Ecrit par un anglais expatrié en Suisse, le «Xenophobe’s guide to the Swiss» porte un regard acerbe et réaliste sur la société hélvétique. Il fait partie d’une collection originale de guides touristiques.
Si vous croisez un touriste anglophone consultant un guide intitulé «Xenophobe’s guide to the Swiss», ne le toisez pas d’un regard sombre. Derrière la couverture à l’illustration stéréotypée (Cervin, couteau de l’armée suisse, lingots d’or) du bouquin se cache une démarche fort louable: soigner le xénophobe qui sommeille en chacun de nous.
Se lancer dans la lecture d’un de ces guides, c’est mettre son sens commun à rude alerte. Ces opuscules plein d’humour d’une soixantaine de pages contiennent une foule d’informations utiles. (Ah! si Chevènement avait pris soin de lire celui sur l’Allemagne…)
Paul Bilton, anglais d’origine, est l’auteur du guide sur la Suisse. Après avoir été de longues années un «Ausländer», il est devenu récemment un «paper Swiss» suite à un mariage avec une Hélvète. Ses notices biographiques nous apprennent que «lui et sa femme vivent une vie idyllique au bord du lac de Zürich où il collectionne les couvercles de pots de crème à café pendant que sa femme brode des coussins pour leur voiture. Ils jouissent d’un régime alimentaire presque parfait à base de müesli et de Röstis, mais jamais dans la même assiette!» Le ton est donné.
Du röstigraben aux sacs à poubelles, en passant par la propreté, la peur de la frivolité et l’amour de la solidité, le guide s’attache à tout ce qui constitue la spécificité helvétique sans jamais tomber dans le piège des stéréotypes éculés. Florilège:
«La Suisse est la seule nation qui rende les Allemands inefficaces, les Français mauvais diplomates et les Texans pauvres.»
«La Suisse a le plus haut revenu du monde par habitant, mais se console en n’en jouissant pas du tout.»
«Le peuple qui habite ici a ceci de curieux que ses membres essayent de vous persuader avec beaucoup de conviction qu’ils ne sont pas suisses mais zürichois, bernois, vaudois ou genevois. Les Suisses sont remarquablement semblables dans leur détermination à être différents.»
«Le secret de l’unité suisse? Les frictions sont rapidement huilées avec le meilleur des lubrifiants: l’argent.»
«Les Suisses ont la chance de voir l’aspect négatif de chaque situation. La loi de Müller, version helvétique de la loi de Murphy, dit: Tout ce qui peut aller mal, ira mal, mais nous y sommes largement préparés.»
«D’autres nations blâmeraient leur gouvernement et leurs politiciens pour tous leurs tracas. Les Suisses, eux, blâment le foehn.»
Voilà qui change des catalogues aux photos aseptisées ventilés par les agences de voyages. Les concepteurs de la collection posent un diagnostic convaincant. La xénophobie étant une peur irrationnelle de l’autre, plus on en sait sur l’«autre», moins on a de raisons d’en avoir peur. Le regard irrévérencieux que jettent ces guides sur les préjugés entre les nations devrait donc, logiquement, garantir un effet thérapeutique sur la xénophobie plus ou moins avouée de chacun.
Bonne vacances aux xénophobes qui se soignent!
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Il existe des Xenophobe’s Guides pour une trentaine de nations, dont la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis.
