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Mettre un peu de soi dans le projet d’un autre

De plus en plus de gens sont prêts à financer une idée par le biais du crowdfunding. Certains sont mus par des motifs égoïstes, d’autres y voient une façon de rejoindre une communauté ou de soutenir une cause.

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Il s’agit d’une simple parka bleue. Mais pas seulement. Dotée d’une quinzaine de poches, elle possède un coussin gonflable, des gants et un masque pour les yeux intégré. Cela lui a valu le surnom de «couteau suisse de la veste». Posté sur la plateforme de crowdfunding Kickstarter en juillet par un étudiant américain, ce vêtement a levé 9 millions de dollars. Plus près de nous, la boulangerie genevoise Eric Emery a réuni 1,2 million de francs, rien qu’en sollicitant l’aide de ses clients par le biais d’une feuille posée sur le comptoir. Cela lui a permis de financer son déménagement et un salon de thé.

Qu’est-ce qui pousse tous ces gens à donner leurs économies à un inconnu? Il s’agit souvent d’un choix tout à fait rationnel. «Les produits qui marchent le mieux sur ces plateformes sont ceux qui répondent à un besoin déjà identifié par la société», fait remarquer Calin Ionescu, professeur à la HEG Arc Neuchâtel. Cela explique le succès de la veste couteau suisse. Ou celui de The Coolest, une glacière permettant de fabriquer des glaçons ou de mélanger des boissons qui a levé 13,3 millions de dollars sur Kickstarter. De même, des habitants de Winterthour ont contribué à hauteur de 60’000 francs sur la plateforme suisse WeMakeIt pour construire un terrain de foot couvert.

Bénéfice garanti

Cette envie de retour sur investissement est encore plus évidente dans le cas des portails qui sollicitent des prêts pour les entreprises, à l’image de l’américaine Prosper ou de la genevoise cialis used by women. «Les firmes obtiennent une estimation de leur taux d’intérêt, calculée sur la base de leur solvabilité et de leur positionnement par rapport à leurs concurrents, et s’en servent pour solliciter des prêts de la part des internautes, explique Vincent Pignon, son fondateur, qui est également chercheur à la Haute école de gestion de Genève — HEG-GE. Pour ces derniers, cela représente une façon de rémunérer leur épargne.» Les taux d’intérêt peuvent atteindre 6%.

La même logique prévaut pour les plateformes participatives qui permettent de prendre des parts dans une entreprise. Lorsque Thomas Steinemann, un ancien de la marque de vêtements et d’accessoires Fossil, a décidé de redonner vie à la marque horlogère du Locle Dubois & Cie en 2013, il a assorti chaque action, vendue 500 francs, d’un rabais de 50% sur une montre valant 9’000 francs. Un bénéfice garanti.

Facteur émotionnel

Mais les donateurs ne sont pas tous mus par des motifs égoïstes. «Beaucoup de gens ont l’impression de rejoindre une communauté, d’a­cheter le ticket d’entrée d’un club composé de gens avec les mêmes passions qu’eux», relève Elizabeth Gerber de la Northwestern University, dans l’Illinois, qui s’est penchée sur cette question. Elle cite le cas d’une chercheuse spécialisée dans l’anatomie des queues de baleine qui a lancé une campagne de crowdfunding pour financer ses recherches et a eu l’agréable surprise de découvrir tout un groupe de gens fascinés par ce sujet. «Les liens noués ainsi se prolongent parfois dans la vraie vie, ajoute-t-elle. Certains donateurs deviennent amis avec leur bénéficiaire.»

Calin Ionescu a vu l’importance de cet aspect émotionnel lorsqu’il a étudié la possibilité de lancer une campagne de crowdfunding pour financer un projet de gestion de l’eau en Tanzanie. «Nous avons très vite compris qu’il fallait créer une communauté de gens concernés par le projet et les impliquer dans sa réalisation, note-t-il. Mais cette implication très personnelle engendre aussi son lot de problèmes. «Les contributeurs ont parfois l’impression que le projet leur appartient et vous le font sentir», souligne Elizabeth Gerber. «Le rapport entre le donateur et celui qui reçoit est plus proche de l’actionnariat que du don, rappelle Calin Ionescu. On achète des parts dans le projet de quelqu’un.»

Economie locale

Il existe aussi des donateurs purement altruistes. «Ils donnent pour soutenir une cause qui leur tient à cœur et n’attendent rien en retour, détaille Ivo Blohm, qui dirige le Centre de compétences sur le crowdfunding de l’Université de St-Gall. Ils vont notamment fournir des fonds à des projets que le marché ne financerait pas normalement.» Cela les amène par exemple à soutenir des artistes qui refusent de se plier aux contraintes d’Hollywood ou des grandes maisons de disques. Le cinéaste Spike Lee, l’écrivain Bret Easton Ellis ou l’artiste Marina Abramovic ont tous financé des projets par le biais du crowdfunding. En Suisse, buy cialis sydney a permis à un collectif d’artistes de réunir 71’000 francs pour ouvrir un espace de travail collectif à Bâle. «Même à l’ère du téléchargement, les gens sont prêts à payer pour de la musique ou un film, estime Melina Roshard, sa porte-parole. Mais ils préfèrent donner l’argent directement à l’artiste plutôt qu’à un intermédiaire.»

Certains de ces donateurs altruistes veulent soutenir l’économie locale. Comme ceux qui ont financé la boulangerie Emery. «La plupart étaient des clients de l’établissement, relève Vincent Pignon. Ils ont voulu donner un coup de pouce à leur boulangerie de quartier.» La même logique a poussé 265 personnes à réunir près de 62’000 francs sur WeMakeIt pour permettre à un paysan des Grisons d’acheter une ferme. Cette dimension de proximité est si importante que la plateforme a introduit un bouton «recherche» qui permet de filtrer les projets en fonction de leur localisation géographique.
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ENCADRE

Un sauna financé par des contributeurs

Lorsque Louis Papadopoulos, le patron du Maya Boutique Hôtel en Valais, a décidé d’installer un sauna photovoltaïque au milieu des prés, il s’est tourné vers le crowdfunding. Son appel, posté sur le site 100-Days, lui a permis de récolter 23’000 francs en moins de quatre mois, de la part de 64 contributeurs. Vincent Grèzes, adjoint scientifique au sein de l’Institut Entrepreneuriat & Management de la HES-SO Valais-Wallis HEG, a analysé leurs motivations. «La plupart des donateurs avaient envie de participer au développement local de leur région, à un projet qui se déroulait à côté de chez eux», note-t-il, précisant que 50% étaient des résidents locaux. Ils ont aussi apprécié les contreparties. «Le montant le plus souvent choisi a été celui de 300 francs, car il donnait droit à une nuitée gratuite à l’hôtel», précise-t-il. Un quart des fonds a été fourni par des entreprises du cru. «Elles y ont vu un moyen d’accroître leur visibilité, puisque leur nom sera affiché sur le sauna», note-t-il. Certaines ont d’ailleurs choisi de participer en offrant des prestations en nature.
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Une version de cet article est parue dans la revue Hémisphères (no 10).

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