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«Les aider sur place»

La tarte à la crème du débat sur les migrants consiste à prôner qu’il faudrait plutôt intervenir dans les pays d’origine. Une manière commode de se débarrasser d’un très éventuel devoir d’accueil.

Les migrants sont fous. C’est tellement évident que nos autorités, à l’imagination toujours inépuisable, songent, après les bunkers et les tentes, à les loger, ces satanés migrants, non seulement dans des hôtels, des refuges de montagnes, des locaux souterrains mais aussi des hôpitaux psychiatriques.

Le logement chez les particuliers, initié par l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) ne marche pas fort, c’est vrai. Il faut dire que nous sommes 83% à penser que le mieux à faire encore, ce serait d’agir «sur place», dans les pays d’origine.

Argument confortable, garanti sans risque ni désagrément et qui masque peut-être une ferme volonté de ne rien entreprendre du tout. Et de se débarrasser à peu de frais du moindre chatouillement de conscience.

Sentez-vous le soulagement intense qui perce dans la voix de celui qui décrète, la larme presqu’à l’œil: «il faudrait les aider sur place». En arrière fond on entendrait presque une autre musique: «Ouf, ça ne me concerne plus, qu’ils restent donc chez eux, basta». Surtout que cette aide sur place, on sait bien qu’elle se décline au conditionnel, qu’elle n’aurait lieu que dans un monde idéal, et qu’elle sert d’abord à se laver proprement les mains de tout ce bazar.

A signifier aussi que malgré tout, nous ne sommes pas des monstres. Opposés certes à l’accueil de ces gens sur notre territoire, mais attention en étant favorable à 100% à une «aide sur place». C’est dire notre grandeur d’âme et la pureté de nos intentions. Ah si seulement cela était possible. Si c’était moi qui pouvais décider. Je te l’organiserai vite, l’aide sur place.

Le secours à apporter d’urgence aux migrants fuyant la guerre semble à vrai dire tellement devenu un combat d’arrière-garde que les voix les plus fortes à le réclamer sont celles de figures du passé, de vénérables retraités, sans doute frappés de sénilité compassionnelle.

C’est une Ruth Dreifuss qualifiant «d’attitude de pyromane» l’invite lancée aux communes par le président de l’UDC «de résister par tous les moyens à la création de centres d’accueil». Ou rappelant simplement que «nous avons les moyens de faire face à la situation» et que d’ailleurs «nous avons même fait davantage par le passé».

Elle est bien placée pour le savoir, l’ancienne conseillère fédérale, présidente de la Confédération en 1999, lors de la guerre du Kosovo, quand la Suisse accueillait «près du double de personnes qu’aujourd’hui».

Autre revenant, Pascal Couchepin, spectaculairement transformé en vieux sage très au-dessus de la mêlée depuis qu’il n’a plus rien à faire. Que dit-il? Que cette UDC «qui cherche à tirer profit du mouvement migratoire historique ne peut duper personne». Que les pays qui auront «conservé leur capacité d’accueil» seront d’ici quelques années «les gagnants», dans une Europe «qui souffre d’un déficit démographique et sera heureuse d’avoir ouvert ses portes à des populations jeunes et bien formées».

Mais l’oracle de Martigny a beau gronder, on sent que ce sont plutôt les propos d’un autre vieillard, son ancien voisin et ennemi de bureau, qui trouve écho dans une population prête à embrasser le fantasme et l’hypocrisie d’une aide sur place.

Ce que Blocher, en effet, le grand Blocher, a dit, nous pourrions être des milliers à pouvoir le dire, et d’ailleurs nous le disons déjà, comme lui : «Moi aussi j’ai vécu plusieurs semaines dans un bunker, et c’était à l’armée».

Déjà bien beau n’est-ce pas qu’on leur octroie sur un plateau nos jolis abris PC. S’ils ne sont pas contents, eh bien qu’ils rentrent chez eux. Goûter aux délices miraculeuses de l’aide sur place.
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Crédit photo: Gustave Deghilage