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Nouveaux matériaux, nouveaux records

Les résultats sportifs dépendent de plus en plus des matériaux que les athlètes utilisent. Aluminium, carbone, bambou… que la meilleure technologie gagne.

Pour comprendre l’énorme impact de la technologie sur le sport, il suffit de se souvenir des épreuves de natation aux Jeux olympiques de Pékin en 2008. Quelques mois avant leur lancement, le fabricant britannique de maillots de bain Speedo avait créé une nouvelle pièce intégrale: le LZR Racer. Ce dernier, fabriqué en polyuréthane plutôt qu’avec des tissus traditionnels, devait réduire la traînée du nageur et augmenter l’apport d’oxygène aux muscles. Son efficacité s’est révélée stupéfiante: à Pékin, les participants qui en étaient équipés ont raflé 94% des médailles d’or et battu de nombreux records du monde.

A la suite de ces résultats et des nouvelles performances réalisées grâce à des variantes du LZR Racer développées par d’autres fabricants, la Fédération internationale de natation a interdit les maillots intégraux en 2010. Les experts protestaient alors contre le «dopage technologique». Mais la natation est en réalité loin d’être le seul sport où la technologie influence considérablement les résultats, et ce de manière parfois controversée.

Des records du monde grâce à la fibre de verre

Steve Haake, ingénieur sportif à l’Université de Sheffield Hallam, au Royaume-Uni, a étudié l’influence de la technologie sur plusieurs sports olympiques au cours du siècle dernier. Le perfectionnement du matériel n’a amélioré que de 4% les performances des coureurs du 100 m. Celles du saut à la perche et du lancer de javelot ont en revanche grimpé de 30%. Ainsi, grâce aux perches en fibre de verre introduites dans les années 1960, le record du monde de saut à la perche a été battu 19 fois en dix ans, passant de 4,8 à 5,5 m.

Quant aux javelots, ils filaient si loin dans les années 1980 qu’ils menaçaient la sécurité du public. Les autorités ont alors décidé d’avancer leur centre de gravité de 4 cm, réduisant la distance maximale des lancers de 10%.

Le cyclisme n’a pas échappé à la tendance. Contrairement aux vélos en acier de la fin du XIXe siècle et ceux en aluminium de la seconde moitié du XXe, les cycles d’aujourd’hui sont fabriqués en une seule pièce de fibre de carbone. Dessinés à l’aide de programmes informatiques simulant la dynamique des fluides et testés en soufflerie, ils sont conçus pour un aéro­dynamisme optimal.

Des vélos en bambou

Veit Senner et ses collègues de la Technische Universität München cherchent à optimiser les cadres des vélos modernes, notamment pour améliorer la sécurité des VTT. Ils soumettent ces éléments en composite de carbone à des chocs violents en laboratoire. Cela leur permet d’observer, grâce à des imageries infrarouges, à ultrasons ou à rayons X, la séparation des couches internes de carbone, invisible à l’œil nu.

L’équipe allemande développe aussi un cadre pour vélos de course constitué principalement de bambou, un matériau recyclable, contrairement aux fibres de carbone. Grâce à un programme de tests exhaustif, ils ont rendu le cadre plus fort, plus rigide et plus robuste. D’après Veit Senner, de nombreuses innovations dans les technologies du sport combinent design et nouveaux matériaux. Il cite notamment les skis «paraboliques», introduits dans les années 1990. Par opposition aux skis traditionnels, plus ou moins rectilignes, les skis paraboliques sont plus étroits au milieu qu’aux extrémités afin de faciliter les virages. Le skieur fait simplement pivoter les skis sur leur tranche d’un mouvement des hanches et des genoux et applique une légère pression. De par leur courbure, les skis «sculptent» alors tout naturellement un arc dans la neige. «Les skieurs de haut niveau arrivaient à ce résultat avec des skis traditionnels, mais c’était impossible pour des amateurs», précise Veit Senner.

La réalisation de modèles paraboliques a nécessité de nouveaux matériaux à haute rigidité torsionnelle pour que les skis puissent tourner correctement. De la même manière, l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et la société suisse Stöckli, qui développent de nouveaux skis, cherchent à modifier les propriétés des matériaux et à calculer l’épaisseur relative et la géométrie interne de chaque couche de tissu (bois, polymère, aluminium, verre ou carbone). Pour Véronique Michaud, chercheuse à l’EPFL, l’idée est d’ajuster de manière indépendante deux propriétés des skis: leur flexibilité et leur rigidité torsionnelle. «Nous cherchons le compromis optimal entre la maniabilité dans les virages et la stabilité à grande vitesse», explique-t-elle.

Imiter les insectes

Les scientifiques veulent également aider les sportifs à perfectionner leur technique. Aux Pays-Bas, Josje van Houwelingen, physicienne à l’Université technique d’Eindhoven, tente d’améliorer les mouvements des nageurs de haut niveau en observant la dynamique de l’eau qui les entoure. Grâce à un système créant de petites bulles d’air au fond de la piscine, à six caméras et à un algorithme permettant de suivre les particules, elle peut étudier dans quelle mesure le passage du nageur affecte le mouvement des bulles.

La scientifique cherche notamment à déterminer si les nageurs pourraient produire des tourbillons permettant de renforcer leur propulsion, à l’instar des insectes qui se servent des vortex créés par le battement de leurs ailes. «Nous avons observé qu’en repoussant ces vortex, les insectes augmentent leur force propulsive, dit-elle. Peut-être que les nageurs pourraient en faire autant.»

Et ce n’est que le début. Les cyclistes pourraient bientôt bénéficier de vêtements en spray les gardant au sec et en sécurité sans les alourdir, de capteurs pour surveiller leurs changements physiologiques ou encore de pneus à changement de phase capables de s’adapter au terrain. Sans oublier les «technologies d’amélioration humaine». Oscar Pistorius, le coureur sud-africain amputé des jambes, a provoqué une controverse en utilisant ses prothèses dans une course non handisport. A l’avenir, les sportifs pourraient cependant utiliser des appareils biomédicaux et des prothèses non pas pour compenser un handicap, mais pour améliorer leurs capacités.
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Gagner par la science

Bien qu’elle ne possède pas d’accès à la mer, la Suisse a remporté deux fois la Coupe de l’America. Son secret: des solutions technologiques.

Les victoires du groupement suisse Alinghi à la Coupe de l’America ont mis en évidence les avantages des matériaux et des technologies de pointe pour les événements sportifs de haut niveau. Fondé par l’homme d’affaires Ernesto Bertarelli, Alinghi a battu la Nouvelle-Zélande en 2003 et en 2007, prouvant que même un pays enclavé comme la Suisse pouvait remporter la prestigieuse compétition de voile.

Pour Véronique Michaud, scientifique des matériaux à l’EPFL, ces victoires sont en partie dues aux membres de l’équipage d’Alinghi — la plupart débauchés de l’équipe de la Nouvelle-Zélande, à l’instar du capitaine Russell Coutts. Mais les bateaux y étaient eux aussi pour beaucoup. Pour optimiser la technologie, Alinghi a conçu, pour chaque course, deux bateaux aux designs légèrement différents. En l’an 2000, une vingtaine de chercheurs et d’étudiants de l’EPFL ont entamé des expériences et des simulations informatiques pour rendre les coques aussi résistantes et légères que possible. Pour perfectionner le gréement, ils ont également équipé les bateaux de fins capteurs à fibres optiques pour observer les changements de forme des mâts.

Leur travail a été récompensé lorsqu’en 2003 Alinghi a battu 5 à 0 la Nouvelle-Zélande, freinée par des problèmes techniques, notamment un mât brisé dans la quatrième course. Quatre ans plus tard, la victoire était moins aisée : Alinghi a triomphé 5 à 2 avec une marge de seulement une seconde à la dernière course. « A un tel niveau, la moindre amélioration peut faire toute la différence », assure Véronique Michaud.
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La médaille d’or des vidéos sportives

Usain Bolt a utilisé le logiciel d’analyse vidéo suisse Dartfish pour s’améliorer en vue des Jeux olympiques de 2012. Résultat: il a battu son propre record du monde. Plus de 120’000 athlètes, ayant remporté au total 3’000 médailles olympiques, utilisent le logiciel, de même que les fédérations sportives ou les clubs de football comme le Paris Saint-Germain. En 2014, pour les Jeux olympiques d’hiver à Sotchi, 68% des médaillés (et leurs entraîneurs) utilisaient Dartfish pour analyser leurs mouvements et les comparer avec leurs performances précédentes. Le logiciel analyse des paramètres comme la vitesse et les angles, ce qui permet aux athlètes de travailler sur des mouvements spécifiques.

Superposition d’images

Serge Ayer de l’EPFL lance en 1997 Simulcam, l’ancêtre de Dartfish, pour comparer des enregistrements vidéo de performances sportives. Deux ans plus tard, les amateurs de ski ont assisté aux premières rediffusions montrant deux skieurs simultanément : le deuxième skieur accompagné du « fantôme » du skieur en tête. Avec 13 bureaux dans le monde, Dartfish est le leader mondial de l’analyse vidéo.
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Les capteurs qui font parler la sueur

Comme les amateurs, les professionnels sont limites par la médecine sportive, handicapes qu’ils sont par la lourdeur des équipements de mesures physiologiques. Les capteurs d’Adrian Ionescu a l’EPFL sont capables, eux, d’analyser en temps réel des électrolytes et des biomarqueurs dans la sueur, avec une technologie près de 10ʼ000 fois plus petite que les systèmes courants. Les sondes issues de ses recherches seront également susceptibles, demain, d’examiner les gaz de notre environnement ou ceux de notre respiration. L’hydratation, la fatigue, la nutrition seront quantifiables, mais aussi la teneur en allergènes et en polluants dans l’air. Selon Adrian Ionescu, « ces biocapteurs vont devenir réalité ». Les premiers sont d’ailleurs en cours d’élaboration par la startup suisse xsensio. Aujourd’hui pour la médecine, demain pour les sportifs professionnels, après-demain pour les amateurs?
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Une version de cet article est parue dans le magazine Technologist (no 09).

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