KAPITAL

Gait Up, la start-up qui lit dans les pas des seniors

L’entreprise lausannoise a développé un dispositif qui permet de diagnostiquer le risque de chutes chez les personnes âgées. Après avoir fait ses preuves en Suisse romande, elle compte désormais s’attaquer au marché américain.

L’épée de Damoclès de la personne âgée? Le risque de chute. Dès l’âge de 65 ans, 25% des personnes vivant à domicile et 39% de celles habitant en établissement médico-social (EMS) chutent au moins une fois par année. Selon l’Office fédéral de la statistique, ces chutes entraînent des fractures dans presque la moitié des cas.

C’est à la prévention de ces accidents que s’intéresse la start-up Gait Up, basée sur le campus de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL): elle a développé un dispositif capable d’étudier la marche d’une personne à l’aide de capteurs électroniques. «A partir d’une analyse de 10 mètres de marche, nous arrivons à détecter précisément les personnes à risque de chute, précise Benoit Mariani, fondateur et CEO de l’entreprise. Grâce à notre appareil, un médecin va pouvoir identifier un éventuel risque et prescrire la thérapie adaptée pour corriger la démarche du patient.» L’analyse peut aussi aider à diagnostiquer la maladie de Parkinson — lorsqu’il existe beaucoup de variations et de décalages entre les pas — ou à suivre le processus de convalescence à la suite d’une opération au genou.

Née en 2013 à la suite du projet de thèse de Benoit Mariani, la société a connu un succès immédiat auprès de cliniques et de laboratoires de recherche. La jeune entreprise de 8 salariés compte à présent 49 clients — dont la moitié en Suisse — et a vendu 350 dispositifs, composés d’un logiciel et de capteurs propriétaires. Son chiffre d’affaires devrait atteindre la barre du million de francs en 2015. D’ici à deux ans, Benoit Mariani souhaite ouvrir un bureau aux Etats-Unis, un marché clé du secteur de la gérontechnologie — soit l’ensemble des avancées techniques qui permettent aux personnes âgées de garder leur autonomie.

L’arc lémanique à la pointe

Selon Luigi Corrado, directeur de l’Imad — l’institution genevoise de maintien à domicile — et spécialiste en gérontechnologie, la Suisse romande s’affiche à la pointe de ce secteur en pleine croissance: «Les cantons de Genève et Vaud regroupent 36% des appareils de téléassistance pour personnes âgées installées en Suisse. Ces systèmes qui se déclenchent via un émetteur porté par la personne proposent, selon les modèles, un contact direct soit avec une centrale médicale soit avec des proches et les avertissent en cas d’urgence.»

Longtemps délaissé par les entrepreneurs, le marché des seniors suscite à présent un vif intérêt; le vieillissement de la population et la pénurie de professionnels de la santé le rendent extrêmement attractif, estime Luigi Corrado. «En Suisse, la prochaine génération de personnes âgées disposera de davantage de moyens matériels que les précédentes. Elles seront par ailleurs de plus en plus à l’aise quand il s’agira d’utiliser des appareils électroniques au quotidien pour faciliter leur autonomie.»

Benoit Mariani livre une analyse semblable: «A première vue, la gérontechnologie n’est pas un secteur très gratifiant. On ne sauve pas les gens, on contribue seulement à prévenir le risque et à rallonger la vie de quelques années. C’est aussi un domaine où on touche à beaucoup de champs complexes en même temps: la démence, Parkinson ou encore les problèmes d’isolement et de mobilité.» C’est pendant ses études au laboratoire de mesure et d’analyse du mouvement de l’EPFL qu’il s’est rendu compte du potentiel de ce marché.

Mais Gait Up ne se limite pas au domaine médical. La société a développé d’autres logiciels qui permettent aux professionnels de la course de choisir les chaussures qui correspondent le mieux à leur rythme, toujours en se basant sur l’analyse de la marche. Benoit Mariani est aussi en train de prospecter auprès des marques horlogères pour intégrer dans un avenir proche sa technologie dans leurs modèles de montres connectées.
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Une version de cet article est parue dans PME Magazine.