans un plan ralenti spectaculaire.

Queue de sirène

L’histoire de dbFx Workshop pourrait être adaptée au cinéma. On y retrouve tous les ingrédients d’un bon «blockbuster»: une romance, une plongée courageuse dans l’inconnu, de la passion et de la réussite. Tout commence en 2007. Kennocha Baud, après une dizaine d’année dans la vente et une reconversion dans la santé, décide de se lancer dans le maquillage professionnel. «C’était un rêve de gamine. Pourtant, de nombreuses personnes m’ont déconseillé de me lancer dans le métier.» Pendant une année, la Genevoise suit des cours de grimage à l’Atelier du Griffon à Lyon. C’est là qu’elle rencontre Julien Dumont, ancien étudiant en médecine qui s’est tourné vers le dessin. Ils commencent à travailler ensemble dans le domaine des effets spéciaux fin 2008, puis fondent dbFx Workshop en 2010, à Genève. Une implantation justifiée à la fois par les origines genevoises de Kennocha Baud et par un marché français saturé et centré sur Paris. «C’était un saut dans l’inconnu. Nous n’avions pas un sou en poche et nous nous lancions en Suisse, un pays sans véritable industrie cinématographique, en pleine crise financière et dans une ville de banquiers!»

Par chance, le couple d’entrepreneurs décroche très rapidement deux projets importants: la fabrication de décors d’Halloween pour le parc d’attraction Walibi Rhône-Alpes et la création d’une exposition sur la science-fiction pour la foire de Lyon. Après ces débuts en fanfare, ils multiplient les missions: «La demande d’effets spéciaux de l’industrie cinématographique suisse n’est pas assez importante, constate Julien Dumont. Donc nous avons dû nous diversifier.» Ils ont désormais suffisamment de marge de manœuvre pour choisir leurs mandats.

La liste des projets réalisés par dbFx Workshop ces dernières années ressemble à un inventaire à la Prévert: réalisation du clip «Marisa» pour le compositeur genevois Anthony Cédric Vuagniaux, création d’une queue de sirène pour une publicité télévisée, maquillage pour des films d’horreurs, courts-métrages d’animation en pâte à modeler ou encore la restauration d’accessoires de cinéma.

Unique en Suisse

Selon le couple, la réalisation d’effets spéciaux est souvent dépréciée, considérée comme un hobby. «Pourtant c’est une vraie démarche artistique. Les trucages requièrent de nombreuses compétences allant du dessin à la sculpture en passant par la prise de vue.» La rémunération des mandats est variable. Elle dépend du nombre d’heures de travail, mais aussi du prix des matières premières, comme le silicone, qui peut représenter jusqu’à la moitié de la facture finale. La réalisation de chaque projet est chronophage. «Depuis 2008, nous sommes partis une seule fois en vacances, pendant deux semaines, raconte Kennocha Baud. Les premiers jours nous étions désœuvrés, il nous a fallu un peu de temps pour déconnecter.» La première phase de réalisation d’un projet, la conceptualisation, est très prenante: «Nous trouvons nos inspirations dans les œuvres de la Renaissance ou de l’Antiquité. Parfois, nous cherchons juste une ambiance particulière, ou une technique de sculpture.»

Bien que dbFx Workshop soit la seule société suisse spécialisée dans les effets spéciaux mécaniques, il existe une petite industrie du trucage. Selon Vincent Frei, fondateur du site spécialisé Swiss Made VFX, «on dénombre environ 200 personnes actives dans le secteur. Une moitié travaille en freelance, l’autre est répartie dans une dizaine de sociétés.» La plupart de ces studios sont situés à Zurich. Elefant Studios a, par exemple, réalisé de nombreuses publicités pour le marché alémanique et collaboré à plusieurs long-métrages. L’Arc lémanique compte également quelques sociétés, dont Le truc, à Genève, spécialisé dans la publicité pour des marques de luxe. Vincent Frei relève néanmoins que les graphistes suisses du secteur sont très demandés et quittent souvent le pays pour exercer leur métier aux Etats-Unis, dans les compagnies les plus réputées comme Industrial Light & Magic.
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ENCADRES

Trois projets

Le blob dévoreur d’humains

dbFx Workshop a participé à la création de la web série Hellvetia, présentée en avant-première lors du dernier NIFFF. Leur mission: créer et animer un blob, soit une grosse masse gélatineuse qui dévore des humains. «Le projet initial était de réaliser les effets spéciaux en 3D, une solution qui ne fonctionnait pas.» Julien Dumont et Kennocha Baud ont donc sculpté la créature dans de la silicone, puis l’ont peinte de sorte à ce que sa peau semble translucide. Enfin, pendant que Julien filmait le blob, Kennocha Baud, accroupie sous une table, lui donnait vie à coup de bâtons.

Du botox pour Alien

«Nous sommes la seule société européenne à restaurer des accessoires utilisés par l’industrie cinématographique.» Sur mandat du musée lyonnais Miniature et Cinéma, dbFx Workshop a restauré et repeint la peau de la reine des Xénomorphes, du deuxième film de la saga Alien. La cure de jouvence a occupé l’atelier pendant trois semaines, le temps de changer l’épiderme décati du monstre qui dépasse les trois mètres. Pour mener cette tâche à bien, Julien Dumont a injecté centimètre par centimètre une sorte de «botox pour Alien» conçu spécialement pour l’occasion.

Rencontre avec Buzz Aldrin

Julien Dumont est un passionné d’astronomie, à tel point qu’il s’est lancé dans un projet un peu fou: produire et réaliser un film sur les missions Apollo. Avec le concours de Lukas Viglietti, président de la fondation Swissapollo, Julien Dumont s’est rendu en Floride pour interviewer des astronautes tels que Buzz Aldrin, le deuxième homme à avoir marché sur la lune. «Je n’avais pas beaucoup de temps, du coup je n’ai pas dormi pendant quatre jours pour pouvoir recueillir tout ce dont j’avais besoin.» dbFx Workshop va réaliser de nombreux effets spéciaux pour le film, dont des vols en apesanteurs ou des maquettes des pas de tir. La sortie en salle est prévue pour 2017.
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Une version de cet article est parue dans le magazine L’Hebdo.