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Le carnaval de tous les dangers

Syndrome de Cologne oblige, des initiatives qui entendent «éduquer les migrants» voient le jour. Une manière pas toujours judicieuse de traiter le problème, même dans un pays où, quoi qu’on en pense, existe un consensus politique très favorable à l’immigration.

Bientôt carnaval. Non il ne s’agit pas d’un cri d’impatience, bien compréhensible au fond du trou et du creux de janvier. Plutôt d’un appel à la vigilance.

Car le canton de Lucerne est inquiet. Avec tous ces requérants et autres réfugiés qui, semble-t-il, syndrome de Cologne oblige, tiennent mal l’alcool, mieux vaut, n’est-ce pas, envisager le pire. Et organiser dans les 13 centres de requérants que compte le canton, une campagne d’information qui pourrait se résumer à «touche pas à nos femmes, camarade migrant».

Les choses ne sont évidemment pas dites exactement comme cela. On parlera plutôt de «sensibilisation contre le harcèlement sexuel» — en attendant le module «viols et tournantes»? En bref il s’agit, selon une des responsables de la campagne, «d’expliquer aux migrants quels comportements envers les femmes ne sont pas admis ici».

Sans tomber dans un universalisme à relents coloniaux, notons que ce «ici» laisse assez fâcheusement entendre qu’ailleurs, ce genre de broutilles ne poseraient pas de problème. Que ces gens-là auraient un peu «ça» dans le sang et la culture. Harceler, importuner, tripoter, et plus si mésentente. Il apparaît donc que ce genre d’initiatives réussit l’exploit d’à la fois stigmatiser des populations en leur supposant des prédispositions au viol, et en même temps à excuser, en les présentant comme des particularités culturelles, des comportements avant tout crapuleux.

Le sous-entendu est d’autant plus ambigu que, de l’aveu de la même responsable lucernoise, le canton ne connaît «pas de problèmes d’agression de la part des requérants d’asile». Alors pourquoi? C’est très, et même trop simple: «Face à l’inquiétude de la population, nous souhaitons agir préventivement.» Les effets sans doute de la propagande UDC à journée faite, venant rappeler que dans son être même, le migrant est une menace en soi.

Il faut dire que le camp d’en face, celui des pro-migrants, peine à allumer des contre-feux efficaces. Un camp pourtant ultra majoritaire face à l’UDC puisqu’il regroupe, pour des motifs différents, les forces de gauche et la droite libérale.

Les uns expliquent que les migrants sont les bienvenus au nom de grands principes comme la solidarité, le devoir d’humanité ou encore la richesse promise du multiculturalisme. Le problème, c’est que les grands principes, à l’égal des grandes douleurs, sont souvent muets ou du moins ne parlent pas à grand monde. Sans compter que les mêmes qui répètent à l’envi qu’il n’existe pas de choc de civilisations sont les premiers à militer pour des mesures éducatives à l’encontre des migrants. Le message en ressort d’autant plus brouillé.
Les autres justifieront l’accueil des migrants par un pragmatisme qui ne cache pas son intéressement. L’économie en a besoin ainsi que l’équilibre de nos systèmes de prévoyances. A cet aune, et pour caricaturer, dans un jeune violeur, on serait prêt à voir plutôt le jeune que le violeur. Le sauvetage de l’AVS serait à ce prix.

En réalité, il existe un consensus politique écrasant en Suisse pour l’accueil de nombreux migrants, même si cela ne se voit pas, et au risque de mettre en péril le bon déroulé de nos carnavals. Peut-être en raison de la certitude que le prix à payer pour l’option inverse serait gigantesque, pas seulement en matière économique, mais également sociétale.

C’est ce qu’exprimait récemment en tout cas, dans une diatribe peu nuancée, à sa façon, l’avocat genevois Charles Poncet dans l’Hebdo: «Si l’on veut fermer les frontières, il faut aussi faire des enfants! Et en faire beaucoup! Veut-on interdire à nouveau la contraception et l’avortement? Renvoyer les femmes au foyer et récompenser celles qui, dûment soumises à leurs maris, porteront sept ou huit bambins? Car il faut que ce soit l’un ou l’autre.»

En attendant, bon carnaval.