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Les magasins de sports sous pression

Les PME romandes spécialisées dans la vente d’articles de sport et outdoor sont bousculées par le franc fort. Un facteur qui vient s’ajouter à la concurrence du e-commerce et des grandes surfaces. La saison d’hiver s’annonce difficile.

«Environ 300’000 paires de ski sont vendues chaque année en Suisse. Si elles s’écoulent à 500 francs en moyenne au lieu de 700, évidemment, cela fait une grosse différence.» Le constat de François Cruchon, vice-président de l’Association suisse des magasins d’articles de sport (Asmas), est sans appel: depuis la décision de la BNS, les magasins de sport souffrent. Pour rester compétitifs face à des produits soudainement devenus 20% moins chers dans les pays voisins, la plupart d’entre eux ont baissé leurs prix, avec, au passage, d’importantes pertes de revenus et de marges. Le recul du chiffre d’affaires pour l’ensemble de la branche a atteint 2,4%, 7,1% et 8,4% pour les trois premiers trimestres de 2015. Et les perspectives pour la fin de l’année ne sont guère réjouissantes. L’Asmas s’attend à un nouveau repli, et table sur une baisse de 4% à 6% pour l’ensemble de l’année. «Nous sommes redescendus aux chiffres de 2001», se désole François Cruchon.

Le soudain renforcement du franc mi-janvier s’est particulièrement fait sentir dans les magasins de sport des stations, qui dépendent beaucoup de la clientèle étrangère. Certains hôtes ont simplement renoncé à leur séjour. Quant à ceux qui les ont maintenus, ils se sont montrés peu enclins à dépenser. Deux commerces interrogés, en Valais et dans le canton de Vaud, évoquent des baisses de chiffre d’affaires de l’ordre de 15%. «Nous avons reçu une grosse claque, souligne François Roux, propriétaire d’Evasion Sports, à Verbier (VS). Nous achetons toute notre marchandise pour la saison d’hiver au mois d’avril. Après la décision de la BNS, nous avons revu nos prix à la baisse, ce qui signifie que notre stock a perdu une bonne partie de de sa valeur du jour au lendemain.» A Villars (VD), Dätwyler Sports, 18 employés, a également opté pour des rabais, mais cela n’a pas suffi à maintenir le volume des ventes. «Les années précédentes, plusieurs tour-opérateurs britanniques avaient déjà délaissé la station, raconte Michel Dätwyler. Villars perd clairement des parts de marché au profit de destinations d’autres pays en raison de la cherté.»

Coupes dans les effectifs

En plaine, la situation se révèle globalement moins tendue. Les consommateurs n’ont pas déserté les magasins de sport romands pour ceux de France voisine. «Nous pouvons compter sur une clientèle fidèle, attachée au conseil et au service, note Jérôme Faure, le directeur d’Univers Sport, situé au centre-ville de Genève. Depuis janvier, nous enregistrons globalement plus de clients et de ventes, mais notre chiffre d’affaires a tout de même baissé de 12% en raison de la réévaluation des prix.»

Les patrons de magasins se montrent plutôt pessimistes pour la saison qui débute. Certes, depuis janvier, les fournisseurs ont fait un effort, ce qui leur a permis de s’approvisionner à des coûts plus en phase avec le marché. Mais la pression demeure importante et ils doivent s’adapter à la nouvelle donne. La plupart soulignent se montrer très prudents dans les achats de stocks. Certains ont aussi décidé d’agir sur les effectifs. «Je n’arrive pas à réduire mes frais fixes de loyer ou d’assurances, indique Jérôme Faure, d’Univers Sport. La seule solution consiste à couper dans le personnel. Nous devons renoncer à un saisonnier cet hiver. Si cela ne suffit pas, la deuxième étape consistera à se passer d’un membre de notre équipe de six personnes.»

«L’influence du franc fort risque de se faire sentir encore davantage cette saison, redoute Michel Dätwyler, de Dätwyler Sport. L’année dernière, une partie des réservations étaient intervenues avant la décision de la BNS.» Et même si de nombreux clients tiennent à se procurer les modèles les plus récents, les enseignes devront affronter les restes de stocks de l’hiver passé, qui devraient se retrouver sur le marché à prix cassés.

Pression du e-commerce

Les tensions liées au franc fort interviennent dans un climat peu clément pour les magasins de sport. Encore plus que le tourisme d’achat, les professionnels de la branche redoutent la concurrence d’internet. «C’est ce qui nous fait le plus de tort», constate François Roux, d’Evasion Sports. Le «showrooming», pratique qui consiste à se renseigner sur les articles en magasin, voire à les essayer, pour ensuite les acheter en ligne, se répand. «Les jeunes générations ont grandi avec un smartphone dans la main, constate Jérôme Faure d’Univers Sport. La logique d’achat a totalement changé.» François Cruchon, de l’Asmas, note encore que tous les sports ne sont pas concernés de la même manière. «Le phénomène vise plus le tennis que le ski, qui nécessite d’essayer les chaussures, de monter les fixations, et pour lequel le client se soucie de la sécurité.» Dans son enseigne de Morges, François Sports, François Cruchon s’est adapté: il facture désormais 50 francs l’essai de six raquettes, auparavant gratuit, une somme restituée en cas d’achat.

Autre facteur décisif: les consommateurs, plus mobiles et informés, prennent toujours davantage leurs décisions en fonction de la météo, un comportement qui impacte les affaires de magasins. Les adeptes de sport d’hiver modifient par exemple volontiers leur choix de station pour le week-end selon les conditions ou se décident à la dernière minute pour une destination de vacances d’hiver en se basant sur la quantité de neige. «Téléverbier triple son chiffre d’affaires les week-end ensoleillés», note François Roux, d’Evasion Sports.

Quant aux grandes enseignes, comme Ochsner, Athleticum ou Sport XX, elles ont cannibalisé une partie du marché. «Il y a vingt ans, elles n’existaient pas, remarque François Cruchon. Aujourd’hui, elles représentent 50% de la branche.» En parallèle, le nombre de points de vente a fortement diminué. La section Vaud-Fribourg de l’Asmas, qui rassemblait encore 70 magasins il y a un quart de siècle, n’en compte plus que 35. Les commerces situés dans les villes, dont les loyers n’ont cessé d’augmenter, ont particulièrement souffert.

«Les rapides mangent les lents»

François Cruchon anticipe que ce mouvement de disparitions va se poursuivre. Dans un marché qu’il qualifie de saturé, il estime toutefois que ce ne sont pas «les gros qui mangent les petits, mais les rapides qui mangent les lents». «Il faut se remettre constamment en question. Il existe une clientèle pour les magasins de sport spécialisés, qui misent sur le conseil. Les commerces qui n’ont pas vraiment de profil, qui font un peu de tout, sont les plus exposés. Mais aussi ceux qui existent depuis longtemps et n’ont pas de succession, car il est aujourd’hui quasiment impossible de trouver un repreneur.» C’est le cas de Bornand Sport, à Vevey, institution familiale historique qui a fermé en juin 2015, après 92 ans d’existence.

Dans la bataille pour les parts de marché, certains tirent leur épingle du jeu. SB Sport, à Gland (VD), a triplé son chiffre d’affaires en 11 ans et emploie une quarantaine de personnes. Sa formule: des prix compétitifs (possibles grâce à des volumes d’achats importants) et l’opportunité pour les consommateurs d’utiliser le matériel acheté avec un accompagnement. «Nous offrons, par exemple, une journée de formation gratuite aux clients qui ont acquis des skis de randonnées et les équipements de sécurité qui vont avec, indique le directeur Marc Bucher. Nous organisons aussi des camps de sport pour enfants. Ce type de services supplémentaires nous donne une image différente. Il faut chercher des solutions au niveau des prix, mais on ne peut pas gagner en ne restant actif que sur ce terrain.»
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Une version de cet article est parue dans PME Magazine.