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«Je chasse les virus à travers le monde»

Le chercheur chinois Patrick Woo est l’un des premiers à s’être lancé dans la découverte de nouvelles souches virales. Il décrypte les enjeux de son travail.

Professeur au sein du Département de microbiologie de l’Université de Hong Kong, Patrick Woo s’est donné pour mission de découvrir de nouveaux virus capables de passer de l’animal à l’homme. Il a fait partie de l’équipe qui a découvert le virus du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) à l’origine d’une épidémie en 2003. Il raconte sa quête, alors que le H5N6, un nouveau virus mortel de la grippe, fait ses premières victimes en Chine. Interview.

Comment cherchez-vous de nouveaux virus?

Je parcours Hong Kong, la Chine et d’autres pays à la recherche d’échantillons animaliers et humains à analyser en laboratoire. Je me focalise sur les coronavirus, (une famille comptant un grand nombre de virus qui peuvent provoquer des maladies très diverses chez l’homme, ndlr), ce qui me pousse à privilégier les espèces porteuses de ce genre de virus, comme les chauves-souris. Je concentre en outre mes efforts sur les animaux qui sont le plus en contact avec les humains. Il arrive aussi qu’un hôpital m’avertisse lorsqu’il a un patient avec une pneumonie dont la cause virale n’a pas pu être identifiée par les examens de laboratoire, car elle ne ressemblait à aucun virus connu. On va alors prélever un échantillon sur ce malade pour l’analyser.

Comment analyse-t-on ces échantillons?

Il y a deux façons de les étudier. La première consiste à utiliser une technologie moléculaire traditionnelle. On va se servir d’une séquence d’ADN hautement conservée pour amplifier certains fragments du génome du virus. Cela permettra de séquencer ces morceaux d’ADN. Une autre approche plus récente, la métagénomique, a pour but de séquencer l’ensemble du matériel génétique contenu dans l’échantillon qui nous intéresse. Dans les deux cas, on va ensuite confier ces séquences d’ADN à un ordinateur pour qu’il les analyse et examine si on a affaire à un nouveau virus ou pas.

Comment procède-t-il pour repérer un nouveau virus?

L’ordinateur va comparer l’ADN contenu dans nos échantillons aux génomes de tous les virus connus. Ceux-ci sont répertoriés dans une base de données américaine appelée Gene Bank, ouverte à tous les chercheurs qui souhaitent y introduire une nouvelle séquence d’ADN. Cette analyse livrera une liste de virus dont le génome est semblable à celui de nos échantillons, ainsi que le pourcentage de similitude. A nous de déterminer si celui-ci est suffisamment bas pour affirmer qu’on se trouve bien en présence d’un nouveau virus.

Pouvez-vous nous donner un exemple de découverte récente?

Suite à l’émergence du coronavirus lié au syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS), j’ai décidé de me rendre à Dubaï pour récolter des échantillons sur les chameaux, l’animal à l’origine de la transmission à l’homme de ce nouveau virus. Leur analyse nous a permis de découvrir toute une série de nouveaux virus chez les chameaux. L’un d’entre eux provoque une forme d’hépatite E. Peu de temps après, un cas de cette maladie a été rapporté à Singapour auprès d’une personne qui avait subi une transplantation du foie. Or, ce patient consommait régulièrement du lait et de la viande de chameau. Il est impossible d’affirmer, à ce stade, s’il existe une corrélation entre ce comportement et l’hépatite qu’il a développée, mais nous le soupçonnons.

Vous avez contribué à la découverte du virus du SRAS. Racontez-nous comment vous avez procédé.

Lorsque l’épidémie est apparue il y a 12 ans, nous n’en connaissions pas la cause. Nous nous sommes alors mis à travailler sur des échantillons récoltés sur plusieurs patients affectés par cette maladie, notamment sur un homme qui s’était rendu à Hong Kong après avoir l’avoir contractée en Chine. Nous avons cultivé le virus contenu dans son échantillon sous forme de lignée de cellules. Cela nous a permis d’établir qu’il s’agissait d’un nouveau coronavirus, puis de déterminer sa structure génétique.

Quelles ont été les conséquences de cette avancée?

Au moment de l’émergence du SRAS, peu de chercheurs travaillaient sur la découverte de nouveaux virus. La culture du pathogène en laboratoire était la seule méthode à disposition à cette époque. Or celle-ci est lente et peu efficace. Certains virus sont très difficiles à cultiver sous forme de lignée de cellules, car ils ont besoin d’un organisme pour se reproduire. Mais suite à cette épidémie, les scientifiques se sont rendu compte qu’il y avait encore énormément de virus dont on ignorait l’existence et ont développé des outils moléculaires et métagénétiques, plus performants, pour les répertorier. Le nombre de nouveaux virus découverts a alors explosé. Avant 2003, on ne connaissait que deux coronavirus humains, découverts dans les années 60. Mais rien qu’en 2004 et 2005, on en a trouvé deux autres, dont un à l’Université de Hong Kong.

Où se trouvent les principales lacunes dans notre connaissance?

Du côté des coronavirus. Avant le SRAS, on n’avait séquencé le génome que d’une dizaine de ces pathogènes. Entre 2003 et aujourd’hui, on en a découvert 20 à 30 autres. Mais on n’en connaît encore qu’une infime portion…

Sait-on comment les virus font pour passer de l’animal à l’homme?

Oui. Le matériel génétique d’un virus évolue constamment, par mutations ou par recombinaisons. Parfois, ces transformations débouchent sur la modification des protéines contenues en son sein: elles développent la capacité de s’arrimer aux récepteurs d’une cellule humaine et la transmission de l’animal à l’homme devient possible. Il arrive aussi que ce saut entre les espèces passe inaperçu. On a l’impression d’avoir affaire à un nouveau virus, alors qu’il se transmet à l’homme depuis belle lurette. C’est le cas des deux nouveaux coronavirus humains découverts en 2004 ou 2005.

Comment fait-on pour passer à côté d’un élément d’une telle importance?

On ne sait de loin pas tout ce qui se passe dans nos hôpitaux et encore moins dans la population. Le virus à l’origine d’une pneumonie est identifié dans moins de la moitié des cas. Dans les autres, on ignore ce qui a causé la maladie. Comme le patient s’en remet en général, on n’investigue pas plus loin. Or, la plupart de ces pneumonies mystères sont sans doute causées par des virus qui n’ont pas encore été répertoriés.

Et une fois un nouveau virus découvert, que peut-on faire?

Cela dépend du virus. S’il se contente d’infecter les animaux, sans doute rien. En revanche, si on a affaire à un virus très pathogène pour l’homme, on va l’étudier pour comprendre comment il se transmet, comment il suscite la maladie et quels types de symptômes il provoque. A terme, cela devrait nous permettre de développer un traitement et des outils diagnostiques ou de prévention.

Avez-vous un exemple?

Il y a dix ans, nous avons découvert un nouveau coronavirus humain à l’Université de Hong Kong, intitulé HKU1, qui était très proche du virus de l’hépatite chez la souris. Des chercheurs d’autres pays ont alors commencé à le chercher dans leurs populations. On l’a trouvé notamment aux Etats-Unis, en Australie et en France. Cette large distribution géographique a motivé la recherche d’un traitement et d’un diagnostic pour ce virus.

Comment prévenir la diffusion d’un nouveau virus?

Lorsqu’il n’existe pas de vaccin ou de traitement prophylactique, la seule manière de s’en prémunir est de limiter l’exposition aux vecteurs de la maladie. Par exemple, si on sait qu’un virus est transmis par un moustique, on va encourager la population à s’en protéger. De même, lors de l’épidémie de SRAS, les autorités ont initié une campagne pour convaincre les gens de ne plus manger certains animaux sauvages, comme les civettes, à l’origine de nombreuses infections. Et lors de l’épidémie de H5N1 en 1997, le gouvernement hongkongais a fait abattre tous les poulets de la ville.

Que sait-on du nouveau virus de la grippe H5N6?

On en sait encore très peu, car les premiers cas ont tout juste commencé à apparaître. Il est encore trop tôt pour déterminer comment il évolue chez l’humain et avec quelle rapidité. On ignore aussi quel est son réservoir animal.

Comment ce nouveau virus de la grippe est-il né?

Le génome du virus de la grippe est segmenté, c’est-à-dire qu’il se compose de huit morceaux d’ADN différents, contrairement à celui des coronavirus qui est d’une seule pièce. Il arrive donc fréquemment que deux virus de la grippe s’échangent des bouts de matériel génétique lorsqu’ils infectent la même cellule. Par exemple, si le virus H1N1 rencontre le virus H2N3, ils pourraient s’échanger de l’ADN et former un virus H1N3, qui serait alors un nouveau virus. Ce phénomène de recombinaison génétique se passe fréquemment chez les oiseaux, qui sont le réservoir naturel de la grippe. Et parfois, le nouveau virus qui naît de ces échanges peut se transmettre à l’homme, comme H5N6.

Tant le H5N6 que le SRAS et le H5N1 sont apparus dans le sud de la Chine. Y a-t-il une raison pour cela?

PW On n’a pas de certitudes, seulement des hypothèses. L’une d’entre elles a trait aux habitudes alimentaires de la population dans le sud de la Chine. Elle mange beaucoup de viande, mais privilégie les aliments frais. Cela signifie que les marchés dans cette partie du monde abritent énormément d’animaux vivants, ce qui multiplie les risques de contacts entre l’homme et le règne animal et donc les possibilités de transmission d’un virus entre les espèces.

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous intéresser à la découverte de nouveaux virus?

Lorsque j’ai rejoint le Département de microbiologie de l’Université de Hong Kong, il y a 20 ans de cela, je me suis consacré à l’étude des infections sur les patients ayant subi une transplantation de la moelle osseuse. Un jour, je suis tombé sur une bactérie que nous ne parvenions pas à identifier. J’ai donc décidé d’utiliser une méthode moléculaire pour la répertorier. Cela m’a donné envie de partir à la recherche d’autres bactéries nouvelles. Je me suis servi pour cela des multiples échantillons entreposés à l’hôpital, récoltés sur des patients infectés par un pathogène inconnu. Ces «archives» m’ont permis de découvrir 10 à 20 nouvelles bactéries. Et lorsque l’épidémie de SRAS a frappé en 2003, j’ai troqué les bactéries pour les virus.
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BIOGRAPHIE

En 1997, Patrick Woo rejoint le Département de microbiologie de l’Université de Hong Kong. Huit ans plus tard, il identifie le rhinolophe, une espèce de chauve-souris présente en Chine, comme la source de l’épidémie de SRAS, et découvre le HKU1, un coronavirus humain qui provoque des pneumonies. En 2013, il se rend à Dubaï pour prélever des échantillons sur des chameaux, ce qui lui permettra d’identifier cinq nouveaux virus. Il répertorie une autre sorte de coronavirus en 2014, découverte chez le dauphin.
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Une version de cet article est parue dans In Vivo magazine (no 8).

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