GLOCAL

Plus égal que moi tu meurs

La maladroite initiative du PDC sur la fiscalité du mariage déclenche une vaine lutte d’intérêts catégoriels. A l’image de ce qu’est devenue, trop souvent, la politique.

Egalité des droits contre égalité des droits. C’est à ce combat absurde que se livrent partisans et adversaires de l’initiative du PDC dite «Pour l’égalité fiscale du mariage». La faute très largement au PDC qui a réussi à dénaturer un combat à première vue tout ce qu’il y avait d’honorable.

Qui pourrait soutenir en effet, sans tomber dans la mauvaise foi la plus crasse, qu’il serait juste et normal que les couples mariés paient plus d’impôts et touchent moins d’AVS que leurs homologues concubins? Cela fait d’ailleurs plus de trente ans que le Tribunal fédéral a pointé cette évidente inégalité de traitement.

Mais voilà, le PDC s’est laissé rattraper par ses vieux démons de sacristie. Dicté son texte par ses idéologues de fond de vallée encore très influents semble-t-il au sein d’un parti prétendument centriste. Avoir voulu rajouter une définition particulièrement fermée du mariage, — «l’union durable et réglementée par la loi d’un homme et d’une femme» — ne relève pas seulement de l’idéologie la plus raide mais surtout d’un sens politique voisin du néant.

A quoi peut bien servir de présenter un texte si c’est pour aussitôt le rendre illisible? A quoi rime de vouloir effacer une injustice si c’est pour aussitôt en décréter une autre? Pour le seul plaisir d’asséner sa petite vérité absolue, comme transmise du haut des cieux? Le PDC paraît avoir oublié que l’on n’était pas au catéchisme mais en politique. Qu’un minimum de flaire tactique n’a jamais nuit à personne, que, comme le susurrait le Machiavel de la cinquième république, «il n’est pas interdit d’être habile».

Etonnante faute de la part d’un parti qui se prétend à longueur de législature l’arbitre serein et modéré des vains combats de chapelle. Et qui ne pouvait pas ne pas savoir qu’avec sa vision restrictive du mariage il attirerait contre son texte les foudres d’une bonne partie de la gauche, et de toutes les associations LGBT ainsi que les modernistes de la droite libérale. Et se retrouverait seul avec les grenouilles du parti évangélique et les corbeaux de l’UDC.

Le futur ex-président du PDC Christophe Darbellay se dédouane un peu facilement en soutenant que ce sont «deux éminents juristes» qui ont préparé ce texte et que les opposants «prennent un point de détail et en font une montagne». Cette dernière saillie rajoute de la maladresse à l’inhabileté et ne pouvait être que prise pour une provocation par les dits opposants et tous ceux qui militent pour l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe. Et elle l’a été sur l’air, «Non M. Darbellay, l’égalité des droits n’est pas un «point de détail».

Dans ce combat droit contre droit, AVS et impôt pour tous contre mariage pour tous, les arguments des uns ne volent pourtant pas toujours tellement plus haut que ceux des autres. La coprésidente des Verts Adèle Thorens fait ainsi tranquillement dire au texte du PDC ce qu’il ne dit pas absolument pas: «Le modèle du mariage comme communauté de vie indissociable, impliquant une répartition traditionnelle et figée des tâches ménagères et familiales entre le mari et sa femme, est dépassé».

Quant à l’argument massue pointant le coût d’une telle initiative — entre 1,2, et 2,3 milliards de manque à gagner fiscal et une charge supplémentaire d’environ 2 milliards pour l’AVS — , on pourra s’amuser de voir des partis et des associations d’ordinaire pas si soucieuses de la santé des finances publiques, se muer soudain en pères-la-rigueur.

Bref, le débat est à degré d’enlisement maximal. C’est ce qui arrive généralement quand la politique se réduit, comme cela semble être de plus en plus le cas, à la défense de droits catégoriels.