TECHNOPHILE

Prévenir les blessures grâce au big data

Le risque de se blesser est inhérent à la pratique sportive. Il est désormais possible de l’éviter en recourant à des simulations numériques et à l’analyse de données.
Et d’accélérer la guérison grâce à des prothèses personnalisées.

Un sportif de haut niveau qui déclare forfait coûte cher. Chaque année, les équipes des ligues professionnelles mondiales de football sont privées de 12,4 millions de dollars en moyenne à la suite des blessures de leurs joueurs, selon l’enquête Global Sports Salaries. Le genou, l’épaule, le coude et la cheville sont le plus souvent touchés, selon Andreas Imhoff, directeur du département d’orthopédie du sport du Rechts der Isar Hospital de la Technische Universität München (TUM).

La blessure est parfois provoquée de façon insidieuse par de faux mouvements. Pour y remédier, Gait Up, une spin-off suisse de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, a développé un traceur de mouvement. En pratique, l’athlète fixe un boîtier en plastique léger de la taille d’une boîte d’allumettes à sa chaussure ou au niveau du buste. Doté de nombreux capteurs, le traceur enregistre les mouvements, permettant à l’entraîneur de contrôler ceux qui pourraient être à l’origine de blessures à l’aide du logiciel d’analyse. En théorie, l’appareil fonctionne aussi en temps réel. «Nous prévoyons d’adapter le système pour que le coureur de marathon sache ce qu’il doit changer dans sa manière de courir au moment où il court», explique Benoit Mariani, fondateur et CEO de Gait Up. L’entreprise vise d’autres disciplines sportives: «Nous avons réalisé ces analyses également auprès de skieurs, de nageurs et de sportifs d’équipe.» Plusieurs études scientifiques ont démontré l’efficacité d’un tel dispositif pour réduire le nombre de blessures.

Outil décisionnel pour l’entraîneur

Un claquage ou une rupture de tendon. Une chute accidentelle ou une collision entre deux sportifs. La faute à pas de chance? L’Irlandais Stephen Smith, fondateur de Kitman Labs, n’y croit pas. En examinant les statistiques des équipes de basket-ball et de baseball, cet ancien coach professionnel est frappé par les différences significatives de coûts engendrés par les blessures selon les équipes. Pour lui, la simple malchance ne suffit pas à expliquer cette répartition inégale. Il doit y avoir une autre cause, et elle doit se trouver dans les données.

De multiples facteurs influencent le comportement du sportif, et, de fait, le risque de blessure: sa manière de se mouvoir, ses paramètres vitaux, son mental, sa condition physique, son alimentation, son sommeil et ses blessures antérieures. Kitman Labs compile ces données et calcule le profil de risque de chaque sportif au moyen d’un algorithme. En consultant sa tablette, l’entraîneur peut connaître ce profil indiqué en pourcentage et décider de faire jouer l’athlète ou de le laisser sur la touche. L’entreprise a déjà conseillé des équipes des ligues américaines de football, de basket-ball et de baseball, réduisant jusqu’à 30% le risque de blessures sur deux ans.

Voyant dans le sport professionnel une application du Big Data, des géants comme IBM et SAP s’y mettent aussi. «Mais le vrai marché est celui du sport amateur», explique Mark Lehew, de la division Sports & Entertainment de SAP. «C’est là que surviennent la majorité des blessures, précise Andreas Imhoff. En effet, les sportifs professionnels sont entraînés et savent comment tomber sans se blesser.» Chaque année, un million d’Allemands sont victimes de blessures liées au sport nécessitant des soins médicaux, selon une étude de l’Université de la Ruhr à Bochum. La situation s’est améliorée à cet égard. «Autrefois, il fallait pratiquer de grandes incisions; aujourd’hui, nous recourons à l’arthroscopie, une technique chirurgicale mini-invasive. Et nous utilisons des implants biodégradables. Ces progrès accélèrent la guérison.»

La prothèse parfaite

Grâce aux avancées technologiques, les chirurgiens peuvent désormais s’appuyer sur des simulations numériques. Rüdiger Westermann, professeur en informatique à la TUM, simule par ordinateur les forces qui agissent sur l’os d’un patient, et peut en prédire l’évolution en analysant ces données. Le risque associé à une prothèse standard est le descellement de celle-ci résultant de l’évolution de l’os. «Nos simulations donnent au chirurgien des indications sur la forme de prothèse à privilégier et l’emplacement le plus approprié pour la poser.»

En outre, ces simulations présentent un intérêt pour les sportifs en bonne santé: «Avec une simulation sur l’ensemble du corps, muscles et tendons inclus, le sportif pourrait connaître l’enchaînement de mouvements optimal.» Il y a certes encore du chemin à faire, mais cela signifierait qu’il serait non seulement possible de déterminer l’entraînement parfait, mais aussi le lancer de disque ou encore le saut à la perche parfaits. A quand le prochain record du monde d’origine numérique?
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ENCADRE

Mobilisation européenne pour le vieillissement actif

Pour soulager la pression créée par les coûts de la santé et de la sécurité sociale, l’Institut européen d’innovation et de technologie (EIT) — l’organe de l’UE pour la recherche et le développement — a lancé une initiative majeure cette année: ordinare cialis online. Ce projet, qui regroupe 140 sociétés pharmaceutiques et de medtech, instituts de recherche et universités, a pour but de stimuler l’entrepreneuriat et les innovations en faveur d’une vie saine et d’un vieillissement actif. EIT Health dispose d’un budget de 2 milliards d’euros sur dix ans.

En parallèle, la TUM s’attaque aux problèmes de mobilité réduite avec son projet «Active hands», dont l’objectif est d’aider les personnes âgées ou atteintes d’une maladie du système nerveux central à accomplir leurs tâches quotidiennes. ETH Zurich travaille dans la même optique avec «Hand Tech», qui pourrait permettre à des victimes d’AVC de récupérer l’usage de leur main parétique.
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Une version de cet article est parue dans le magazine Technologist (no 9).

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