LATITUDES

L’énigmatique cancer du pancréas

Les tumeurs pancréatiques résistent souvent aux traitements oncologiques traditionnels. Chercheurs et médecins se mobilisent pour trouver de nouvelles stratégies.

L’énoncé de son nom suscite l’effroi. A juste titre: le diagnostic du cancer du pancréas est le plus souvent réalisé à un stade avancé de la maladie et la survie à 5 ans n’est que de 5% en moyenne pour sa forme la plus répandue (l’adénocarcinome pancréatique), selon la Ligue suisse contre le cancer. Il est pratiquement indétectable et résiste aux traitements traditionnels. Il n’est pas le cancer le plus répandu, mais le nombre de cas est en constante augmentation en Suisse, en Europe et aux Etats-Unis. Selon Anna Wagner, responsable des consultations au Département d’oncologie UNIL-CHUV, l’augmentation de l’âge de la population mais aussi l’obésité, le diabète de type II et le tabac en sont les causes principales.

Des tumeurs imprévisibles

Pour réduire la progression et la taille des tumeurs, les stratégies oncologiques classiques sont la chimiothérapie et la radiothérapie. Elles sont d’efficacité limitée contre l’adénocarcinome pancréatique. «Les tumeurs forment rapidement une charpente très dense faite de vaisseaux sanguins et de tissus conjonctifs (le stroma), une véritable protection contre les traitements», indique George Coukos, chef du Département d’oncologie UNIL-CHUV et directeur du Ludwig Institute for Cancer Research de Lausanne.

De plus, les cellules pancréatiques tumorales ont une capacité rapide à croître et à former des métastases: «Elles changent constamment leur carte d’identité et mutent en cours de traitement, ajoute Nicolas Demartines, chef du Service de chirurgie viscérale du CHUV. Elles sont imprévisibles!» Anna Wagner rappelle que des progrès importants ont été réalisés ces dernières années, notamment avec l’introduction de combinaisons de chimiothérapies comme le protocole «Folfirinox» qui a permis de doubler la survie des patients métastatiques. Toutefois, «les chances de guérison ne sont pas améliorées», nuance George Coukos.

La chirurgie progresse

Il est possible de vivre sans pancréas puisque ses fonctions peuvent être suppléées artificiellement, par prise orale des enzymes pancréatiques nécessaires à la digestion et par injection de l’insuline indispensable à la régulation du taux de glycémie. Alors, pour quelles raisons la chirurgie n’arrive-t-elle pas à bout des tumeurs pancréatiques? Selon Nicolas Demartines, c’est d’abord parce que le pancréas est richement vascularisé. De plus, les nombreux organes, veines et artères qui l’entourent ne facilitent pas le geste du chirurgien. «La chirurgie du pancréas est très lourde et inclut en partie l’ablation d’autres organes. La moitié des interventions souffre de complications postopératoires, même si la plupart sont maîtrisées», précise-t-il. Selon l’Institut de recherche sur le cancer (CRI), basé à New York, près de 80% des tumeurs du pancréas sont inopérables. Les raisons: leur diagnostic trop tardif dû à l’absence de symptôme spécifique au stade précoce de la maladie.

Nicolas Demartines se veut pourtant optimiste: «La médecine a progressé dans le dépistage. Certaines lésions du pancréas pouvant donner lieu à de futurs cancers sont mieux repérées grâce à l’imagerie. Elles sont retirées par chirurgie avant même l’apparition d’une tumeur, la survie est alors excellente.»

Les techniques chirurgicales sont également en progression: l’électroporation, par exemple, permet de tuer les cellules cancéreuses en préservant les vaisseaux sanguins. «La survie à cinq ans atteint 15 à 35% pour les cas opérés et des survies à long terme existent aujourd’hui», se réjouit-il.

La piste de l’immunothérapie

Les progrès actuels de la médecine sont donc à même de prolonger la vie des malades. Doit-on toutefois se résigner à ne jamais guérir du cancer du pancréas? A travers le monde, plusieurs initiatives se mettent en place pour comprendre davantage son mécanisme et développer de nouvelles voies de traitements. Parmi elles figure l’immunothérapie, qui s’est déjà révélée efficace pour d’autres cancers. Cette approche propose d’utiliser le système immunitaire pour vaincre les tumeurs. Il y aurait près de 40 études cliniques internationales en cours, selon le CRI. L’entreprise NewLink Genetics développe par exemple un vaccin qui, combiné à une chimiothérapie, semble prometteur puisqu’il vient d’entrer en troisième phase clinique.

A Lausanne, «des protocoles d’immunothérapie pour les patients résistant à la chimiothérapie seront ouverts dès 2016 et des vaccins personnalisés seront disponibles», précise George Coukos. Le spécialiste indique que «des recherches supplémentaires sont encore nécessaires pour améliorer l’efficacité de l’immunothérapie face au cancer du pancréas». La recherche progresse à petits pas prudents dans tous les secteurs, donc, laissant déjà entrevoir des avancées non négligeables.
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Une version de cet article est parue dans In Vivo magazine (no 8).

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