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Le retour des sorcières

Des gamins fanatiques qui refusent de serrer la main de leur enseignante. Un parti qui prône un modèle outrageusement traditionnel du rôle de la femme. Oups, «la préhistoire est devant nous», comme dirait le poète.

Etre femme et UDC, c’est un peu comme être un poisson dans le désert. Vous y êtes les bienvenues mais après, débrouillez-vous. Surtout que le parti n’a jamais rechigné à promouvoir le fameux modèle KKK — Kinder, Küche, Kirche, enfants, cuisine, église. Programme certes respectable mais qui manque tout de même d’un peu de perspective, si l’on veut bien faire l’effort, pendant une seconde, d’adopter un point de vue féminin.

Des femmes pourtant, on en trouve à l’UDC et même des femmes de talent et d’influence, telle la Zurichoise Natalie Rickli. Quant à les imaginer conseillères fédérales, ou présidentes de parti, il ne faut pas pousser. KKK, et les vaches seront bien gardées, comme dirait l’agriculteur et big boss du parti Toni Brunner. Lequel, sur le point de remettre son mandat, sera évidemment remplacé par un homme, dont le nom sonne déjà comme une invitation à préparer le souper: Albert Rösti. Ouste, aux fourneaux, les donzelles.

C’est dans ce contexte plutôt que l’UDC a décidé de faire ce petit caprice: supprimer sa section «Femmes UDC Suisse». De quoi ulcérer la présidente de «Femmes UDC romandes», la conseillère nationale Alice Glauser qui reconnaît pourtant que cette ulcération-là ne trouve beaucoup d’écho, y compris «auprès de collègues féminines et de la direction du parti».

À preuve, Céline Amaudruz. La bouillante Genevoise est la future vice-présidente romande de l’UDC. Enfin une femme, dira-t-on. Sauf que elle, cette histoire de suppression de la section féminine, elle déclare «ne pas en faire une priorité».

Petite consolation pour les «Blochériennes»: la section «Seniors» est également appelée à disparaître. Les papis (les mamies, on en parle même pas) peuvent toujours, c’est vrai, donner un coup à la cuisine, ou garder les enfants, si pas prier pour toute la famille.

Autre femme d’influence à l’intérieur de l’UDC, Silvia Bär, secrétaire générale adjointe, fait valoir, non sans raison, que la politique ne gagne pas grand chose à être sexuée à outrance. «Quand on parle d’asile par exemple, quelle différence existe-t-il entre les hommes et les femmes?» C’est vrai ça, foin du genre: tout le monde dehors.

Bref en supprimant sa section femmes, l’UDC semble se mettre simplement en accord avec ses propres principes. La fermeture, par exemple, des bureaux de l’égalité figure à son programme. Plutôt qu’une politique de genre, les agrariens préfèrent un combat en faveur de «l’être humain, la famille et la communauté». Qui le leur reprochera?

L’UDC semble d’autant tentée par ce petit affront fait aux femmes que l’électorat féminin lui reste très fidèle, malgré, ou à cause diraient certains, cette valorisation assez rigide du rôle traditionnel de la femme dans la société. Le KKK n’est pas qu’un dictat patriarcal, il a aussi ses partisanes enthousiastes. Comme il y a des femmes, n’en doutons pas, qui portent le voile islamique avec enthousiasme et reconnaissance.

Et puis avant de qualifier l’UDC de phalange outrageusement passéiste, on pourrait se demander si, au contraire, elle ne se situe pas, avec son machisme de comices agricoles, ou d’hommes des bois, comme on voudra, aux avant-postes d’une tendance lourde. D’une dérive appelée à se faire courante, si on n’y prend garde. Dans un pays déjà où des garnements prétentieux et fanatiques se sont vus accorder le droit de ne pas serrer la main de leur enseignante au nom de convictions religieuses.

On croyait en avoir fini depuis longtemps avec la chasse aux sorcières. Avec ces procès en impureté. On se trompait peut-être. C’était peut-être le vieux bagnard Chappaz qui avait raison, lui qui se fendait, dans les Maquereaux des cimes blanches, tout juste réédités par les éditions Zoé, de cette inquiétante prophétie: «La préhistoire est devant nous».