LATITUDES

La Suisse face aux catastrophes naturelles

Sécheresse, crues ou glissements de terrain: le réchauffement climatique produit ses effets en Suisse. Mais les risques environnementaux pesant sur le pays ont aussi d’autres origines.

Les Suisses se croient souvent à l’abri des risques naturels. Mais ils pourraient bien avoir tort. Le réchauffement est 1,6 fois plus élevé dans le pays que dans le reste de l’hémisphère Nord, selon MétéoSuisse. Des modèles montrent une hausse de la température comprise entre 0,5 et 3,6°C d’ici à 2060, selon le scénario d’émissions retenu. Les experts tablent sur une augmentation des vagues de chaleur et des sécheresses. Les fortes précipitations seront également plus fréquentes, mais les chutes de neige diminueront. Au-delà de ces grandes tendances, l’impact réel du changement climatique reste incertain, car les risques environnementaux qui pèsent sur la Suisse ont aussi d’autres origines.

Le phénomène affecte par exemple la gestion de l’eau. «C’est une question centrale, notamment en milieu urbain, où le nombre de personnes exposées au danger est plus grand», souligne Florent Joerin, directeur de l’institut G2C de la Haute Ecole d’Ingénierie et de Gestion du Canton de Vaud — HEIG-VD. Il étudie les risques liés au changement climatique dans les villes. «Cela modifie toute la dynamique des eaux urbaines, explique-t-il. Elles souffriront à l’avenir plus souvent d’un manque ou d’un surplus d’eau. Il s’agit donc de retenir l’eau lorsqu’elle fait défaut et de l’évacuer quand elle est trop abondante.»

Que sait-on du risque d’inondation? Sans accès à la mer, la Suisse ne craint pas la montée des eaux. «Mais la plupart des experts prévoient une hausse de la fréquence et de l’intensité des crues des cours d’eau», indique David Consuegra, professeur d’hydraulique et d’hydrologie à la HEIG-VD. Ce risque augmente considérablement la possibilité de dégâts matériels à la suite de crues. D’après ce critère, les inondations représentent même le premier risque environnemental en Suisse, selon une étude de Swiss Re. 70% des dommages causés par des événements naturels leur sont attribués.

Une vague de 40 mètres de haut

La rupture d’un barrage représente également un risque lié au changement climatique. Selon Alexandre Caboussat, chargé d’enseignement à la Haute école de gestion de Genève — HEG-GE, «une hausse des températures peut faire augmenter la probabilité d’un glissement de terrain. Quand de la matière chute dans un lac de barrage, elle peut provoquer de grandes vagues qui peuvent passer par-dessus le barrage et occasionner des inondations en aval.»

L’expert estime cependant que «la Suisse est pour l’instant à l’abri d’une telle catastrophe». On dénombre près de 160 ouvrages dans le pays: aucun n’a rompu jusqu’à présent. Il faut espérer que cela n’arrive jamais, au vu des simulations numériques réalisées par Alexandre Caboussat. Le chercheur a listé différents scénarios en cas de rupture du barrage de la Grande-Dixence. S’il cassait intégralement avec un lac plein (400 millions de mètres cubes d’eau), la vague qui se déverse sur Sion pourrait atteindre 40 mètres de haut et gagner la ville en huit minutes. La vitesse maximale de l’eau atteindrait jusqu’à 120 mètres par seconde.

Reste que le changement climatique n’affecte pas tous les risques naturels dans une même mesure. Il en va ainsi du risque d’avalanche, peu influencé par l’augmentation de la température mondiale. La raison? «Les coulées de neige se déclenchent pour la plupart à des altitudes où la température reste négative», explique le nivologue Robert Bolognesi. L’ensoleillement joue en revanche un rôle important: au printemps, il conduit à l’humidification de la neige, augmentant ainsi le risque d’avalanche en cours de journée. Un fléau responsable d’environ 25 décès par année en Suisse.
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ENCADRE

Le risque sismique présent en Valais

Les tremblements de terre d’une magnitude égale ou supérieure à 6 ne surviennent que tous les 50 à 100 ans en Suisse. Mais le Valais fait exception: il est considéré comme une «zone particulièrement menacée». Le canton vient d’ailleurs de se doter d’un centre pédagogique de prévention des séismes (CPPS). Le site comprend notamment un simulateur de séismes capable de reproduire des vibrations jusqu’à une puissance de 7 sur l’échelle de Richter. «Ce centre permet de réaliser de la prévention sismique auprès des enfants, explique Anne Sauron, responsable du CPPS et professeure à la Haute Ecole d’Ingénierie — HEI. Si l’on est bien préparé, les conséquences sont souvent moins dramatiques.» A terme, le centre souhaite accueillir régulièrement des classes pour que les élèves s’entraînent et développent des automatismes. On leur conseille par exemple de ne pas placer un téléviseur trop en hauteur dans une chambre à coucher.
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Une version de cet article est parue dans la revue Hémisphères (no 11).

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